Presse
Le développement ne sera durable que si tout le monde s’y met, et y trouve son intérêt. Le rôle des médias est donc déterminant pour la mobilisation du plus grand nombre. Sont-ils prêts à entrer dans cette logique, et à participer activement à la recherche d’un monde nouveau ?
C’est une petite brochure, d’une cinquantaine de pages, qui nous alerte : « Les français, les médias et les journalistes : La confiance saigne… ».Un journaliste, Bertrand Verfaillie a instruit le dossier(1). Il y décrit la perte de confiance des citoyens vis-à-vis de la presse, perceptible notamment à travers de nombreuses études d’opinion. Les raisons sont multiples, allant du souci d’immédiateté (la précipitation ?), stimulé par Internet et les réseaux sociaux, à la dépendance des médias à de nombreux intérêts, bien éloignés parfois de la qualité de l’information. J’ai pour ma part noté un aspect de cette analyse sans concession : « Les journalistes sont perçus comme fantasques, versatiles. C’est tout le contraire qu’on leur prie d’être. Du suivi, plutôt que du suivisme … ». Le problème est bien là. Le développement durable est la recherche d’un nouveau mode de développement. Il faut donc être à l’affut, à l’écoute des éléments qui bougent dans nos sociétés, pour y déceler les innovations, les tendances nouvelles, les cultures qui permettront de progresser vers de nouveaux modes de pensée, de produire et de consommer. Le contraire du suivisme, et le besoin de suivre des pistes originales. Il apparait que c’est l’inverse qui domine. « L’absence de diversité, le manque de curiosité et d’audace ». Le conformisme est de mise. « Parmi les lacunes relevées au stade de l’investigation, on retrouve la très cathodique notion d’omission. (…) Des sujets sont massivement ignorés, des acteurs sont tenus à l’écart, des populations entières sont privées de toute représentation et de possibilité d’expression, sauf à l’organiser eux-mêmes sur Internet ».
La presse ne semble pas être un bon allié pour le développement durable. La faute en revient surement, en partie, à tous ceux qui parlent en son nom, souvent maladroitement, militants, spécialistes, professionnels, mais le relai des médias, en charge d’informer le public, ne peut être exonéré de sa responsabilité. Deux exemples pris dans l’actualité toute récente illustrent cette constatation.
En marge du salon de l’agriculture, la télévision et la presse écrite l’affirment : nos fermes bretonnes et normandes exportent du lait et du porc en Chine. Cocorico !
Ah ! La bonne presse que voilà. Elle nous rassure, nous conforte dans nos certitudes. Notre modèle de développement agricole, productiviste, serait donc viable, puisqu’il connait des succès. Continuons comme ça. Peu de détails à la tété, les journaux télévisés sont pressés, mais la presse écrite nous en dit plus. Le titre du Journal du Dimanche (du 16 février 2014) crée l’illusion : « Ces paysans français qui nourrissent les Chinois ». La lecture de l’article présente un autre tableau. Au-delà de la vente de morceaux de porc que les français ne mangent pas, pieds et oreilles, il s’agit de porcs vivants, non pas pour « nourrir » les chinois, mais pour améliorer la race. Il n’est pas question d’alimentation au premier degré, mais de génétique. C’est la qualité de nos produits qui intéressent les Chinois, avec la préoccupation du transfert de technologie, y compris sous sa forme génétique, et non la quantité. Sur ce point, ils n’ont rien à attendre de nous, bien au contraire.
Quant au lait de la coopérative d’Isigny, c’est aussi un produit haut de gamme, destiné à l’alimentation des nouveaux nés. Rien à voir avec une production de masse. Deux exemples mis en avant pour illustrer les performances de l’agriculture française, deux plaidoyers pour la qualité. C’est là la planche de salut, et non la quantité : le contraire du modèle dominant, pourtant sous entendu dans le titre, comme dans la présentation à la télévision.
Les jeux olympiques d’hiver, à Sotchi. Chacun a en mémoire les émissions sur la pollution et la dégradation de l’environnement que le chantier a provoquées. Les budgets phénoménaux aussi, dépassant largement les montants annoncés pour la candidature. Deux aspects des jeux en contradiction avec l’esprit olympique, et les souhaits du comité international olympique pour une meilleure intégration sociale et environnementale d’une part, pour la modération des coûts d’autre part. Mais à l’heure des bilans, il n’y a plus que les performances sportives. Bien sûr, les jeux sont là pour favoriser ces performances, mais pas à n’importe quel prix. Réflexe inquiétant, qui n’encourage pas à la vertu. Pourquoi les futurs organisateurs de jeux ou autres coupes du monde se gêneraient, puisque les medias ne se souviennent que des exploits sportifs ?
Ces deux exemples concernent l’agriculture et le sport, qui doivent l’une et l’autre apporter leur contribution à la recherche de nouveaux modèles de développement. Réduire le message aux aspects traditionnels, marqués du sceaux des pratiques anciennes qu’il s’agit de dépasser, est une forme de démission. Dommage de ne pas avoir profité de ces que ces évènements populaires pour semer des idées nouvelles…
1 - Edité par l’Alliance internationale de journalistes, téléchargeable sur http://www.alliance-journalistes.net/article292.html , novembre 2013
Médias, agriculture, qualité, information
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