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Gouvernance

Volonté

Comme tout changement, le développement durable suscite des résistances. Il faudra bien sûr de la volonté pour les surmonter. Voici une chronique où les hommes (et les femmes) de bonne volonté sont à l’honneur.


Il est fini le temps où la planète était corvéable à merci, où l’Homme pouvait y faire son marché à volonté.

Elle est devenu petite face aux appétits de populations sans cesse demandeuses de plus de confort, de plus de produits de consommation. A force d’y puiser à volonté des ressources immenses, celles-ci ont disparu comme peau de chagrin, et il faut revenir à une exploitation en bon père de famille. Un père (ou une mère) de famille avisé(e), qui a à cœur de produire plus, bien sûr en créant en permanence des capacités nouvelles de production, et non pas en prélevant toujours plus sur son Capital. Il faut juste pour cela à la fois de l’intelligence et de l’habilité d’un côté, de la sagesse et de la volonté de l’autre. C’est facile à dire et à expliquer pour une petite communauté humaine, qui voit tous les jours son domaine et en connait les limites, c’est beaucoup plus compliqué quand il s’agit de l’humanité, avec sa diversité de cultures et les énormes inégalités qui caractérisent la planète du 21e siècle. La volonté doit alors s’exprimer à grande échelle, celle des nations. Ce sont les grandes conférences internationales, comme celle de Copenhague, mais aussi des Mouvements d’opinion, des courants de pensée qui parcourent le monde. Ce sont les congrès d’hommes d’affaires, de syndicalistes, de scientifiques.

Le développement durable demande, et c'est un leitmotiv de ce site, une réelle rigueur dans l’utilisation des ressources, un comportement plein de prévenance, d’attention pour le monde qui nous entoure. Et c’est bien embêtant de ne pouvoir exprimer librement toutes nos Envies, de ne pas pouvoir faire nos quatre volontés. C’est bien dommage d’être privés de caprices, de fantaisie, et il faudrait trouver une manière de les satisfaire, ces fameuses quatre volontés, sans agresser la planète. La création artistique, sans doute, offre une piste, à condition qu’elle ne soit pas prédatrice de biens rares, comme l’ivoire pour les touches de piano et les archets des violons, ou l’écaille de tortue pour des meubles. Création avant tout de l’esprit humain, l’art est une magnifique manière d’assurer la croissance, presqu’immatérielle dans ce cas, et en même temps de donner du plaisir, de stimuler les sens et la sensibilité, de procurer de l’émotion, sans prélever de ressources, ou alors à la marge. Voilà une bonne façon de faire ses quatre volontés, en faisant un tout petit peu attention aux produits utilisés. Le sport, permet aussi de valoriser la ressource humaine sans agresser la nature ni consommer de ressources, si on fait attention. Même le sport spectacle s’amende, et il n’y a plus de grande manifestation sans ardente protestation de foi pour l’environnement, et pour les équilibres sociaux. Ne soyons pas dupe, il y a encore du travail, mais admettons que c’est un progrès.

Revenons à la bonne volonté, et à la Paix qui en est la récompense.

Au moment où un institut allemand publiait un rapport alarmant sur les tensions et les violences que pourraient engendrer le réchauffement climatique(1), Al Gore et le GIEC revevaient le prix Nobel de la paix. Il doit donc y avoir un lien entre la paix et le développement durable, comme le proclame le Principe 25 de la conférence de Rio : La paix, le développement et la protection de l'environnement sont interdépendants et indissociables. A l'approche de Noël, l’expression Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté nous donne des indications sur la voie à suivre pour sauver à la fois la paix et le développement durable. La bonne volonté, voilà la solution. Il n’est pas certain que ça suffise.

Voici une petite histoire, rapportée par Pierre Rabhi. Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés et atterrés observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’active, allant chercher quelques gouttes d’eau dans son bec pour les jeter sur le feu. Au bout d’un moment, la tatou, agacé par ces agissements dérisoires, lui dit : Colibri ! Tu n’es pas fou ! Tu crois que c’est avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ? Le colibri lui répondit alors : Je sais, mais je fais ma part. Admirable, n’est-ce pas ? Ça, c’est de la bonne volonté. C’est surtout une manière d’avoir la conscience tranquille, mais certainement pas la manière de contrer le sinistre, de limiter le désastre.

Avec le réchauffement climatique, l’appauvrissement de la diversité biologique, l’épuisement des ressources fossiles, le 21e siècle ne commence pas sous les meilleurs auspices. Les risques de conflits sont réels pour l’accès aux dernières ressources. Ce n’est pas nouveau, et l’histoire de l’humanité est hélas riche de conflits ainsi provoqués pour la possession d’un point d’eau, d’un droit de passage vers la mer, pour la maîtrise d’un minerai. Est-ce acceptable pour autant ? Et cette fois-ci, l’échelle des enjeux doit nous alerter. Les moyens de destruction aujourd’hui disponibles et la mondialisation des conflits représentent une menace véritable. Il ne suffit pas de faire sa part comme le colibri, il faut gagner. La bonne volonté est bien sympathique, mais n’est-elle pas dérisoire, comme pense le tatou. La bonne conscience n’est plus d’actualité. Il faut aller au-delà, et la bonne volonté doit en plus être habile, trouver les bons leviers, apprendre à retourner les forces destructrices, savoir mobiliser les énergies, parvenir à dépasser les nombreuses contradictions qui nous habitent. De la volonté et de l’intelligence, un couple qui marche bien quand on sait l’activer, et qui peut nous éviter d’avoir à écrire précipitamment nos dernières volontés.

(1) Climate Change as a Security Risk, rapport du German Advisory Council on Global Change, téléchargeable sur www.wbgu.de

Chronique publiée le 24 décembre 2007, revue le 11 décembre 2009

 

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