Malentendu
Résistance au « progrès », ou au contraire, nouvelle vision du futur, le malentendu est fréquent au sujet du développement durable. Un malentendu souvent instrumentalisé, et qu’il convient de lever pour mobiliser toutes les énergies.
Le développement durable est l’objet d’un malentendu fréquent. Peut-être le principe de précaution en est la cause, ou bien la référence maintes fois rappelées aux catastrophes qui nous attendent si nous ne changeons pas de cap.
« Halte à la croissance », ou « Changer ou disparaître » ne sont pas des slogans très mobilisateurs. Quoi qu’il en soit, le développement durable apparait souvent comme un refus du progrès, une volonté de revenir « comme avant » lové dans les bras de mère Nature, bien au chaud. Les lecteurs de ce blog savent qu’il n’en est rien. Nous sommes en plein malentendu. Le développement durable est, à l’inverse, une aventure fantastique d’exploration et de création du monde de demain, un monde original fondé sur une nouvelle approche du « progrès ». Redéfinir le progrès, dans un monde « fini » mais bientôt habité par 9 à 10 milliards d’humains, tel est justement le défi que propose le développement durable. Un concept résolument tourné vers le futur, avec lucidité et curiosité, voire gourmandise.
Loin d’être un projet en repli, le développement durable est une projection en avant, c’est l’écriture d’une nouvelle page de l’histoire de l’humanité, maintenant qu’elle a colonisé toute la planète. Elle arrive au bout d’une première phase, celle de son développement quantitatif et des prélèvements inconsidérés sur les ressources disponibles. Il faut aujourd’hui lancer les bases d’une deuxième période, fondée sur la seule ressource dont nous ne voyons pas les limites, celle de l’humain, talent, créativité, imagination, capacité d’adaptation, etc. Telle est la grande entreprise à laquelle nous sommes tous conviés. Quoi de plus exaltant ?
Le développement durable est donc une grande entreprise, donc une affaire d’entrepreneurs (1), au sens premier du terme. Pourtant, le malentendu est là, qui empêche les « entrepreneurs », défricheurs, créateurs, innovateurs dans tous les domaines, de prendre pleinement leur place dans cette « entreprise » majeure de notre temps. Nombreux sont ceux qui regardent le développement durable avec méfiance, sachant qu’il faut trouver un nouveau souffle et en même temps réticents face à une « offre » de durabilité trop marquée par la peur.
Il est vrai que le discours ambiant relève plutôt du dialogue de sourds, ou plutôt la Tour de Babel. Rapprocher les entrepreneurs des protecteurs de la nature n’est pas chose aisée. Ce sont pourtant des partenaires potentiels pour le développement durable, mais ils ne parlent pas la même langue, et voient trop vite hostilité là où il n’y a qu’incompréhension. Le monde de l’environnement est lui-même très divers. Scientifiques, protecteurs de son univers de proximité (avec le fameux syndrome NIMBY), amoureux de la nature, des animaux, de la vie sauvage, du grand large, des paysages, du silence, mais aussi millénaristes et autres illuminés, habités par des fantasmes de toute nature. Ce monde hétéroclite donne une image trouble de l’environnement, reprise par les medias, et il est difficile d’y distinguer les porteurs du développement durable, ceux qui croient encore au progrès, mais veulent en comprendre le sens pour le maîtriser. C’est bien la marque du développement durable : choisir son futur, au lieu de se le faire imposer par les faits, un enchainement, pour ne pas dire un emballement, dont on chercher en vain le pilote. Une attitude volontaire et pro active, qui devrait plaire aux entrepreneurs. Du côté de ces derniers, le tableau n’est pas clair non plus. Derrière le mot se cachent souvent des conservateurs, qui ont connu les 30 glorieuses et qui rêvent de les retrouver, au lieu de s’attacher à construire un monde nouveau. L’exemple le plus parlant est celui des pétroliers, qui cherchent encore de nouvelles ressources, dans des conditions périlleuses et couteuses, alors que nous savons qu’il faudra laisser sous terre une bonne partie des réserves déjà connues. La fuite en avant, ou le refus de voir un futur exigeant, ne sont pas les marques d’un véritable entrepreneur. Une attitude qui exploite l’inévitable dose d’incertitude qui caractérise l’innovation pour faire durer le passé.
Malgré les excès et les maladresses des deux côtés, voire les manœuvres peu recommandables, le rapprochement se fait progressivement. Les faits sont là, les pressions internationales se manifestent, l’opinion s’inquiète. La récente COP 21, conférence des parties sur le changement climatique qui s’est tenue à Paris en décembre 2015, illustre cette avancée, avec l’irruption sur la scène du concept de « solutions ». Au-delà des problèmes, l’accent a été mis sur les solutions, c’est-à-dire les nombreux entrepreneurs qui innovent pour trouver les réponses aux défis que nous devons relever. Une évolution salutaire, qui pourrait bien aplanir les malentendus sur le développement durable.
1 - Pour reprendre le titre de mon dernier livre, le développement durable, une affaire d’entrepreneurs, Editions PC.
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