Colère
La colère. Voilà un péché, pourtant capital, bien utile pour le développement durable. A condition d'en faire bon usage.
Un mot trop facile à décliner dans l’univers du développement durable. Un péché Capital trop facile à commettre, les tentations étant multiples et permanentes.
Colère contre mes amis écolos (pas tous, mais beaucoup), qui croient faire avancer leur cause en affirmant que nous n’avons pas le choix. Le dos au mur et l’angoisse du futur n’ont jamais été les meilleurs moteurs du progrès. Ils seraient plutôt des motifs de repli sur soi, de conservatisme.
Colère contre l’exploitation grossière du développement durable, mis à toutes les sauces pour vendre n’importe quoi. Le détournement trop fréquent du concept en diminue la portée, brouille les cartes, et rend plus difficile la recherche des voies d’un progrès durable. Halte au greenwashing !
Colère contre ceux qui ne voient pas d’autre modèle que l’expansion à l’infini, et qui souhaitent voir l’humanité partir à la conquête des planètes pour y trouver ce qu’elle a détruit sur notre bonne vieille Terre.
Colère contre le déferlement de publicité pour les voitures, à la télévision. Toute cette puissance de séduction au service d’un modèle dépassé d’économie, sans parler des efforts des constructeurs de tous les pays pour inoculer le virus aux pays émergents.
Colère contre la tromperie consistant à caractériser « nationale » l’énergie nucléaire, puisque le l’uranium vient de l’étranger, comme le pétrole, avec les drames humains dont nous sommes témoins au récemment au Niger par exemple. Ajoutons que l’équilibre financier de cette industrie ne peut s’espérer sans vendre massivement à l’étranger. Que de turpitudes est-on prêt à commettre pour s’assurer l’accès à la ressource comme aux débouchés ?
Colère contre la régression de nos institutions, et la marche vers la concentration des pouvoirs, au lieu de la création de lieux propices à la création collective, à la compréhension réciproque, et au renforcement de la confiance entre les acteurs de la société.
Colère contre les caricatures et le mauvais usage de la liberté d’expression. S’adresser à une autre société avec son propre code de communication ne peut conduire qu’à des malentendus et au rejet du message que l’on veut transmettre. Surtout quand il faut leur faire passer des leçons. Belle manifestation d’un néo colonialisme bien pensant, qui ne pense pas une seconde que son mode d’expression pourrait être incompréhensible dans d’autres cultures.
Colère contre les natalistes, qui veulent que la France fasse de nombreux enfants pour assurer nos retraites, sans imaginer un instant que la croissance démographique de la population mondiale doit bien s’arrêter un jour, dans tous les pays donc dans le nôtre, et qu’il n’est pas très charitable de léguer la nécessaire transition et ses difficultés à nos enfants.
Colère contre les malthusiens qui pensent que la démographie (pauvre science, accusée de tous les maux !) est la cause de la dégradation des grands équilibres planétaires, alors que le genre de vie, notamment des populations les plus « développées », est de loin le facteur le plus lourd de cette dégradation. Encore une manière de ne pas se remettre en cause…
Colère contre ce billet, par essence négatif et geignard, alors que le développement durable a besoin d’une communication offensive, Dynamique, tournée vers l’action. Le développement durable, ce sont des lendemains qui chantent. Ils ne tomberont pas du ciel, il n’y a rien de magique là-dedans, il faut les construire, ces lendemains, et se donner les moyens de le faire. Ce ne sera pas avec le la morale ni même de la colère, par nature contraire à la morale puisque considérée comme un péché capital, mais avec une détermination, une curiosité, une rigueur de pensée, une ouverture au monde et aux autres cultures, de l’humanisme en un mot.
Chronique publiée le 9 février 2009, revue le 5 février 2011
Photo : André Hunter : Unsplash
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