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Communication

Livre

Il ne s'agit pas ici de monnaie, non plus que de mesure de poids, qui est d’ailleurs différente selon que l’on est au Nord ou au Sud de la Manche. Prenons de la hauteur, faisons référence au livre, qui se lit avec les yeux ou en braille avec le doigt, ou encore avec l’oreille pour les mal entendant, mais toujours avec l’esprit, la sensibilité, l’intelligence.

C’est à l’occasion de la parution du recueil des 80 premières chroniques de ce blog que le mot s’impose aujourd’hui. Comme ça a commencé avec shampoing, ce mot est repris dans le titre Coup de shampoing sur le développement durable. Vous trouverez cet ouvrage décapant, dont Didier ADES a accepté gentiment de rédiger la préface, dans le catalogue d’Ibis Press, l’éditeur qui a déjà publié mon premier ouvrage, Tous gagnants, la dynamique du développement durable. Vous trouverez une présentation de ces deux ouvrages (et des suivants)  dans la rubrique "mes livres", colonne de gauche sur la page d'accueil.
Après cette introduction, il m’est difficile de poursuivre sur le livre le plus lu dans le monde, celui qui prend une majuscule, c'est-à-dire la Bible, et pourtant il faut le faire, pour prendre des distances. Point de bible pour le développement durable, point de doctrine ni de dogme. Les livres sur le développement durable, et il commence à y en avoir beaucoup, sont des contributions, des témoignages, des réflexions, mais le concept de livre sacré serait bien sûr bien présomptueux, et aussi et surtout bien dangereux, tant les approches sont diverses, tant les circonstances, les contextes, les conditions de mise en pratique, peuvent différer au sein de chaque société et d’une société à une autre. Nous sommes tous en apprentissage, un apprentissage collectif, et les livres nous aident dans ce cheminement, en diffusant des expériences, des confrontations d’idées, en capitalisant des réflexions et des travaux. Beaucoup ne parlent pas de développement durable, au sens littéral du mot, mais constituent des étapes dans son histoire encore récente. Dans Tous gagnants, j’ai tenté une présentation par époque de ces ouvrages, en commençant par ceux de quelques grands esprits, visionnaires sinon fondateurs, tels que Jacques Ellul, Alfred Sauvy, René Dumont, Georges Friedmann, Edgar Morin, Henri Mendras, Bertrand de Jouvenel, René Dubos, pour rester en France dans cette énumération bien limitative. Autant d’auteurs qui ont largement contribué à la naissance du mouvement moderne aujourd’hui porteur du développement durable.

Le livre, c’est la mémoire, l’accumulation de connaissances et d’interprétations. C’est le livre d’école, qui transmet les savoirs, c’est l’essai qui lance des débats, c’est le roman qui transmet une sensibilité, qui décrit un monde, une société à partir d’une histoire.

La naissance de l’écriture marque une étape primordiale dans l’histoire de l’humanité, mais ce n’est pas encore le livre. La diffusion des tablettes restait limitée, et les papyrus étaient fragiles. Le livre a connu son véritable épanouissement avec l’invention de Gutenberg. Avant lui, les copistes reproduisaient quelques écrits, le plus souvent sacrés, rarement profanes voire libre penseurs, confinant ainsi le savoir à un petit groupe sévèrement contrôlé. C’est l’imprimerie qui a permis bien des révolutions. Après une première période où Rome s’était montrée très méfiante à l’égard de cette nouvelle invention, elle autorise les livres sacrés, et en premier lieu la fameuse Bible de Gutenberg. La simple propagation de ces écrits change la donne. Les clercs n’ont plus le monopole du savoir religieux, et c’est la Réforme qui voit le jour. Le champ du possible est fortement élargi. Trois siècles plus tard, le siècle des lumières sera aussi celui de l’Encyclopédie de Diderot et de d’Alembert, et des philosophes à l’origine de la révolution française. Le livre est un moteur de progrès, c’est le vecteur des échanges des idées, tout comme le commerce permet d’échanger des biens. L’invention de la pâte à papier, dans le courant du 19e siècle, va populariser encore plus le livre, en faisant sauter un verrou à son expansion. Il ne suffit pas d’avoir une machine à imprimer, il faut aussi un support. Aujourd’hui, ce support est parfois virtuel, c’est un écran et il est sage de n’imprimer que le strict nécessaire pour économiser le papier. C’est une nouvelle impulsion dans la diffusion des savoirs, dans les échanges, qui est ainsi lancée, et qui va à son tour élargir encore le champ du possible. Saura-t-on garder l’esprit critique du siècle des lumières pour maîtriser ces nouveaux flux ? La réponse à cette question est déterminante pour le développement durable. Il ne faut pas l’attendre des évènements, cette réponse, il faut la forger et s’en donner les moyens, dans une attitude offensive qui caractérise le développement durable.

L’image a pris une importance immense dans nos sociétés, et il est curieux d’observer que l’on est resté, à l’école, sur l’explication de texte littéraire : notre esprit critique est mobilisé essentiellement sur l’écrit, alors que les messages sont de plus en plus véhiculés par la radio et surtout la télévision, et les nouveaux médias. Là est le danger, le décalage entre nos capacités de compréhension, de recul par rapport aux évènements, et la nature des messages que nous recevons. Le livre est sans doute un instrument de résistance aux flux qui nous entraîne, comme le suggérait dès 1966 François Truffaut dans Fahrenheit 451. Mais pour un monde durable, et en perpétuelle évolution, il vaut mieux maîtriser aussi les autres medias, c’est plus commode que d’apprendre tous les livres par cœur.



Chronique mise en ligne le 6 juillet 2007

 

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