Précarité
En marge de la loi sur la transition énergétique, et à l’amorce de l’hiver, la précarité fait parler d’elle. C’est la précarité énergétique qui attire l’attention aujourd’hui, mais elle porte en elle toutes les caractéristiques de la précarité en général.
C’est une situation peu enviable, quelle que soit le type de précarité. Précarité de l’emploi, du logement, de l’énergie, ou de tout autre élément important pour la vie. Précarité affective, précarité du lien social, solitude.
Avec la hausse du prix de l’énergie, la précarité énergétique est un phénomène socio économique en forte hausse ces dernières années. C’est juste au moment où l’on veut à tout prix lutter contre l’effet de serre et pour cela réduire les consommations d’énergie. Desserrer l’étreinte pour les précaires va inévitablement se traduire par une hausse des consommations. Encore une contradiction dont il faut sortir « par le haut ».
Ce sont les plus pauvres qui sont touchés, mais pas seulement. Ce sont 30% de la population française - on est bien au-delà des pauvres au sens habituel - qui consacrent près de la moitié de leurs revenus à se loger. Ajoutez les transports et vous aurez un tableau bien sombre : Ce sont aussi les plus pauvres qui ne trouvent à se loger que dans des lointaines banlieues, et paient en transports ce qu’ils économisent en loyer. Ils sont aussi dans les campagnes, tributaires de l’automobile pour leur travail comme pour leurs courses et leurs loisirs. Côté bilan énergétique, ce n’est pas glorieux !
L’amélioration de l’habitat constitue la voie royale pour sortir « par le haut » de la contradiction. Il s’agit de sortir de la précarité énergétique par des travaux, qui permettent de réduire la consommation, et par suite le besoin d’énergie. C’est un investissement que les plus précaires ne peuvent s’offrir. Il faut donc les aider, avec des méthodes appropriées, comme le micro crédit adapté à l’immobilier. Attention à deux effets pervers : Les aides sont souvent prises pour des opportunités à saisir, sans contrepartie, une sorte d’effet d’aubaine. Non accompagnées, elles n’apportent pas vraiment de solution dans la durée. Une assistance pratique doit être associée aux aides, de manière à ce qu’elles soient l’occasion d’un progrès dans le « savoir habiter », au lieu de rester une simple embellie sans lendemain, et une occasion ratée. Pas de « hard » sans « soft ». Et puis il ne faut pas croire que, même en faisant attention, les économies d’énergie seront au rendez-vous. D’une manière générale, les plus pauvres ont déjà réduit leur facture énergétique, en acceptant d’avoir froid. Ils ne se chauffent pas ou seulement dans certaines pièces, ou encore ils réduisent la température, et vivent à 14°, avec leurs enfants. Le remboursement par les économies d’énergie est illusoire.
Outre le devoir de solidarité, la collectivité trouve d’autres intérêts à engager les travaux d’isolation pour les plus démunis. C’est ailleurs qu’elle va faire des économies, sur les dépenses de santé plus précisément, et les conséquences de la mauvaise santé.
Une étude de la fondation Abbé Pierre met en évidence le lien entre précarité énergétique et santé(1). L’étude, menée dans deux régions (l’Hérault et le Douaisis, dans le Nord), compare des familles souffrant de précarité énergétique à d’autres qui n’y sont pas exposées. Le résultat est spectaculaire : « Parmi les pathologies chroniques étudiées, quatre sont rapportées plus fréquemment chez les adultes du groupe exposé : les bronchites chroniques, l’arthrose, l’anxiété et dépression, et les maux de têtes. Les pathologies aiguës hivernales comme les rhumes et angines, la grippe ou les diarrhées (gastroentérites) sont significativement plus fréquentes chez les personnes exposées. Enfin, parmi les symptômes explorés, plusieurs sont plus fréquents en cas d’exposition à la précarité énergétique : sifflements respiratoires, crises d’asthme, rhumes des foins, rhinorrhées (nez qui coule) ou irritations oculaires ». Pour ne prendre qu’un symptôme en exemple chiffré, les sifflements respiratoires ont été observés chez 29,8% des populations exposées, contre 7,1 % pour les non populations non exposées.
Le constat ainsi établi est clair : la précarité énergétique affecte nettement la santé. Toutefois, l’analyse ne va pas jusqu’à l’étude socio économique de cette dégradation de la santé. La Fondation Abbé Pierre attire l’attention sur l’intérêt qu’il y aurait à « évaluer le surcoût qu’engendre la précarité énergétique dans le domaine des dépenses de santé et de le mettre en regard des investissements nécessaires pour améliorer la qualité du logement ». Elle insiste également sur l’importance « de mettre en évidence jusqu’à quel point ces situations de précarité énergétique peuvent aussi être un frein à l’insertion sociale des personnes exposées ». Les conséquences économiques de la précarité énergétique sont multiples : dépenses de santé, difficultés d’insertion sociale, baisse de productivité et absentéisme liés à la mauvaise santé, retards scolaires.
L’investissement nécessaire à la lutte contre cette précarité est à mettre « en regard » de ces coûts économiques et sociaux. Nos amis britanniques, réputés en avance sur nous dans ce domaine, ont cherché à chiffrer le retour d’investissement. Leurs études montrent qu’un euro investi permet d’éviter 42 centimes rien qu’en dépenses de santé. Il serait bon de disposer de travaux équivalents pour la France, élargis à tous les coûts supportés par la collectivité.
1 - Liens entre précarité énergétique et santé : analyse conjointe des enquêtes réalisées dans l’Hérault et le Douaisis, Novembre 2013
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