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Modes et Modèle

Marronnier

Une heure de sommeil en moins : l'épreuse est redoutable, mais elle annonce les beaux jours, comme les marronniers, toujours fidèles au rendez-vous du printemps.

Ce sont les plus précoces, les marronniers de nos Villes, leurs premières feuilles annoncent le retour du printemps.

marronniersGuettés à ce titre par les journalistes, ils ont même donné leur nom aux banalités, à une actualité rituelle sans importance, à des évènements qui n’en sont pas véritablement.
Pourtant, le cycle des saisons ne manque pas d'Intérêt. C’est pour nos sens l’occasion d’une redécouverte, du froid comme du chaud, d’une infinité de Lumières. C’est une source de diversité qui nous est proposée, et que nous devons apprendre à apprécier. Les premières fraises sont un vrai Plaisir, elles offrent des sensations, elles ravivent des souvenirs. Quel dommage d’en produire en toutes Saisons, détruisant ainsi à la fois le charme des retrouvailles et leurs qualités gustatives.
Nous voulons en effet nous affranchir des saisons. Le ski en plein été en Lorraine(1), et les haricots verts en hiver. Nous n’allons pas nous laisser dicter notre mode de vie par la nature ! Ce que je veux, quand je veux, voilà mon credo.  Pour parvenir à ce résultat, nous sommes prêts à sacrifier l’émerveillement des premières neiges, les couleurs de l’automne, le Bonheur des jours qui rallongent, l’émotion des saveurs oubliées. Même la morsure du froid peut être source de plaisir.
Le vocabulaire courant traduit une approche simplifiée du Temps qu’il fait : le beau temps est devenu synonyme de Soleil, comme si l’alternance n’était pas une bénédiction. Le soleil nous réjouit parce qu’il n’est pas garanti, parce qu’il vient après la pluie. Et quel plaisir nous offrent les odeurs de la Terre après une averse, sans parler des flaques d’eau ou les enfants aiment tant sauter à pieds joints.
L’uniformité est un appauvrissement, et les saisons nous en préservent. Sachons en profiter, et saluer les marronniers comme ils le méritent. Il y a quelques années, le retour du printemps était suivi à la télévision, Antenne 2 à l’époque, devenue France 2, avec les hirondelles. Les téléspectateurs informaient la chaine de leur arrivée, et chaque soir, à la météo, nous pouvions observer leur progression, leur montée vers le Nord. Une semaine de Curiosité, et une manière simple de prendre conscience du renouveau des saisons. Une autre méthode est l’observation des marchés. Les produits se renouvellent, les Prix témoignent de ce renouveau, et des Recettes nous sont données à la radio pour tirer parti de cette fraîcheur. En d’autres temps, ce sont les produits secs et les légumes qui se conservent qui nous sont conseillés, avec des accommodements originaux. Vivement le prochain Hiver, que nous puissions déguster un magnifique bœuf bourguignon ! La Cuisine d’hiver est aussi bien agréable, comme le chocolat l’est à Pâques.
Vivre avec les saisons est un plaisir à cultiver. Pour la nourriture, pour les loisirs, pour la curiosité intellectuelle et la sensibilité. C’est aussi une nécessité écologique. L’aplanissement des différences est coûteux en énergie, il prélève dans les pays du Sud des espaces et des ressources qui seraient bien plus Utiles pour un Usage local. Le transport de produits frais, en Avion et en Camion notamment, est source d’effet de serre : le prix en Carbone devrait être indiqué sur l’étiquette, à côté du prix en euro. Ces produits sont souvent fabriqués en serres, chauffées et consommant beaucoup d’eau douce, comme les tomates d’Espagne produites quasiment hors sol, pour lesquelles on va jusqu’à dessaler de l’eau de Mer, à grand renfort d’énergie. 40% des familles françaises mangent des tomates en hiver (2), alors qu’en tenant compte de l’énergie, des transports, des engrais et autres intrants nécessaire à la culture en serre, une tomate cultivée de cette façon a une empreinte écologique 10 à 20 fois supérieure à une tomate cultivée dans les champs.  Toute cette pression sur l’environnement serait excusable, si c’était pour produire des tomates pleines de goût, mais c’est le contraire qui se passe. La tomate de saison, cueillie près de chez vous est infiniment meilleure que la tomate de serre, produite loin et artificiellement. Nous nous sommes sans doute laissé séduire par un leurre, une sorte de mythe qui se révèle destructeur : celui de se substituer à la nature, à ses mécanismes, à sa richesse. Nous n’allons pas nous laisser dominer par les saisons ! Ce faisant, c’est notre goût qui fout le camp, et la planète avec.
La proximité et les saisons, deux sources de sagesse et de plaisirs, pour notre alimentation, pour nos loisirs, pour notre joie de vivre. Encore faut-il que notre mode de vie, notre habitat, nos villes et nos marchés forains le permettent. Encore faut-il que les faiseurs d’opinion et les médias nous  en donnent l’Envie, et que nous puissions entrer en apprentissage, en apprentissage collectif avec de nombreux échanges de recettes, de bons coins, d’observations fines et de Talents à découvrir. Le plaisir de la découverte ne renvoie pas uniquement à l’exotique. Celui-ci  a ses charmes, mais le cycle des saisons, symbolisé par les premières feuilles des marronniers, en présente bien d’autres, à portée de tous, fertiles en émotions, riches de relations sociales, bonnes pour la santé, et fastes pour la planète. Participez à cette délicieuse révolution (3).

 



1 - Voir la chronique Journal
2 - Selon Elizabeth Laville et Marie Balmain, Un régime pour la planète, village mondial, 2007.
3 - Pour reprendre la délicieuse expression d’Elizabeth Laville et Marie Balmain.

 

 Chronique mise en ligne le 28 mars 2011

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