Conjoncture
La conjoncture est souvent accusée de tous les maux. C'est sa faute si ça ne marche pas. Attitude bien connue, pour se défiler de toute responsabilité et éviter de se poser des questions. Au-delà de la conjoncture, il y des phénomènes de fond, qu'il nous revient d'inclure dans nos raisonnements.
Environ 6,5 millions de ménages, sur les 26 que compte notre pays, bénéficient d’une Aide personnalisée au logement. Et malgré cet effort de redistribution, le mal logement s’étend. La Fondation Abbé Pierre dénonce cette situation(1), en insistant notamment sur l’effort nécessaire pour une personne isolée percevant le SMIC. Dans le parc privé, c’est presque la moitié de son salaire qui est consacré au logement, et ce « taux d’effort » croît bien plus vite pour les familles modestes que pour les plus aisées. Cette situation n’est hélas pas conjoncturelle, même si la conjoncture l’accentue, elle s’est installée en France et en Europe occidentale il y a bien longtemps, et elle prospère. Le délégué général de la Fondation évoque la situation d’une voiture qui fonce dans le Mur tous phares allumés (2).
Mauvaise conjoncture également pour les retraites. Là encore, les déficits se creusent, et les Perspectives de vieillissement de la population montrent que l’on va tout droit dans une impasse. Il s’agit de sauver la retraite par répartition, fondée sur une solidarité entre ceux qui travaillent et par conséquent cotisent, et les Inactifs. L’arithmétique des classes d’âge n’est pas favorable, et les simples ajustements, sur l’âge légal de départ à la retraite par exemple, ne changeront pas grand-chose.
La Santé, encore un sujet d’inquiétude. Là encore, les comptes donnent des sueurs froides aux responsables de la sécurité sociale. Toujours la hausse des besoins d’un côté, et de l’autre la réduction du nombre de cotisants. Les fondements de l’Assurance maladie sont remis en question, avec en fond de décor une exigence sociétale sur la santé en forte progression (3).
Ces trois exemples d’évolution actuelle, et semble-t-il durable au sens premier du mot, montrent s’il en est besoin que nos organisations sociales et économiques ne répondent plus aux besoins tels qu’ils s’expriment aujourd’hui. On parle de 1945, des accords internationaux et des compromis historiques qui ont été passés en France pour ressouder une unité encore fragile au lendemain d’un conflit douloureux. Traites sur l’Avenir, facilement honorées pendant les 30 glorieuses, au Prix d’une Croissance débridée, souvent destructrice, dans un monde où la France, avec ses Colonies, tenait encore une position « dominante ».
Ce modèle est en fin de Course. Les bases sociales, économiques, Politiques de nos sociétés ont profondément évolué, et il s’y ajoute, domaine négligé pendant des années, la question des Ressourcess de la planète, des dégâts des rejets dans l’environnement et autres agressions liées à l’artificialisation de nos territoires. Il faut donc trouver un nouveau modèle de développement, capable d’offrir le cadre d’une refondation tous azimuts. Rien que dans le logement, notre premier exemple inspiré des alertes de la fondation Abbé Pierre, il faut à la fois construire et rénover beaucoup, à un rythme sensiblement supérieur à ce que l’on a pu faire ces dernières années, il faut offrir aux ménages les conditions financières d’accès à ces logements, il faut que ces logements offrent un cadre de vie agréable, et permettent notamment aux enfants de grandir et d’apprendre dans de bonnes conditions, et il faut faire des Economies drastiques pour atteindre le « facteur 4 », diviser par 4 nos émissions de gaz à effet de serre, sans oublier les autres Contraintes, sur les ressources, les matériaux, les Paysages, la biodiversité, les microclimats. Rien que ça.
Le Grenelle de l’environnement donne une piste pour relever de tels Défis. On ne trouvera pas de solution sans travailler tous ensemble, dans un esprit de coopération. L’heure n’est plus aux affrontements, aux égoïsmes sectoriels, à la recherche d’une victoire d’un camp sur Les autres, des Patrons ou des ouvriers, des promoteurs ou des associations, des actifs ou des inactifs. Il s’agit d’apaiser les relations entre tous ces partenaires qui doivent non seulement accepter de s’écouter et de travailler ensemble, mais doivent y trouver intérêt et Plaisir. C’est tout l’enjeu de la bonne gouvernance, forcément à plusieurs. Le despotisme, qui se croit par nature éclairé, la solution Unique imposée par des experts, ou encore l’enfermement dans une bipolarité réductrice, constituent des tentations fortes, au nom de l’efficacité. Ce sont des formules bien connues, mais dont l’effet premier est d’exclure et non d’ouvrir. La bonne gouvernance est ailleurs, elle exige la confiance et le respect mutuel pour mobiliser les énergies et les organiser.
Le développement durable est une tentative de réponse, c’est un état d’esprit pour aborder de front toutes les dimensions des problèmes, et chercher des solutions intégrées. Des solutions originales, qui surprendront souvent, choqueront parfois, et qui ne pourront entrer dans les faits que si elles ont portées par l’essentiel des acteurs.
(1) Rapport 2010 sur l’état du mal-logement en France
(2) Voir Le Moniteur.fr du 2 février 2010
(3) On pourra se reporter sur ce plan au livre d’Edouard Bidou Les nouveaux paradigmes de la santé, Editions Larcier, 2008.
Chronique mise en ligne le 7 février 2010
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