Proactif
Le changement est une lutte de tous les jours, tant les résistances sont grandes. Résistances culturelles, intéressées, idéologiques, mais aussi et surtout filles de la passivité : on a toujours fait comme ça !
Il y a plusieurs manières de contourner ces obstacles, selon leur nature et le contexte. Les grandes catastrophes, les épidémies, les crises de toutes natures sont des occasions de changer, mais nous savons que, malgré les bonnes résolutions, la tendance est forte de revenir à la situation antérieure, « c’était mieux avant ».
Les grands changements ont besoin d’une large adhésion, qui doit être cultivée car les bénéfices du changement n’apparaissent pas immédiatement, alors que le prix à payer est tout de suite perçu. Et puis, il y a la jalousie qui joue dans les deux sens : Si vous êtes perdant par rapport à vos voisins, perdant net ou gagnant moins qu’eux, vous le ferez savoir haut et fort. Si vous êtes gagnant, vous le cacherez, et parfois même vous direz que vous êtes perdant pour ne pas provoquer la jalousie. Le changement a bien du mal à faire son chemin.
Dans certains secteurs, les pouvoirs publics, quand ils sont promoteurs dudit changement, accompagnent les acteurs, particuliers ou professionnels. Ils créent des formations adaptées, ils proposent des aides, ils ouvrent des sites Internet et des guichets. Objectif : faciliter le passage d’une situation à une autre. Le cas de la rénovation énergétique des bâtiments est un bon exemple de ces mesures.
C’est un enjeu fort de la lutte contre le réchauffement climatique : une part importante des émissions de gaz à effet de serre, et un parc immobilier ancien et d’évolution très lente. L’Etat a donc mis en place toute une politique : formation et labellisation des professionnels, aides financières, soutien technique aux particuliers avec des « points info énergie » et des guichets uniques pour faciliter les démarches. Et pourtant, les résultats sont décevants. Il ne suffit pas de mettre en place tout un dispositif pour que les intéressés y aient recours, surtout pour des questions complexes, techniques, et parfois lourdes financièrement. Tout dispositif fondé sur l’hypothèse que la « cible » se manifestera d’elle-même, si attractif soit-il, risque de ne pas rencontrer son public. Au lieu de formules « passives », tentons d’être proactifs, de se rapprocher des personnes qui décident ou non de changer.
Une des manières de faire est de mobiliser une force de vente, de trouver quels relais pourraient aller vers le public concerné. Attention toutefois aux « marchands de soupe », qui flairent une bonne aubaine. Combien de pompes à chaleur ont été vendues et installées en dépit du bon sens, avant que la profession n’y mette bon ordre. Et il a fallu une loi pour mettre un frein au démarchage intempestif pour les fenêtres et autres travaux d’économies d’énergie chez les particuliers. Un dispositif passif sans encadrement est la porte ouverte à ce type de dérive. L’accompagnement doit être proactif, avec des relais adaptés aux enjeux et aux publics visés.
Les opérations groupées sont de bons vecteurs de cette politique. Elles permettent de concentrer des moyens humains, en plus de moyens techniques et financiers. Les opérations programmées d’amélioration de l’habitat en sont un bon exemple, avec une animation tournée vers les habitants du secteur concerné. Un autre type d’opération mérite réflexion. Il s’agit de l’isolation acoustique. Deux cas de figure, autour des aéroports et le long des routes. Dans le premier cas, ce sont les habitants des zones bénéficiaires des aides qui se manifestent et restent les maîtres d’ouvrage des travaux. Ceux-ci se font au coup par coup, s’étalent dans le temps, et sont de qualité inégale malgré les contrôles. Les seconds sont réalisés quand la circulation d’une route augmente à la suite d’aménagements, et dépasse certains seuils. Les travaux sont alors faits en une seule fois pour tous les riverains concernés, sous maitrise d’ouvrage unique du responsable de la route, en concertation avec les habitants. Résultat, le prix de l’isolation par logement est deux fois plus important dans le premier cas que dans le second. Net avantage financier aux opérations groupées et proactives, mais aussi technique avec un maître d’ouvrage professionnel, et chronologique puisque tout est fait au même moment.
Les technologies de l’information permettent de trouver les regroupements les plus performants. Un outil destiné aux collectivités, développé par l’école des mines de Saint Etienne sous le nom d’IMOPE, croise les informations d’une quinzaine de bases de données. Il en résulte une cartographie du territoire sur l’ensemble des paramètres nécessaires pour lancer des opérations de rénovation. La démarche devient proactive, en donnant aux collectivités les moyens d’aller vers les propriétaires pour leur proposer des actions groupées, moins chères et adaptées au contexte.
Le développement durable « parce que l’on n’a pas le choix » ne fonctionne pas. Accepté du bout des lèvres et à regret, il est une charge que chacun tente de minimiser. Ce parcours à reculons produit en général des résultats médiocres et couteux. Tout faux. A l’inverse le développement durable est, une chance, s’il est choisi pour les progrès qu’il comporte, dans une attitude proactive.
Photo : Tim Mossholder/Unsplash
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