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Organisations sociales

Désolation

Un territoire presqu’aussi grand que la Corse à une latitude comparable à celle de Paris, mais en hémisphère Sud : Voici l’archipel des Kerguelen, qui constitue, avec l’archipel de Crozet et les îles de St Paul et d’Amsterdam, une facette originale de la France.
Ce sont des terres sans peuples. Aucune colonisation analogue à celles des Inuits ou des esquimaux dans le grand Nord.  Trop loin sans doute, et dans des
Mers difficiles, les fameux 40e rugissants et les 50e hurlants. Ce ne sont pas les grands froids, on est encore loin du pôle Sud et de l’Antarctique, mais le Vent y souffle en permanence. Aucun obstacle ne vient l’arrêter. Des Iles sans véritable port, d’accès délicat. Yves Kerguelen a découvert l’archipel (1772) qui porte son nom sans parvenir à y descendre lui-même, et, à St Paul, la prise de possession s’est faite en jetant des hommes à l’eau, emportant une amarre pour établir un va-et-vient (1872). Une protection naturelle très efficace. Des Terres bien préservées, occupées par intermittence par des aventuriers, des naufragés, des chasseurs d’otaries, d’éléphants de mer et de baleines. Quelques tentatives d’exploitation plus régulière, avec la pêche à la langouste à St Paul et Amsterdam, ou d’implantations agricoles, avec des vaches (Amsterdam), des Moutons et des mouflons ou même des rennes (Kerguelen), mais de nombreux abandons au bout de quelques années, voire quelques mois. Il en reste des installations malmenées par les vents et la pluie, et qui font la passion des archéologues, comme la station baleinière de Port Jeanne d’Arc, la seule jamais installée sur le territoire français, et surtout une faune et une flore qui ont transformé l’écologie des ces îles.
Pas de tentative de peuplement à l’Australienne ou à la Canadienne, avec des contingents de forçats et de prostituées qui aurait été envoyés coloniser ces terres lointaines au nom du Roi de France.  Sans doute étaient-elles vraiment trop lointaines, et les bénéfices trop incertains. Ce sont surtout les pêcheurs Réunionnais qui ont voulu marquer une présence française, pour protéger des droits qui furent malgré tout longtemps bafoués, jusqu’à l’arrivée des satellites au secours de la flotte de surveillance.
La terre, donc, essentiellement pour viser la mer, que l’on appelle aujourd’hui zones économiques exclusives et se mesure par rapport aux côtes. Rien de bien conséquent sur les archipels eux-mêmes, iles de la désolation pour reprendre l’expression du navigateur britannique Cook. Il est vrai qu’une approche économique traditionnelle, coloniale, ne peut être que déçue. La
Richesse de ces terres Australes n’est pas de cet ordre. Ce sont aujourd’hui des laboratoires. Constituées en réserves naturelles, leur visite est réglementée strictement, et les quelques bases permanentes qui y ont été installées servent aujourd’hui prioritairement à  l’observation du milieu. La présence de manchots royaux dans leurs manchotières de plusieurs centaines de milliers d’individus, des éléphants de mer, des otaries, des grands oiseaux marins comme l’albatros hurleur ou le pétrel géant, nous renvoie à la biologie marine, mais les vrais « poids lourds »  de ces iles sont les masses d’eau et les masses d’air. Les climats se déterminent ici, la météo est reine, et a été à l’origine des premières stations permanentes à Crozet et à Amsterdam. La faune est la partie sensible d’un immense champ de recherche. La vie marine témoigne aussi des confrontations des mers australes et antarctiques, chacune avec  leur salinité, leur température, leurs organismes vivants. Les grands mammifères marins et leurs populations sont des indicateurs parmi d’autres du bon fonctionnement de la planète. 
Pour offrir à la recherche et à l’observation les moyens nécessaires, que d’intendance ! La vie loin de tout, avec un lien exclusivement maritime, ne s’improvise pas. Le souci de revenir à l’état premier des lieux conduit à éradiquer tous les apports du monde « civilisé » : Il ne faut compter sur  aucune production locale, si ce n’est une pêche aux époques autorisées. Tout est apporté sur place par bateau, l’énergie comme la nourriture et les matériaux, produits de première nécessité. L’énergie, direz-vous, il y en a à revendre, avec ce vent qui ne faiblit jamais. Sans parler de celle que l’on doit trouver dans les profondeurs des anciens volcans qui ont fait surgir ces iles des fonds marins. Les communautés de quelques dizaines d’individus ne justifient pas d’investissements importants, et les techniques courantes du renouvelable ne semblent pas adaptées. Après quelques échecs qu’il conviendrait d’analyser, le pétrole règne en maître, apporté régulièrement par le Marion-Dufresne, qui assure le lien régulier des archipels avec la Réunion.
L’isolement des iles australes illustre la difficulté et le coût des implantations lointaines. Les satellites et les nouvelles technologies de communication ont apporté des réponses très performantes en situation extrême, mais une présence humaine reste indispensable pour de nombreuses tâches.   Que dire, alors, des rêves de ceux qui voient l’avenir de l’humanité sur d’autres planètes ? Bien sûr, il doit exister, dans l’infinité de l’espace, une ou plusieurs Terres bis, ou ter, mais à quel prix les atteindre et assurer un lien avec l’actuel plancher des vaches ? La « conquête » de l’espace pour mieux connaitre le Terre et assurer une gestion « durable », oui. Quant à coloniser les galaxies, mieux vaut laisser ces phantasmes à la fiction.

Chronique publiée sur le Moniblog le 27 septembre 2009

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