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Modes et Modèle

Habitude

Ah nos bonnes habitudes ! bien confortables, n'est-ce pas ? Il va falloir prendre un peu de recul, voire d'indépendance d'esprit, pour faire avancer le développement durable.

La force de l’habitude est bien connue. C’est une bonne chose, quand il s’agit d’automatismes dont l’intégration aux comportements apporte une sécurité et une efficacité supplémentaire. C’est le résultat d’un processus d’apprentissage, comme la conduite automobile. Si les jeunes conducteurs sont plus souvent impliqués dans des Accidents, c’est largement dû au fait que leurs réflexes ne sont pas aiguisés, et que le Temps de réaction en est légèrement allongé. L’habitude, donc, prend en charge des comportements, des réflexes, et c’est bon. Une limite toutefois, quand l’habitude conduit à laisser tomber des règles de sécurité, à ne plus faire attention. Restons dans le domaine de la voiture : les parcours quotidiens deviennent dangereux dès qu’une anomalie se présente. On est tellement habitué au parcours que toute différence, même minime, peut surprendre. L’habitude facilite les choses, mais ne perdons pas pour autant notre maîtrise de soi. 

L’habitude conduit souvent au conformisme. A force de répéter les mêmes gestes, on se copie les uns les autres, jusqu’à en oublier les raisons de nos actes. Et quand un compère trouve bon de faire autrement, il ébranle tous les autres, qui se disent pourquoi pas moi ? et heureusement. Ca fait bouger les choses. Quand un grand groupe hôtelier a décidé de rompre la règle du lavage quotidien des serviettes de bain, au nom de l’environnement, et de se remettre sur ce point au  Choix du Client, beaucoup ont suivi. Tant qu’il n’y a pas de pression, d’interpellation, la force de l’habitude domine, et ne conduit guère à l’innovation. On fait comme avant. L’habitude ne fait pas bon ménage avec l’anticipation. Et si on va dans le Mur, on continue parce que l’on a toujours fait comme ça.
Prenons un autre exemple : les 48h chrono des vendeurs par correspondance. Pourquoi toujours 48h ? Dans certains cas, on est pressé, et c’est totalement justifié, encore qu’il existe souvent des magasins qui pourraient satisfaire immédiatement votre besoin. Imaginons que le choix, le Prix, le mode d’achat, la disponibilité d’un produit vous conduise à privilégier la vente par correspondance. Le délai de 48h chrono est le plus souvent sans autre intérêt que de calmer votre impatience. Ce serait 3 ou 4 jours, ou même une semaine, ça ne changerait pas grand-chose. Pour vous, mais pas pour la planète. Le délai détermine les modes de transport, et par suite les consommations d’énergie, les pollutions, les encombrements. Plus de temps pour livrer, et de nouvelles possibilités sont ouvertes : meilleur regroupement des commandes par secteur géographique, recours au train pour l’essentiel du parcours. Pourquoi ne pas demander au client, comme pour les serviettes, de choisir ? Une croix à cocher dans les bordereaux de commande, et vous optez soit pour les 48h chrono, soit pour un délai plus long. L’intérêt pour vous ? De participer à la lutte contre le réchauffement climatique, rien que ça. Un acte civique, qui rompt avec l’habitude des ces 48h chrono, quand elles n’apportent pas de satisfaction particulière.

Sans motivation, il est bien rare que l’on fasse l’effort de voir si on peut faire autrement. La pression de l’environnement et la Santé sont de bons leviers pour changer les habitudes. La vente par correspondance en donne une bonne illustration. Pour lutter contre l’effet de serre, Les 3 Suisses, sous l’impulsion de leur patron à cette époque, ont revu complètement leur système de Livraison. Résultat ? Réorganisation des locaux de conditionnement, alliances avec d’autres sociétés pour grouper des commandes, et finalement, toujours 48h chrono, un nouveau Système de livraison plus efficace que le précédent : 15% d’économies. Y avait-il besoin d’environnement pour parvenir à ce qui s’avère n’être que de la bonne gestion ? Pas en théorie, de bonnes analyses des procédures aurait sans doute permis de trouver ces améliorations, mais il n’y avait pas le déclic, la motivation qui a conduit à ce résultat. 

Autre exemple avec la haute qualité environnementale des bâtiments (HQE). La première étape consiste à bien formuler la demande. De quoi a-t-on besoin ? Cette question, bien simple, est le plus souvent escamotée, tant elle parait triviale. On fait comme d’habitude, comme d’hab. dirait-on pour être moderne. Bouygues Télécom se l’ai posée, cette question, pour un centre de relations client conçu avec la démarche HQE. Résultat ? Un gain considérable de Surface, de l’ordre de 40%, en travaillant sur une meilleurs utilisation de certains locaux (salles de réunion, de formation, restaurant), une réflexion sur le mobilier et le rangement, une analyse plus fine des circulations. Là encore, c’est l’environnement qui a été le facteur déclencheur de ce qui aurait dû n’être que de la bonne gestion. Ajoutez à cela les améliorations dans le cadre de Travail offert aux agents, et vous admettrez que le bilan est encourageant pour tout le monde : entreprise, personnel, et planète. Je suis prêt à parier que le client, qui n’apparaît pas dans cette description, est lui aussi gagnant en ricochet de la satisfaction du personnel.

Ces exemples illustrent bien que l’opposition fréquente entre environnement et économie n’est, elle aussi, reprise que par habitude. Elle ne résiste pas à un examen approfondi des phénomènes. C’est le train-train qui est anti économique, c’est le refus de changer. La pression exercée sur l’économie par l’environnement est potentiellement créatrice, pour peu que l’on sache accompagner les acteurs, les aider à s’adapter au nouveau contexte. C’est ce qu’affirme le rapport de Nicholas Stern sur les conséquences économiques du réchauffement climatique, c’est le pari qui peut être raisonnablement tenté dans la foulée du Grenelle de l’environnement. Des secteurs sont mis sous pression, il faudra des ruptures. C’est un défi à relever. C’est aussi un sacré coup de chance !

 

Chronique publiée le 22 novembre 2007 sur le Blog du DD, revue le 20 avril 2010.

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