Béton
Un mot courant s’il en est, synonyme de grande solidité. C’est du béton ! Réputation bien méritée, on trouve encore des vestiges romains en béton, au Colisée ou au Pont du Gard par exemple. C’était un mélange de chaux, de sables et de pierres d’origine volcanique, coulé dans des coffrages en bois. Toujours debout 200 ans après.
La durabilité du béton se retourne parfois contre lui. C’est l’image du mur de l’Atlantique, de bâtiments dont la présence apparaît comme irréversible, du fait de la solidité des matériaux. Des ouvrages vite construits, parfois trop vite, sans précaution, à l’origine de l’expression bétonnage.
On attribue ainsi au matériau les fautes commises par les aménageurs, les élus et les administrations, et cela d’autant plus qu’il est solide et durable.
La durabilité ne se juge pas sur le matériau, mais sur un ensemble dont le matériau n’est qu’une composante. Quelle utilité sociale, répond-il convenablement au besoin, qui peut se l’offrir, est-ce le bon emplacement, comment vieillit-il, est-il adaptable, peut-on le démonter en fin de vie, et récupérer ses composants, autant de questions qui permettent d’apprécier le caractère durable d’un ouvrage. Le béton, ça sert à faire un tas de choses, des maisons, des tuyaux, des routes et des ponts, et chaque projet doit être évalué dans son contexte.
Les Romains l’avaient bien compris, le béton de sont des cailloux et du sable, que l’on extrait non loin de l’emplacement de l’ouvrage, et qui sont collés entre eux, liés, par un ciment qui leur donne la dureté et la résistance voulue.
Ancien, le béton, mais toujours vif : il n’arrête pas de bouger, et d’offrir aux architectes de nouvelles possibilités.
Le béton est un des matériaux qui a permis de libérer l’architecture, et de grands noms de l’architecture l’ont mis en valeur de manière spectaculaire, pour des maisons ou des ouvrages d’art. Citons juste Auguste Perret qui a reconstruit le Havre en 1945, ensemble classé 60 ans après au patrimoine mondial de l’Unesco. « Le Havre est un exemple d’après-guerre exceptionnel de l’urbanisme et de l’architecture, basé sur l’unité de la méthodologie et sur le système de la préfabrication, l’utilisation systématique d’une trame à module et l’exploitation novatrice des potentiels du béton », peut-on lire dans le dossier de classement. Il faut ajouter que cette technique a permis de reconstruire la ville en un temps record, ce qui était primordial pour faire face à l’urgence de reloger la population.
Certains architectes ont voulu le béton brut, ce qui n’a pas toujours été compris, mais depuis le béton a progressé. La texture et la couleur du béton peuvent être choisis en fonction du projet, et surtout on fait maintenant du béton qui reste propre. Fini les salissures, la composition chimique de certains ciments provoque une « photo catalyse » qui décompose lesdites salissures. Les recherches dans ce domaine ont même permis d’aller plus loin, toujours avec la photo catalyse. On a trouvé un ciment qui piège les oxydes d’azote et les composés organiques volatils, vilaines choses que l’on trouve un peu trop dans l’atmosphère de nos villes. Un béton bon qui améliore la qualité de l’air, voilà une forme inédite de double dividende. Et ça continue, on fait maintenant du ciment qui ne fait pas de poussière. On n’arrête pas le progrès.
Reste que pour fabriquer le ciment, on émet du C0², des gaz à effet de serre. On a beau brûler des déchets de toutes natures dans les cimenteries, ce qui rend bien service, ça fait quand même du carbone, et la réaction chimique qui crée le ciment à partir de calcaire et d’argile en produit de manière inéluctable.
Ajoutons le transport, et cela d’autant plus que les lieux de production de ciment seront éloignés des lieux de consommation. C’est un réel souci, dans des régions fortement peuplées dont les habitants ne voudraient plus voir de carrières exploitées près de chez eux. La protection de l’environnement a alors pour conséquence que l’on reporte le problème toujours plus loin, y compris à l’étranger, ce qui d’une part n’atténue en rien l’impact propre des carrières, heureusement de mieux en mieux maîtrisé, et qui ajoute celui des transports entre les lieux de production et les lieux d’utilisation. De même que l’on préconise que les déchets produits dans un secteur soient traités dans le même secteur, pourrait-on souhaiter que les matériaux utilisés dans une ville soient produits ou extraits à proximité de cette ville.
Parmi les solutions « durables » pour lutter contre le réchauffement climatique, il y a la recherche technologique pour réduire la quantité de matériau, ce qui signifie que ceux-ci doivent être de plus en plus performants. Peut-on construire des murs en béton moins épais, et à performances égales en termes de résistance, d’isolation phonique ou thermique ? Peut-on associer le béton, produit avec des ressources non renouvelables, à d’autres matériaux, renouvelables, en les conjuguant pour profiter au mieux des qualités de chaque matière ? C’est notamment le cas au collège de Mirecourt, présenté dans la chronique Bois, où le béton apporte inertie et rigidité.
C’est donc à chaque matériau, béton, bois, plastiques, etc. qu’il revient de battre des records d’efficacité, et de proposer une gamme de solutions techniques qui permettront à l’architecte de trouver le meilleur assemblage possible de ces produits. Quel que soit le matériau et ses qualités, il n'est qu'un composant au service d’un projet, et la première obligation est bien celle d'une conception efficace, orientation, organisation des pièces et volumes d'une maison. Le challenge qui a été retenu de diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 exige des exploits dans tous les domaines, et chaque industrie doit apporter sa contribution. Tous les matériaux sont bons, quand ils sont bien employés, et qu'ils sont intégrés dans des objets ou des ouvrages bien conçus, pour répondre à de vrais besoins. Aucun matériau n'est exempt de défaut, si on considère leur cycle de vie, et il me semble qu'il vaut mieux les mettre au défi de s'améliorer sans cesse, et stimuler à la fois l’émulation et la recherche de complémentarité entre eux. Le ciment et le béton sont entrés dans cette logique. Faisons le pari que cette orientation est irréversible, et qu’ils n’ont pas fini de nous surprendre.
Chronique publiée le 29 janvier 2007
- Vues : 4040
Ajouter un Commentaire