Notation
C’est comme les labels et les diplômes, il est de bon ton de s’en moquer, de les critiquer. Avec raison, souvent, quand on en fait un usage abusif, mais avouons que c’est souvent une bonne manière d’échapper, ou de tenter d’échapper, à toute forme d’évaluation. Et pourtant, il faut bien savoir si l’on progresse, si l’on n’oublie rien, si les choix que l’on a fait, et la manière de les concrétiser s’avèrent ou non efficaces.
Et pour ses interlocuteurs, les clients par exemple, qui ne sont pas tous des spécialistes, ce n’est pas mal de disposer de quelques repères, d’avoir des indications sur les qualités du produit ou du service. Pour la collectivité enfin, la possibilité d’afficher des objectifs communs, comme le fait le Grenelle par exemple, permet de coordonner les efforts de tous, et de pousser les derniers de la classe à se mettre à niveau.
Quelle qu’en soit la forme, la notation peut s’avérer très utile, voire indispensable. Faut-il encore en éviter les écueils. Le premier est de prendre la note pour parole d’évangile. De croire qu’elle apporte toutes les garanties. Dans un recrutement, le futur employeur est attentif aux diplômes, mais il regarde bien au-delà. La personnalité du candidat, son parcours, ses capacités à s’intégrer au groupe, et bien d’autres considérations entrent en jeu. La « note » que le diplôme est susceptible d’apporter n’est qu’une information, bien utile mais pas unique.
Un autre défaut vient de la puissance du notateur, de son influence. Aujourd’hui, les financiers sont attentifs à la notation de certains grands instituts. Les Etats, grands emprunteurs, sont particulièrement sensibles à cette notation, qui conditionne leur politique. Il est communément reconnu que la mesure de la richesse des nations par le PIB, produit intérieur brut, est trompeur. En France, en Europe, et dans de nombreuses instances, le travail est engagé pour trouver de nouveaux indicateurs, capables de rendre compte de l’état réel d’une nation, au-delà de sa croissance « optique ». Malgré ces réflexions, les notations des trois fameuses agences, Moody’s, Standard & Poor’s, et Fitch ratings, font la loi. Valent-elles mieux que les approches traditionnelles de comptabilité publique ? Elles ont déjà été prises en défaut à plusieurs reprises. On se souvient aux Etats-Unis de l’affaire Enron, et plus récemment de la crise des subprimes, pour citer quelques évènements majeurs, qui ont durement affecté la vie quotidienne de millions de personnes.
Les données prises en compte et la manière de les interpréter reste l’apanage de ces cabinets. Elles traduisent leur vision de la société, leur culture économique, voire leur idéologie. De nombreuses voix demandent que ces critères soient revus, et retenus collectivement, par l’ensemble des acteurs, comme il se fait en normalisation par exemple. L’économie n’est pas un long fleuve tranquille. Des théories s’affrontent, et la vérité est sans doute plus complexe que ce que certaines notations ne le laissent penser.
A l’heure du développement durable, la question doit être reposée. Pour les entreprises, les notations financières sont de plus en plus complétées par des notations extra financières, portant sur les aspects sociaux, éthiques, et environnementaux. La loi impose de plus en plus une transparence sur ces aspects, repris en France notamment dans la loi dite « Grenelle 2 ». Une norme internationale, élaborée par l’ISO, international standardization organisation, vient d’être adoptée par une très large majorité de pays, et sera publiée le 1er novembre 2010 sous l’appellation ISO 26000. Il s’agit d’une norme présentant des lignes directrices, un guide pratique reconnu de tous, pour assurer ses « responsabilités sociétales ».
Une notation des pays selon ce type de grille d’analyse permettrait de relativiser les notations purement financières, et d’en modérer l’influence. Une diversité d’approches est toujours préférable à une vision limitée à un seul domaine, si important soit-il.
Note du 3 octobre 2010
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