Plan B

Le plan B est une porte de sortie honorable, pour éviter la débandade. Il est aussi question de résilience, autre mot pour désigner le retour à la normale sans que personne ne sache très bien ce qu’est la normale. Le plan B en diffère car il est porteur d’innovations, de nouveaux chemins à explorer. Il ne s’agit pas de s’accrocher au passé, mais de passer à autre chose.
Il y a deux sortes de coups durs qui demandent le recours à un plan B. Les soudains, imprévisibles, et ceux qui s’annoncent longtemps en avance, mais pour lesquels il est d’usage de penser « qu’il y a le temps ». On verra le moment venu… ou « encore un instant, Monsieur le bourreau ».
Le COVID 19 est un bon exemple de la première catégorie. On y trouve aussi, avec certaines épidémies, les tremblements de terre, les tsunamis, et peut-être aussi des accidents industriels majeurs que l’on n’a pas su prévenir. On en connait les contours généraux, mais sans savoir ni où, ni quand, ni comment ils vont se manifester, et chacun avec ses caractéristiques propres. Chaque virus a son comportement à soi.
Le traitement de la crise se prépare évidemment avant la crise, ce qui n’est pas simple quand ladite crise est imprévisible. C’est alors dans les qualités intrinsèques de la société que se trouve le recours, sa cohésion, sa solidarité, sa capacité à réagir, ses réserves. C’est aussi dans son organisation, ses équipements, et ses efforts pour réduire sa vulnérabilité face aux agressions bien identifiées, pour éviter une sorte de contagion des malheurs, par effet domino en quelque sorte. Qualités morales, organisation rigoureuse, solidité. Que chacun sache ce qu’il a à faire.
Le plan B vient en plus. Si mon entreprise n’est plus approvisionnée, si mon personnel et mes clients sont confinés, que faire ? Il y a bien sûr les pouvoirs publics qui vont m’aider, et la solidarité, mais il ne faut pas compter sur les autres sans avoir un projet pour soi-même. Il vaut mieux avoir une idée de ce que l’on peut faire quand on ne peut plus exercer son métier normalement. Sur quelles qualités puis-je m’appuyer, mot comprenant mes savoirs et mes savoir-faire, mon tempérament, mes réseaux, mes équipements, etc. Un bilan de compétences, terme appliqué en général à des individus qui cherchent leur voie, pourrait utilement être décliné aux entreprises et aux territoires. Une manière de prendre conscience de ses atouts, connus, ignorés ou négligés, et de savoir comment « rebondir » rapidement en cas de gros imprévu, à mettre en œuvre quand tout va bien, avant que la crise ne se manifeste quelle qu’elle soit.
C’est évidemment un effort, et beaucoup préféreront s’en passer en faisant le pari que le danger ne se concrétisera pas. C’est comme l’assurance si l’on espère éviter le sinistre, mais c’est bien connu, l’assurance ne coûte cher qu’avant l’accident.
Il y a un autre type de coup dur, celui que l’on voit venir de loin. Le vieillissement de la population, qui est intrinsèquement un bonheur, mais qui vire au cauchemar s’il n’est pas intégré au fonctionnement de la société. Le réchauffement climatique, que l’on peut encore atténuer et cantonner dans des limites acceptables, mais auquel il faut s’adapter car ses effets sont déjà visibles. Depuis plusieurs années, les actionnaires des grands groupes pétroliers demandent à leurs dirigeants de préparer l'après-pétrole. Un groupe d'actionnaires de Total a déposé en avril 2020 une résolution en ce sens, pour ne reprendre que le dernier exemple en date. Tous les pétroliers se sont engagés sur les énergies renouvelables, mais bien timidement. Une action cosmétique si l'on compare les investissements purement pétroliers et ceux consacrés aux éoliennes ou aux panneaux solaires. Est-ce d'ailleurs la bonne manière de faire, ne leur faut-il pas sortir de l'énergie et explorer d'autres voies où leurs compétences leur permettraient de réaliser des exploits ?
Autre forme de bouleversement : L’émergence de nouvelles techniques, qui vont transformer notre vie quotidienne, nos entreprises et nos territoires. Prenez l’exemple de La Poste. Une activité "courrier" en déclin, du fait d'Internet et de la concurrence d'opérateurs privés. Elle a su identifier sa véritable mission, celle que personne ne peut remplir mieux qu'elle, entretenir un lien de proximité partout en France, jusque dans le moindre village au fond d'une vallée. C'est son capital et son ADN. Il n'y a pas que le courrier qui peut bénéficier de ce réseau qui irrigue finement le territoire, il y a bien d'autres services. C'est ainsi que la poste retrouve une nouvelle vocation, qui ne se substitue pas à la distribution du courrier, mais la complète et permet de valoriser son capital culturel et institutionnel. Autre exemple : Toyota a développé un réel savoir-faire en robots, pour fabriquer des voitures. Et pourquoi pas ne pas se diversifier vers les robots, robots domestiques ou autres ? Voilà une orientation complémentaire, qui consolide Toyota au cas où le marché de l'automobile viendrait à fléchir. Ce ne sont pas à proprement parler des plans B, mais des atouts qu’une entreprise peut jouer et qu’elle peut consolider au fil des années, avant que le basculement ne devienne inéluctable.
Plusieurs changements majeurs sont devant nous, et nous les connaissons. Ils sont de types variés, naturels, technologiques, géopolitiques, etc. Chaque entreprise, chaque territoire doit s’y préparer, et le plus tôt possible pour que la transition soit la mieux réussie possible. Une sorte de Plan B au long cours, une porte de sortie pour entrer de plain-pied dans le monde de demain.
Photo : Markus Spiske/Unsplash
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