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Modes et Modèle

Aubaine

 Les sondages nous disent que la majorité des Français craignent que leurs enfants ne vivent moins bien qu’eux. Oui, si nos modèles de développement ne changent pas, mais il y a sans doute des aubaines à saisir, pour ceux qui raisonneront autrement.

Les rigidités dans les esprits et peut-être aussi la crainte du futur nous font souvent passer à côté d’aubaines. Ce qui est considéré comme une charge, voire une catastrophe ne l’est parfois que parce que l’on le considère comme tel a priori, sans en avoir analysé toutes les composantes.

Des opportunités sont ainsi négligées, et des atouts condamnés sans jugement. C’est notamment parce que l’appréciation en est faite avec le mode de pensée d’hier, alors qu’il faut en adopter un nouveau, c’est justement ça le développement durable. Ces aubaines ne tomberont pas pour autant du ciel, il faudra les chercher, mais il faut pour cela en avoir envie, et s’en donner les moyens.

Prenons quelques exemples.

36000 communes. Quel boulet, dans un monde où la taille et la concentration des moyens est la règle. Les régions viennent de connaître un regroupement justement pour atteindre une taille plus conforme aux besoins de l’époque. Voilà pour le mode de pensée ancien. Peut-on voir les choses autrement, et arrêter de se flageller avec ces 36 000 communes, et de rester impuissant face à ce phénomène, au lieu de voir comment en tirer parti. 36 000 communes, ce peut être un formidable atout pour lutter contre le sentiment que tout nous échappe et que la démocratie n’est plus qu’un mot. Cette proximité des élus offre un levier pour assurer la cohésion sociale et réduire les fractures en tous genres souvent dénoncées. Au lieu de brader cette organisation spécifique à la France, faisons-en un atout, en réformant les communes et leurs groupements avec un objectif politique, bien au-delà du seul souci d’économies ou de performance technique. Au lieu du postulat trop entendu « Il y a trop de communes en France », partons de l’interrogation « Comment tirer parti de cette organisation très fine du territoire ». Il y a surement des aubaines à chercher de ce côté-là.

Le vieillissement de la population. Quel drame pour les comptes sociaux, dont le déficit va s’accroître avec le vieillissement de notre population. L’allongement de la durée de vie devient ainsi une malédiction ! Relancer la natalité pour retarder le phénomène est-il raisonnable, sur une planète à 9 ou 10 milliards d’êtres humains ? Nous savons que la stabilisation de la population entraîne inéluctablement son vieillissement, il faut donc « faire avec ». Il faut vivre vieux et en bonne santé, c’est un objectif clair sur lequel nos concitoyens s’accorderont sans peine. Trouver une organisation de nos sociétés viable dans ces conditions ne se trouve pas dans la seule réflexion financière, sur les caisses de retraites. C’est le rôle des personnes âgées dans la société, la place des jeunes, les apports de l’immigration, qui doivent être au cœur du débat sur la « transition démographique » que nous connaissons. Il faudra en particulier dépasser le postulat traditionnel selon lequel les vieux ne sont plus des producteurs. Comment leur permettre d’apporter leur expérience et leur disponibilité au service de la société, en dehors de l’entreprise qui est loin d’être le seul lieu de production ?

Les 400 fromages. Voilà une autre malédiction bien française. Et De Gaulle était loin du compte, quand il s’interrogerait sur « Comment gouverner un pays qui a 246 variétés de fromage ». 400 fromages, c’est beaucoup trop pour donner de la visibilité, pour « massifier » comme il le faudrait pour exister au plan international. Vous aurez vite compris que c’est exactement l’inverse, cette richesse qui fait notre spécificité, et donne à notre pays une attractivité que bien d’autres nous envient. La « normalisation » des fromages serait un désastre, et les grandes laiteries le savent bien, elles dont les efforts de recherche portent justement sur la création de nouveaux produits. Ce n’est pas la multiplicité qui pose problème, mais notre organisation pour défendre leurs qualités, leurs particularités, et en faire la promotion à l’occasion de la mondialisation. L’esprit gaulois s’accorde mal de productions de masse, mais il s’épanouit dans la diversité. Une aubaine à exploiter.

Le réchauffement climatique. Une catastrophe annoncée, qui se manifeste déjà, et le fera de plus en plus. Le dérèglement provoqué par les émissions de gaz à effet de serre provoque des dégâts de toutes natures, affectant la vie quotidienne et l’habitat, la production agricole, l’industrie et l’accès à de nombreuses ressources. Son coût est évalué par des économistes comme Nicholas Stern à 5 fois les dépenses à engager pour le maintenir à des niveaux acceptables, dans l’hypothèse la plus optimiste. Justement, les mesures de ralentissement et de maîtrise du réchauffement constituent avant tout un gisement d’innovations, comme tous les défis. Le choix de les relever entraîne une dynamique, suscite l’enthousiasme et mobilise les esprits les plus ouverts aux valeurs d’avenir. Au lieu de se résigner à une fatalité, ou de refuser d’accepter l’évidence, il vaut mieux investir dans les techniques de demain, et y occuper des places de leader. Et puis la lutte contre le dérèglement climatique conduit à redécouvrir les vertus de la proximité, et la richesse de la coopération et de la vie sociale mise à mal par l’esprit de compétition dominant.

Les exemples abondent, comme les robots ou l’immigration, thèmes souvent abordés dans ce blog, calamités si on les craint, ou aubaines si on en tire parti. Le développement durable nous conduit à changer de regard sur les choses. Certaine aubaines immédiates peuvent se révéler des catastrophes, comme le gaz de schiste qui peut momentanément donner un « ballon d’oxygène », mais qui produit des gaz à effet de serre et retarde le moment où nos économies seront dégagées du carbone. Beaucoup d’obstacles au changement sont dans les esprits. Selon la manière dont l’avenir est imaginé, vous faites d’un fardeau une aubaine, ou d’une aubaine un fardeau. Le développement durable donne des repères pour y voir clair.

 

 

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