Monnaie
La politique monétaire est toujours bien compliquée pour la plupart d’entre nous. Certaines initiatives rapprochent la monnaie de la vie quotidienne.
La monnaie est une commodité. Elle permet des échanges, et des relations dans le temps et l’espace. C’est un outil formidable pour permettre d’échanger ma propre production avec celles d’autres personnes, ou de transférer des richesses pour un usage retardé, ou dans un autre lieu que celui où elles ont été produites. La souplesse, voilà ce qu’apporte la monnaie. Tout l’art des émetteurs de monnaie est d’apporter cette souplesse, mais pas trop pour que les biens conserve une valeur. La monnaie mesure la valeur accordée par les acteurs au cours des échanges.
Valeur est un mot clé. La monnaie traduit un système de valeur. L’équivalence de biens et services (y compris le travail) entre eux s’opère selon les lois de l’offre et de la demande, mais peut varier selon un tas de paramètres, et en premier lieu le mode de vie et ce à quoi chacun apporte de l’importance. Elle traduit aussi des rapports de force, entre producteurs et acheteurs, et leur capacité à faire pression sur l’autre pour qu’il accepte les conditions de l’échange. Le rôle des émetteurs de monnaie est donc politique autant qu’économique. Il était l’apanage des princes, il est aujourd’hui celui des banques centrales. Les débats animés autour de l’Euro et de la gestion de cette monnaie montrent qu’il ne s’agit pas d’un simple instrument d’échange, et qu’il véhicule un modèle économique.
La résistance à ces monnaies étatiques s’est développée. Le troc permet de s’en affranchir, pour certains types de produits. Aujourd’hui, on voit apparaître des monnaies locales, des monnaies virtuelles, des systèmes d’échange fondés sur des accords personnels plutôt que sur des critères extérieurs. Le mouvement est apparu en situation de crise. Les économies étaient bloquées, et il a fallu se débrouiller tout seuls, en inventant des solutions innovantes. C’est ainsi que la première expérience serait apparue pendant la grande crise des années 1930, en Autriche.
Aujourd’hui, on parle beaucoup de monnaie « complémentaire », dont la vocation est de combler des espaces laissés pour compte par l’économie « officielle », notamment des besoins réels mais non solvables dans le respect des règles traditionnelles. Tout comme le microcrédit, qui selon Muhammad Yunus, n’a pas pour vocation de se substituer aux banques ordinaires, mais de prendre en charge ce que ces dernières ne peuvent soutenir, dans une perspective d’intégration à terme dans le système. Les approches nationales ou pluri nationales ne peuvent répondre à une série d’attentes, à des situations très diverses. Il faut les compléter par des instruments plus fins, qui s’adaptent aux conditions propres à une communauté restreinte, une ville, une région, une corporation.
Il y a donc des monnaies de « résistance », de refus du système dominant, mais aussi des monnaies de complément, qui s’accordent avec les monnaies nationales. Tout le monde y trouve son compte.
On retrouve souvent, avec les monnaies locales, l’esprit des Systèmes d’échange locaux, les SEL. Des citoyens et des entreprises mettent en commun leurs savoirs et leurs savoir faire, dans un périmètre de proximité. On se rend des services, sans que tel type de prestation soit survalorisé par rapport à d’autres. La communauté d’intérêt définit ses propres règles du jeu, au lieu de reprendre aveuglément celles imposées par « en haut ».
Il y a évidemment des limites à ce mode de raisonnement, car on sait bien que la proximité peut engendrer des formes de pression et de domination, dont il faut se méfier. Des régulations sont nécessaires, là comme ailleurs. Les monnaies locales en France, il y en a une petite vingtaine (quelques milliers dans le monde), sont souvent soutenues par des acteurs publics, collectivités et institutions économiques, dont l’intervention est bien utile pour démarrer.
Elles portent des noms charmants et imagés, la « pêche » à Montreuil, la « sardine » à Concarneau, la « Cassole » à Castelnaudary, le « «bou’sol » à Boulogne sur Mer, etc. Elles peuvent être virtuelles, ou bien utiliser des coupures en papier. Certaines sont dégressives : leur valeur s’érode avec le temps, de manière à inciter à leur réemploi rapide : il faut que l’argent tourne vite ! Bref, les monnaies locales sont une formidable occasion de se parler, de discuter du véritable rôle de la monnaie, des règles de l’économie et de leur adaptation au contexte local. Elles créent du lien social, et contribuent à la dynamique de développement local. Encore faut-il qu’il y en ait une. La monnaie est un instrument, il lui faut un cadre politique et une dynamique sociale. C’est vrai à l’échelle locale comme à l’échelle européenne.
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