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Organisations sociales

Alter

On a vite fait de condamner, et d'être contre tout ce qui est pour et pour tout ce qui est contre. Réflexe un peu rapide, voire primaire, qui masque le besoin d'une alternative.

La tendance au rejet de ce qui ne vous plait pas est bien naturelle. La mondialisation ne vous plait pas, elle crée et renforce des inégalités : haro sur elle, et vous voilà antimondialiste.

Ce phénomène se développe souvent dans le champ du développement durable. La croissance nous mène à l’impasse ? Vive la décroissance. La décroissance comme objectif, ça fait tout drôle, mais ça interpelle. D’autres tiendront en horreur la réglementation, toujours rigide et imbécile, empêchant de prendre les bonnes décisions et surtout d’innover. La déréglementation apparait alors comme la délivrance. Les exemples sont nombreux de cette réaction des anti ou des dé-quelque chose.
Il n’y a pas mieux pour brouiller les esprits. Les antimondialisation ne se disent-ils pas citoyens du monde ? Ou bien sont-ils des protectionnistes à tout crin, repliés sur les frontières comme des barricades contre les aléas de l’étranger. Des super Dupont, soucieux de la défense d’une France idéalisée, voire pétainiste, ou bien des tiers-mondistes convaincus, qui trouvent que la libéralisation des échanges détruit des sociétés entières, appauvrit encore plus les plus pauvres, casse la moindre dynamique locale de développement autonome ? Les antimondialistes, ceux qui manifestent au moindre G7, ou G20, ont bien compris le danger, et ils ont changé de nom : ce sont les altermondialistes, ceux qui veulent un autre monde, "où la Terre serait ronde", pour reprendre la chanson. Il y a sans doute parmi eux des partisans de l’autarcie, mais il s’agit surtout de modifier les modes de développement du Nord pour laisser sa chance au Sud. 
La dérégulation est une mode bien portée en France. La présentation par 10 architectes de perspectives pour le Grand Paris a permis à certains d’entre eux de dire tout le mal qu’ils pensent des règlements. Vive la liberté ! Faites nous confiance, on vous trouvera les bonnes solutions. C’est le même langage qui est tenu par certains patrons, bridés par les lois sociales, qui affirment qu’ils pourraient faire beaucoup plus de bien autour d’eux s’ils avaient les mains libres. Intellectuels, artistes, grand capital et petits patrons se retrouvent alliés pour lutter contre toutes les entraves à leur créativité. Bel ensemble, un peu surprenant, mais ils doivent bien avoir raison quelque part. Que de règles obsolètes, datant d’une autre époque ! Sans parler des corporatismes, des avantages acquis, des rentes de situations, de la peur du changement. Il faut casser des vieilles règles, qui nous enchainent. C’est la dérégulation.

 On s’aperçoit vite que tout le monde n’est pas d’accord. Même imparfaites, les règles permettent de vivre ensemble, elles organisent la société, définissent des modes apaisés de relations, protègent les plus faibles. Il est vrai que la manière de décrire ces exigences n’est pas sans poser de problèmes. Soit on reste général, soit on entre dans les détails. Mais chacun sent bien l’intérêt de règles communes, malgré leurs défauts et leurs excès. Il faut juste savoir les faire évoluer. Le paradoxe est que les plus ardents défenseurs des règlements ont trop peur d’ouvrir la boite de Pandore, et tentent de bloquer toute velléité de modification, de peur de se trouver affaiblis. Le résultat est que des règles trop anciennes perdent toute légitimité, et deviennent des cibles faciles pour les dérégulateurs fous. Sacraliser la loi revient à la fragiliser. Là encore, le préfixe dé- nous joue des tours. Substituons-lui Alter, et nous y verrons plus clair. Ce n’est pas le principe de la réglementation qui est en cause, mais sa mise en œuvre. Le développement durable est freiné, voire rendu impossible, par des lois et des codes issus de la reconstruction d’après guerre. Il faut revisiter tous ces textes, et leur donner de nouvelles orientations. Vive l’alter régulation !

La décroissance est parfois avancée comme solution à la crise écologique. Expression difficile à accepter pour la partie de la population, dans les pays riches comme dans les pays pauvres, qui vit au-dessous des seuils de pauvreté, même si la décroissance annoncée serait réservée aux riches. La décroissance dans les prélèvements de ressources, dans les rejets des activités humaines dans l’environnement, tout le monde est d’accord. Entraine-t-elle obligatoirement une décroissance en termes de bien être ? Le terme de décroissance érige en postulat que l’on ne pourra jamais augmenter le bonheur sans accentuer la pression sur la planète. Triste proposition, bien défaitiste. Le double dividende serait-il une utopie ? L’enjeu du développement durable est bien de procurer aux 9 milliards d’humains que nous serons bientôt une réelle qualité de vie tout en réduisant nos prélèvements et nos rejets. C’est un exploit qu’il faut accomplir, et il n’est pas gagné d’avance, mais faut-il abandonner toute tentative d’y parvenir ? C’est une autre forme de croissance, plus immatérielle, fondée sur des richesses culturelles, du savoir faire, des valeurs à base de travail humain et de talent, de l’intelligence, qu’il nous faut trouver. Une alter croissance, au lieu de la décroissance.
Sortir des contradictions par le haut, c’est ce à quoi nous incite le développement durable, au lieu de choisir une issue et de rejeter l’autre. C’est un autre regard, une autre manière d’aborder les questions, une autre échelle pour les examiner, qui permet souvent de trouver une solution originale. C’est cette ouverture d’esprit et cette curiosité, cette liberté à conquérir par rapport aux canons traditionnels et au bon sens, qui est la marque du développement durable, Alter, avec sa dynamique propre. C’est mieux que le langage du refus, anti ou dé-, qui conduit à réduire la voilure, et à se replier, bien loin de la recherche d’un moteur pour conduire le changement.

Chronique publiée le 12 juin 2009, revue le 13 juillet 2010

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