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Organisations sociales

Automatisme

Appliqué à la pensée, l’automatisme ne permet pas d’imaginer de nouveaux futurs, comme le développement durable nous y invite. Se libérer de ces automatismes est une nécessité opérationnelle comme une bonne hygiène de vie.

L’automatisme peut être formidable, quand il s’agit de mécanique, mais il est très dangereux pour la pensée. Les automatismes de pensée, comme les « évidences », sont des machines à empêcher de penser, et donc d’innover, d’imaginer des solutions originales aux problèmes qui se présentent.
Parmi les automatismes de pensée, figure la certitude que la croissance entraîne irrémédiablement une pression supplémentaire sur l’environnement et les ressources naturelles. Une corrélation qui a pu être vraie, qui ‘est peut-être encore, mais est-ce une fatalité ?
Prenons un exemple, l’alimentation. Un tiers de notre « empreinte écologique ». Une croissance alimentaire est-elle synonyme de pression sur les ressources ? Deux réponses à cette question, quantitative et qualitative. Sur le premier point, nous vivons dans les sociétés dites développées en état d’obésité pour une bonne partie de la population. « Plus » est souvent une erreur, et il est possible, et même incontournable, de manger mieux en consommant moins. Une croissance du service rendu, une alimentation équilibrée, et une baisse de la pression sur l’environnement. Et il y a les pertes en ligne, un tiers de la production, que l’on peut espérer réduire, avec du travail et de l’innovation technologique. Ça donne une marge de progression appréciable. Au plan qualitatif, manger mieux, diversifié, des produits de saison et de proximité, permet une croissance de la qualité de vie tout en réduisant le prélèvement de ressources. Moins de viande, mais chère et de qualité, plus de légumineuses et d’épices. Allez au restaurant, un bon restaurant qui cuisine à partir de produits de qualité, locaux et de saison, vous augmenterez le PIB et participerez à la croissance sans dégrader l’environnement. Si le restaurateur se fournit sur le marché de l’agroécologie, l’augmentation du PIB produit un enrichissement la biodiversité.
Nous aurions pu prendre un autre exemple, le logement, autre poids lourd de notre empreinte écologique. Nous savons aujourd’hui offrir une meilleure qualité d’habitat, plus lumineux, plus calme, plus sain en réduisant sensiblement les prélèvements de ressources, sur la durée de vie du bâtiment.
Nous sommes en plein dans l’illustration du sous-titre du rapport au Club de Rome Facteur 4 (1), « Deux fois plus de bien-être, en consommant deux fois moins de ressources », croissance pour les humains, et réduction de la pression sur la planète. Une croissance qui doit être reconnue, valorisée et intégrée dans les programmes de développement économique. L’humain est au cœur du projet, et la planète en profite. La qualité de la vie en tête de gondole, c’est du plaisir, de la santé, des relations sociales enrichies, de la « consommation culturelle », et en définitive moins de besoin de s’échapper, de compenser des frustrations. Plus de bien-être, c’est moins de boulimie et moins de « fièvre acheteuse ». Cassons l’automatisme qui consiste à vouloir résoudre les problèmes de la planète en répétant inlassablement « sauvons la planète ». Partons de l’humain, de ses préoccupations et de ses envies, pour proposer de nouveaux modes de vie, de nouveaux modes de production et de consommation, et en les valorisant socialement. C’est bien sûr impossible si ces nouvelles pratiques apparaissent comme une pénitence, la punition bien méritée d’une humanité qui se croit au-dessus des autres êtres vivants et qui a détruit son environnement, le prix à payer de notre orgueil. C’est possible au contraire en s’appuyant sur une vision de la modernité et de l’avenir, en accordant un statut de précurseur et d’innovateur à ceux qui seront porteurs de cette recherche de bien-être, et en en faisant une source de croissance monétaire. Le PIB peut s’accroître avec des biens immatériels ou presque, comme des toiles de maître, des repas dans un grand restaurant ou des exploits de footballeurs, c’est bon pour le prestige, ça donne des émotions, et ça ne prélève pas de ressources naturelles.
Tant que l’automatisme de pensée refuse l’idée de rechercher une croissance non prédatrice, nous n’arriverons pas à imaginer et à construire une telle réponse à nos défis, ni même à l’expérimenter.
 C’est une approche culturelle, qui au lieu de dire Non à a croissance, en propose un nouveau contenu, aussi attractif et plus valorisant que l’ancien. Une approche offensive, disruptive, pour reprendre un mot à la mode. Elle peut paraître surprenante, c’est dans sa nature même, mais à quoi bon s’activer sur des voies qui, jusqu’ici, se sont révélées stériles ?  L’automatisme des pensées, voilà l’ennemi.

 

1 - Facteur 4, rapport au Club de Rome daté de 1997, Ernst U. Von Weizsäcker, Amory B. Lovins, et L. Hunter Lovins, Terre Vivante pour l’édition Française
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