Dérégulation
L’accumulation des règlements est souvent critiquée, et la dérégulation est appelée de toutes parts. Il y a bien sûr un ménage à faire, mais toute dérégulation est-elle durable ?
Trop de règlements ! La formule est répétée à l’infini. Toutes ces contraintes enferment la créativité des acteurs, et constituent un frein au développement. Un rapport de la Commission européenne vient contredire sérieusement cette assertion.
Voilà des directives qui ont fait couler beaucoup d’encre en leur temps, et encore maintenant. Il était même question d les revoir, et un rapport préliminaire a été lancé avant de passer aux actes. L’objectif sain de « moderniser le droit de l’environnement » ne doit pas conduire à le vider de sa substance. Ce sont les directives « Oiseaux » et « Habitat », adoptées en 1979 et 1992, bases de la politique de protection d’espaces sensibles sous le nom de Natura 2000, qui sont l’objet d’une évaluation (1). Les résultats sont éloquents.
Il est vrai que la mise en œuvre de ces règlements coute de l’argent. L’enquête auprès des Etats membres de l’Union européenne a permis d’évaluer à environ 5,8 millions d’euros par an les dépenses engagées au titre de cette politique. Mais elle rapporte bien plus. De 50 à 85 millions d’euros par an de retombées pour les économies locales. En comptes ronds, nous sommes dans un rapport de 1 à 10, soit 10 euros gagnés pour une dépense de 1 euro. Pas mal ! Et ce n’est pas tout. Au-delà de ces retours en argent immédiat, il y a tous les services gratuits rendus par les écosystèmes. Le maintien de la biodiversité et des milieux est hautement productif. Plusieurs évaluations des services gratuits rendus par la nature ont été faites, et elles produisent des chiffres dans une fourchette de 1 à 3, mais elles convergent toutes sur l’importance du phénomène : la richesse ainsi produite est au minimum équivalente au PIB dans les hypothèses les plus prudentes. Cette richesse a été évaluée par les experts sollicités par la Commission européenne à 200 à 300 millions d’euros par an.
Voilà donc des règlements qui rapportent beaucoup d’argent ! Et en plus, elles sont plutôt efficaces, quant à leur objectif de protection. Une bonne politique somme toute.
Evidemment, les contraintes pèsent sur certaines personnes, qui ne sont pas ceux qui bénéficient de cette action. On peut comprendre les réticences des « payeurs », mais le bénéfice est tellement important qu’il n’y a pas à hésiter. Il faut juste compenser ou indemniser ceux qui ne retrouvent pas leur mise.
A défaut, les « perdants » vont se rebeller, et faire lobby pour dire le plus grand mal des réglementations, et exiger une dérégulation, souvent avec la plus mauvaise foi. C’est ainsi que le bruit de fonds anti règlements se propage. Il y a malgré tout beaucoup de maladresses dans certains règlements, et il en est beaucoup d’obsolètes et de contre productifs. Le mouvement pour l’allègement des règlements est légitime, mais une dérégulation sans précautions condamnerait les bonnes règles. Attention à ce que la mauvaise réglementation ne chasse pas la bonne.
La réglementation a plutôt comme objet de protéger des biens communs, biens de tous, guère défendus comme les intérêts particuliers. Et pourtant, des biens communs représentent une valeur collective, comme celle évaluée par les experts de la Commission européenne.
Déjà, en mars 2012, une communication de la commission européenne relative à l'amélioration de la mise en œuvre du droit de l'environnement au sein de l'union européenne, avait attiré l’attention sur les bienfaits de ce droit. Les réglementations, souvent accusées de coûter cher et de freiner le développement économique, sont en réalité rentables et sources de nombreux emplois. Globalement, les défauts d'application des réglementations entraînent un coût évalué à 50 milliards d'euros chaque année. Une dérégulation imprudente couterait cher.
Un coût à rapprocher du montant des subventions qui nuisent à l’environnement. Loin de s’opposer, la protection de l’environnement et le développement économique vont de pair, comme le montre l’étude des directives Habitat et Oiseaux. Une bonne nouvelle, à propager durablement.
1 - Milieu Ltd, Institute for European Environmental Policy (IE??), ICF International, Ecosystems Ltd. Evaluation study to support the Fitness Check of the Birds and Habitats Directives, novembre 2015
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