Hectare
Combien de ressources pouvons nous consommer "durablement", avec les rejets qui en résultent par simple métabolisme ? La question se pose quand on peut craindre que l'humanité toute entière dépense plus que ce que la Terre produit.
L'hectare est une unité de surface.
C'est la surface d'un carré de 100 Mètres de côté. Pour évaluer des progrès en matière de développement durable, ou pour mesurer les enjeux, les comparer et les hiérarchiser, la difficulté est de devoir combiner de multiples paramètres. C'est bien plus compliqué que de mesurer une surface. Et bien, des chercheurs canadiens, Mathis Wackernagel et William Rees, ont eu l'idée rapprocher les deux, en mesurant par des hectares la pression des activités humaines sur la nature.
Le calcul peut se faire à toutes les échelles, de la planète à un individu ou à des groupes humains, des villes par exemple. La surface disponible est calculée à partir d'une productivité moyenne à l'échelle mondiale. La planète nous offre ainsi 11,4 Milliards d'hectares, soit un peu moins de 2 hectares par habitant en moyenne, chiffre qui baisse au fur et à mesure que la population mondiale augmente. En 2050, quand nous serons 9 milliards, nous ne disposerions plus que de 1,25 hectare chacun si la productivité moyenne ne change pas. Avec cette surface, il faut se nourrir, se loger, se transporter, et consommer des biens et services dont nous avons besoin, ou qui nous font plaisir. Elle fournit la ressource nécessaire, et ensuite digère nos rejets : par exemple, les consommations énergétiques sont mesurées par la surface nécessaire pour les produire à partir de la « biomasse » du côté « ressources », et côté « rejets », par la surface nécessaire pour absorber le gaz carbonique issu de la combustion de charbon, de pétrole ou de gaz. Le calcul repose sur des conventions, des moyennes, des hypothèses multiples, mais il donne des résultats intéressants. Certes, le fait de ramener la complexité de la vie à une seule dimension, surtout dans une vision durable, est critiquable, mais c'est ce que nous faisons couramment avec une autre mesure : l'argent. Ce mode de calcul a le mérite de proposer une autre unité, et ainsi de relativiser l'approche monétaire.
Cette manière de faire s'appelle « l'empreinte écologique », celle que nous laissons du fait de nos consommations et de nos rejets. C'est une entrée clairement marquée environnement, et on peut lui faire le reproche que c'est insuffisant pour entrer dans une logique de développement durable. Ce reproche peut être contourné, car la méthode permet de comparer l'empreinte écologique de différentes communautés, et de devenir ainsi un instrument à valeur sociale. Et au delà de l'environnement, ce sont les ressources nécessaires pour les activités humaines, ressources limitées, ce qui nous conduit à des raisonnements économiques : quel meilleur usage vais-je faire de la ressource qui m'est allouée ?
Aucun indicateur n'est parfait, ils sont tous réducteurs et trompeurs, mais l'absence d'indicateurs ne permet guère de progresser, et même de se situer, ce qui est bien pire. L'empreinte écologique n'échappe pas à la règle, utilisons la comme un éclairage intéressant, et dont la simplicité fait la force. C'est cet indicateur qui a permis à Jacques Chirac, à la conférence de Johannesburg sur le développement durable, en septembre 2002, de dire qu'il faudrait trois planètes, alors que nous n'en avons bien sûr qu'une. Si tous les êtres humains vivaient comme un européen moyen, il faudrait trois fois la surface disponible actuellement. C'est la force de cette Image, et sa valeur pédagogique, qui est importante : elle montre clairement que nous ne pouvons vivre « durablement » comme nous le faisons : la pression que nous exerçons sur les ressources ne peut se faire qu'au détriment des autres peuples ou des générations futures. Les peuples les plus pauvres doivent se contenter de morceaux d'hectares quand un français en consomme un peu plus de 5. Les pays les plus riches ont une empreinte écologique par habitant jusqu'à 20 fois supérieures à celle des pays les plus pauvres. Et cela ne suffit pas. Nous pompons allégrement sur le capital : depuis la fin des années 1970, l'empreinte écologique mondiale a dépassé la surface de la planète : près de 17 milliards d'hectares en 2006, pour une surface disponible, rappelons-le, de 11,4. L'empreinte écologique moyenne d'un humain est ainsi de 2,6 hectares, bien au dessus des 1,8 ha autorisés. Nous avons dépassé de 40% le point d'équilibre, et ce faisant nous dégradons la capacité biologique de la planète, tant pis pour nos enfants.
Simplifier les choses à l'extrême, même si c'est réducteur, permet de mieux comprendre les tendances lourdes. Il manque bien des ingrédients dans l'équation, notamment notre capital technique qui doit favoriser une augmentation forte et rapide de notre efficacité pour l'utilisation des ressources. On pourrait signaler qu’en France, la productivité réelle de nos hectares est ainsi sensiblement supérieure à la moyenne mondiale. Mais les enjeux sont clarifiés, et on ne peut plus se masquer la réalité, se faire d’Illusion.
L'empreinte écologique est un instrument de connaissance et d'analyse. Plus que les valeurs absolues, ce sont les valeurs relatives qui vont retenir notre attention. On peut distinguer la part due au logement, aux transports, à la consommation de biens et services, etc. et ainsi mieux cerner les domaines où des efforts sont nécessaires. De plus en plus de collectivités utilisent cet indice pour élaborer des politiques de développement durable. Le Grand Lyon a ainsi comparé l'empreinte écologique de plusieurs types de ménages, avec des profils de consommation différents, de manière à proposer des stratégies de réduction de son empreinte écologique. Et sur le site du WWF, vous trouverez la marche à suivre pour calculer votre propre empreinte. A vous ensuite de construire votre propre ligne de conduite pour la réduire !
Chronique publiée le 22 novembre 2007, revue le 27 janvier 2011.
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