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Gouvernance

Ressort

Les résultats obtenus en matière de sécurité routière vont au-delà du fameux « facteur 4 ». Quels ressorts ont permis ce succès, au-delà de la somme des mesures prises dans tous les domaines ?


Nous venons de franchir une nouvelle Etape : 3645 morts sur les Routes en 2012, le plus bas niveau historique. Ça fait toujours 3645 de trop, sans compter les blessés et les familles traumatisées, mais quel Progrès depuis les sommets au-delà des 17000 il y a 40 ans. Le « facteur 4 » est dépassé, voilà qui est encourageant, et cela d’autant plus que le nombre de voitures, et de Kilomètres parcourus, s’est nettement accru entre Temps. Un gain à la fois en Valeur relative et en valeur Absolue. L’effet « Rebond » n’a pas éliminé les bénéfices engrangés. Il y a encore des progrès à faire, mais réjouissons-nous des résultats, et voyons s’il y a quelques enseignements à en tirer dans d’autres domaines.
La sécurité routière est l’affaire de nombreux acteurs. Les constructeurs d'Autos, motos, et Vélos, auxquels il faut associer les équipementiers, les réparateurs, stations service et autres contrôleurs techniques ; ceux qui font les routes et les entretiennent ; les services de protection civile, de police ; bien sûr, les conducteurs de tous ces engins, et même les piétons ; sans oublier les Pouvoirs publics, l’Etat qui établit les règles du Jeu et les fait respecter, et les collectivités qui aménagent et gèrent leurs routes, leurs rues, leurs Espaces publics . C’est tout ce petit monde qu’il a fallu faire évoluer, dans un contexte fortement teinté, pour ce qui est des engins motorisés, de réglementations européennes.  Il a fallu jouer sur tous les tableaux, techniques, fiscaux, juridiques, policiers, comportementaux, etc.
Les Résistances ont été nombreuses. La voiture est, pour certains, synonyme de liberté, et il n’est pas question de la restreindre. On ne met pas de boules Quies quand on va au concert. On s’est aussi renvoyé la balle, c’est la Faute à l’autre, la route est mauvaise, la voiture mal entretenue, l’autre est un chauffard, encore une bonne manière de taxer les automobilistes, véritables « Vache à lait », etc. Autant d’arguments qui permettent de ne rien changer, et qu’il a fallu dépasser.
Le résultat est là. Derrière toutes les Mesures qui ont été prises, il y a un ressort, une référence commune qui a conduit l’action, lui a donné sa vigueur et sa permanence : la légitimité de la cause, l’intérêt général en termes humains.  Même si les Accidents de la route coûtent très Cher à la collectivité, en perte de Capital humain notamment, d’autres intérêts ont pu être mis en face, comme le développement de l’industrie. « On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs » est un argument hélas trop souvent entendu. Malgré tout, la force de la cause a été la plus forte, et elle constitue le ressort de cette action, menée depuis plus de 40 ans. Ce ressort a été relayé par la Peur du gendarme, mais celui-ci n’a pu renforcer son action et son arsenal répressif, avec les radars et autres éthylotests, que parce que l’Opinion était d’accord dans son ensemble, malgré quelques inévitables dissonances.
La lutte contre l’effet de serre est devenue une autre grande cause. Là aussi, il faut mobiliser une grande quantité d’acteurs, dont les intérêts peuvent être divergents, avec des aspects institutionnels (Règlements, fiscalité), techniques, internationaux, comportementaux, etc. Seule une action de longue haleine, et coordonnée entre tous les acteurs peut donner des résultats. L’effet Rebond, qui reprend d’une main les bénéfices durement acquis de l’autre, guette l’occasion de se manifester. La Rigueur nécessaire pour lutter contre le réchauffement climatique est pour certains un obstacle à la Croissance, à la liberté d’entreprendre, et en plus, on peut toujours exprimer des Doutes, avec de bien opportunes références scientifiques. Sans ressort, il faut avancer en force, à coup d’obligations, toujours mal perçues, et bien difficiles à faire respecter. Quel ressort peut-on trouver pour donner toute la vigueur nécessaire à cette Politique, quel ressort pour mobiliser durablement l’ensemble des acteurs ?
Cette question est fréquente en matière d’Environnement. L’effort demandé est ressenti par chacun, individuellement, alors que les bénéfices sont collectifs, diffus, et souvent étalés dans le temps. L’intérêt général est un argument trop léger, il est à géométrie variable, il ne fonctionne pas bien longtemps. Le contrechoc pétrolier des années 1970 illustre la fragilité des bonnes intentions. Il faut un ressort qui touche en profondeur le maximum d’acteurs, et dont la légitimité soit suffisamment établie pour résister aux assauts des intérêts opposés. Un ressort qui permette de recruter des alliés, des forces économiques, culturelles, politiques et sociales. Et surtout un ressort qui soit compris du plus grand nombre, auquel chaque citoyen puisse adhérer sans arrière pensée.
Contrairement à ce qui s’est passé pour la sécurité routière, il n’y aura pas de gendarme, ou son action sera limitée. Le ressort doit donc être très puissant, pour stimuler l’Envie de bien faire juste parce qu’on en est fier, parce que ça fait Plaisir de participer à une œuvre collective. Bien sûr, quelques retours d’Investissement ne font pas de mal, mais ils seront souvent lents et incertains. Ils ne peuvent qu’être des suppléments de motivation, ils n’en seront rarement les moteurs.
L’environnement et les Economies d’énergie ne pourront progresser sans un ressort affectif. Les approches techniciennes sont indispensables, mais bien insuffisantes. Il faut donner à rêver, chercher à mettre en avant le côté sensible des choses, que chacun comprend sans être un spécialiste.

 
Chronique mise en ligne le 30 juin 2013

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