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Mesurer et compter

Faible

Dans une perspective d'efficacité et d'économies, le mot faible, plutôt péjoratif, peut prendre des allures revigorées.

Il semble bien que le maillon faible, dans la société moderne, ce soit l’énergie. Et on est saisi d’effroi quand ce maillon, déjà en forte tension, est sollicité pour développer la climatisation, comme le fait actuellement une publicité associée à la météo sur France Info. Heureusement qu’il ne fait pas trop chaud, sinon, ce serait un malheur.


Les mérites d’une climatisation à faible consommation d’énergie nous sont vantés. Chacun sait que la climatisation la meilleure, c’est la climatisation passive, où l'on n’a rien à faire, du simple fait de la bonne conception du bâtiment, de son orientation et des protections solaires, de son inertie, et de courants d’Air judicieux. Ajoutez de l’ombre et du rafraichissement de l’air par la végétation des espaces alentours, et vous avez une bonne Recette
pour le confort d’été, comme on dit maintenant. Evidemment, tous les bâtiments n’ont pas été conçus comme il aurait fallu, et il y a des cas où il est impossible d’éviter la clim. D’accord, mais soyons raisonnable, il y a dans ce besoin une dimension culturelle forte. Pour quelques jours d’inconfort, fait-il acquérir un Équipement qui, une fois chez soi, fonctionnera régulièrement, et vous apportera une température de 19° l’été, alors que vous vous chauffez à 22 ou 23° l’hiver ? La notion de confort est relative, et par les Temps qui courent, il est peut-être préférable d’avoir chaud et d’apprendre à vivre avec la chaleur, comme l’ont fait depuis toujours les gens du midi, plutôt que de se lancer dans une aventure technique consommatrice d’énergie, même faiblement. Laissons la clim aux situations où elle est vraiment Utile, il y en a suffisamment, et de grâce, merci de ne pas en faire la pub au nom des Economies d’énergie.

C’est comme la bagnole. Le Bonus écologique est devenu un argument de vente, et ça marche. Très bien, si le passage à une voiture économe permet de réduire sa consommation dans les cas, hélas bien trop nombreux, où l’Usage de la voiture est inévitable. Mais le vrai Bonus, ce serait de se passer de la voiture. Ce n’est pas qu’un choix individuel. Bien sûr, il y a de nombreux déplacements en voiture qu’on pourrait faire autrement, ou même éviter tout simplement en s’organisant mieux, en se regroupant avec son voisin ou son collègue par exemple. L’augmentation du Prix du carburant va surement amener un peu de sagesse dans ces Choix individuels, et faire monter parallèlement l’ingéniosité de nos concitoyens. Le Système D, bien connu des Français, est plus sollicité dans les situations critiques que quand tout va bien. Mais au-delà de la sagesse et de l’ingéniosité, il y a des Politiques, menées par l’Etat et les collectivités, les Villes et les villages. Type d’urbanisation et politique foncières, politique des transports, fiscalité et financement du logement, etc. Ce sont des politiques au long cours, qui ont été menées jusqu’à présent dans le souci d’aider l’industrie automobile, fleuron de notre industrie tout court, à trouver des débouchés. Beau résultat, surtout à l’heure de la mondialisation.

Le bonus écologique, donc, est devenu le nouvel argument de vente, car il semble impossible d’envisager que l’industrie automobile se tourne vers des productions plus durables. Son objectif est clairement de diffuser dans le monde entier un modèle de vie basé sur la voiture individuelle. Les Chinois semblent avoir opté pour un modèle de ville à l’américaine, très étendue, au lieu du modèle européen, plus compact. Quelle aubaine ! Inondons aussi le marché indien de voitures à bas Coût, et voilà bien accrochés les deux grands marchés émergents, des réservoirs formidables de commandes et de chiffre d’affaires. La conséquence directe en est la forte hausse de la consommation de pétrole de ces pays, et la tension sur la ressource. Certains Etats demandent aux pays producteurs de réduire la tension en augmentant leur production, est-ce bien raisonnable ? Faut-il entrer dans une Fuite en avant, une Course poursuite sans Fin, ou plutôt dont la fin ne peut être qu’une crise majeure ? Le coup est bien joué de la part des constructeurs, ils vendent plus en Orient, tandis que la hausse du prix du pétrole accélère le renouvellement du parc en Occident. Bravo ! Mais quelle perspective pour la planète, et dans l’immédiat pour les pays pauvres, et les pauvres dans les pays riches, qui voient leur situation se dégrader avec un coût de l’énergie prohibitif et de la tension sur les autres matières premières, d’origine agricole, qui en résulte.

Et pourtant, l’industrie automobile est bien un fleuron technologique. Que d’Exploits, que de problèmes techniques délicats résolus par les ingénieurs, qui sont parvenus à combiner un maximum de fonctions dans une toute petite structure autonome, avec des rendements étonnants, une sécurité qui serait parfaite du strict point de vue de la voiture, un vrai confort, etc. Au lieu de continuer à faire toujours comme avant, améliorer ses performances sans se poser de questions sur la finalité de son produit et son poids dans les équations globales, l’industrie automobile, comme celles des climatiseurs, feraient mieux de chercher comment utiliser Autrement son exceptionnel savoir faire. Ce serait une belle démonstration de force, d’une force durable. A l’inverse, la poursuite à l’infini de la politique du Passé ressemble à un aveu de faiblesse, dont nous serons tous les victimes.

 

Chronique mise en ligne le 12 juin 2008, revue le 7 novembre 2010

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