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Gouvernance

Populaire

populaire vasily koloda 620889 unsplashLa transition écologique ne serait pas populaire. C’est le champion de la Terre, Emmanuel Macron, qui le dit, à l’occasion de son passage aux Nations Unies. Il a hélas raison. Mais posons-nous la question, qu’avons-nous fait pour la rendre populaire ?

« Notre génération n’a pas le choix », conclut le président, dans son intervention devant l’assemblée générale des Nations Unies. Tout ce qu’il faut pour démobiliser. Les solutions uniques, les cartes forcées, on n’aime pas ça. Ce sont les autres qui décident, les technos, les sachants, mais nous savons bien qu’ils se trompent. La transition parce qu’on n’a pas le choix, c’est un mauvais argument, contreproductif. Tout comme les appels au sauvetage de la planète, aux déclarations d’urgence répétées maintes fois.
Le discours est toujours du même tonneau. Ça coûte cher. Mais le coût du statu quo est bien plus lourd, comme l’a fait remarquer Nicholas Stern sur le seul aspect du dérèglement climatique. Et il ne s’agit pas de dépenser plus, mais de dépenser autrement. Prenons l’exemple trivial de l’alimentation, un sujet que chacun connait bien. Le bio coûte cher, plus cher que le conventionnel. Peut-être, mais le pouvoir d’achat dépend aussi de nos menus. Consommer moins de viande permet de faire des économies substantielles, et c’est sur l’ensemble du « panier » qu’il faut faire le calcul. La transition vers un régime moins carné permet, à coût constant, de choisir la qualité et d’augmenter la part de bio. Chacun des produits que vous achèterez sera plus cher, mais l’ensemble sera moins cher, du fait de la nouvelle composition de vos repas. Si, en plus, vous bénéficiez d’un circuit court, en achetant directement au producteur, si vous achetez en vrac, si vous choisissez les produits de saison, vous ferez des économies.
Ce qu’il faut, c’est rendre populaire ces nouveaux menus. La viande a un statut social, et s’en priver est parfois ressenti comme une forme de déclassement. Les légumineuses ont parfois mauvaise presse, et notre consommation a fortement diminué en une génération. Nous savons qu’il y a des effets de mode, de culture alimentaire, et il ne faut pas hésiter à utiliser ces moyens pour rendre populaire un nouveau comportement. Ça peut prendre du temps, et il faut en parallèle faire progresser l’offre, mais le résultat est que ce seront les consommateurs qui assureront la transition, et non l’Etat qui devra le porter à bout de bras (et parfois aussi du bout des lèvres) pour cause d’impopularité.  Tant que la transition sera impopulaire, c’est la puissance publique qui devra l’animer et parfois l’imposer, avec toutes les difficultés que la résistance spontanée des intéressés, nous tous, pourra susciter. Il faudra mettre des incitations sur la table, et alors là, ça coutera cher.
Autre domaine sur lequel l’Etat dépense « un pognon dingue ». Le logement. Un grand plan de rénovation thermique des bâtiments est engagé, avec des aides et des obligations à l’occasion des travaux. Mais le rythme des opérations est loin du compte, pour atteindre les objectifs affichés. L’action est perçue comme venant d’en haut, sans doute justifiée, mais plutôt comme une charge, des frais, même si des économies sont à attendre par la suite. Et pourtant les enquêtes convergent : ce n’est pas la rénovation thermique qui est attendue, mais la rénovation tout court, portant sur l’ensemble des qualités du logement. Dernière en date, l’enquête IPSOS réalisée pour Qualitel et rendue publique le 25 septembre dernier, le dit clairement : Pour qu'elle soit une réussite, la rénovation doit porter sur toutes les dimensions de la qualité du logement. Voilà les attentes du public, alors que le discours officiel reste figé sur l’énergie et le carbone. L’absence d’écoute et de prise en compte des attentes, voilà de quoi rendre la transition impopulaire.
La transition est un changement, et comme tel, elle provoque toujours des résistances. Comment les surmonter, et intégrer au mieux les préoccupations et les attentes du public, et, encore plus loin, stimuler son imagination et sa créativité pour trouver des solutions hors de portée de l’Etat et des experts. La sagesse populaire le dit de manière imagée : « on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre », ou encore « on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif ». L’Etat, dans notre pays, a toujours une tendance à imposer ses vues, au prix, quand il le faut, du « passage en force ». Une autre voie est possible, celle de provoquer l’adhésion véritable à un projet, l’envie d’y apporter sa contribution. Ce n’est pas dans la culture de l’Etat, et il doit aussi accepter de changer. L’Etat prescripteur, en échange de sa protection, voilà ce qui coûte cher, voilà ce qui rend ses projets impopulaires.
Oui, la transition n’est pas spontanément populaire. Le temps des « grands soirs » n’est plus. Il faut donc la rendre populaire en jouant sur les bonnes fibres, au lieu de l’imposer à grand renfort d’argent et de règlement. Il y a des approches qui le permettent, basées sur l’écoute, le partage du pouvoir et des responsabilités, la mobilisation des « ailes marchantes » des différents groupes sociaux, des professions, le soutien aux expériences et aux initiatives, même des mythes pour stimuler l’imaginaire, et surtout la conviction que les solutions sont partout dans la société et pas uniquement dans l’appareil d’Etat.
 
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