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Gouvernance

Mondialisation

 

Il est de bon ton de taper sur la mondialisation. C’est elle la grande coupable des délocalisations, et de l’exploitation des peuples ! La mondialisation est-elle l’adversaire obligé du développement durable ?

La mondialisation a bon dos. Tout est de sa faute ! Les citoyens du monde ne doivent plus savoir comment s’affirmer. Certains d’entre eux se déclaraient d’ailleurs antimondialistes, et ils cherchent à sortir de la contradiction en adoptant un autre terme, altermondialiste, un autre monde est possible.

Oui, mais pas chacun chez soi, et dans une vision mondiale, à l’échelle de la planète. La mondialisation est un fait, elle existe bien au-delà des institutions et des lois, acceptons-en l’évidence.

Les échanges internationaux ne datent pas d’hier. La route de la soie est vieille comme le monde. Les grandes voies ouvertes par Marco Polo, Magellan et autre Christophe Colomb ont bouleversé le monde, créé de nouveaux équilibres avec des gagnants et des perdants. Nous vivons aujourd’hui un nouvel épisode, une nouvelle « saison » comme on dit à la télévision, marqué par deux phénomènes irréversibles, les facilités de transport, et la puissance des communications sous toutes les formes, télévision, Internet, téléphone, etc. Ce qui se passe en un point du globe ne peut plus être caché au reste de la planète.

Les chocs de culture ou de civilisation dont on parle beaucoup aujourd’hui ne sont pas non plus une nouveauté, et se manifestent aussi bien dans le tourisme que dans les affaires. Depuis des dizaines d’années, les « villages » du Club Med, pour prendre un exemple, installés au cœur de pays protégés jusqu’alors par leur éloignement, ont provoqué bien des séismes dans les esprits, produisant tantôt admiration et envie, tantôt rejet et radicalisation identitaire. L’impact des séries américaines à la télévision en est une autre illustration. La mondialisation est sous nos yeux, et depuis longtemps.

L’étape que nous vivons aujourd’hui se caractérise par un phénomène inédit, qui donne une dimension nouvelle à la mondialisation. L’humanité a atteint un niveau global de prélèvements de ressources et de rejets dans les milieux naturels tel que son avenir est en jeu. Notre « empreinte écologique », notre impact sur la planète, ont pris des proportions telles que la Terre ne peut plus suivre. Comme disait Bertrand de Jouvenel, « nous n’habitons pas la même planète que nos aïeux, la leur était immense, la nôtre est petite ». Une forme de solidarité s’installe, vers l’épuisement ou vers un nouvel équilibre entre notre demande et ce que la planète peut nous apporter. Nous sommes tous dans le même vaisseau, alors que les distances pouvaient faire croire, jadis, que les sorts des différentes communautés humaines étaient distincts.

La question n’est donc pas d’être pour ou contre la mondialisation, mais de la manière dont nous allons nous organiser pour basculer du bon côté, celui d’un nouvel équilibre. On pourrait trouver là une sorte de définition du développement durable, qui mettrait en évidence la fracture qui s’opère aujourd’hui : d’un côté ceux qui ne veulent pas affronter cette nouvelle donne, qui se replient sur eux-mêmes, et rejette l’idée même de mondialisation, et de l’autre ceux qui acceptent le challenge, entrepreneurs d’un futur qui reste à inventer et à construire collectivement, le développement durable.

La mondialisation est donc une épreuve, au sens positif du terme, une étape à franchir pour parvenir à un état supérieur (et à échapper à l’effondrement décrit par Jared Diamond). Une épreuve qui sera d’autant plus redoutable que nous nous attacherons à des dogmes et des habitudes du passé, à des modes de production et de consommation incompatible avec la « finitude » du monde. Dans les anciens pays habitués à chercher ailleurs les ressources dont elles ont besoin, le changement de mentalité est profond, et provoque des résistances, c’est bien normal. L’ordre ancien se perpétue, ou tente de le faire. Aujourd’hui, la question des rejets est devenue aussi importante que celle des ressources, et les pays anciennement industrialisés et fortement pollueurs, émetteurs de gaz à effet de serre, ont transféré la production dans les pays émergents et les dragons du Sud Est asiatique, tout en gardant l’essentiel de la consommation. Bien joué pour apparaître vertueux en matière de lutte contre le dérèglement climatique, sans changer pour autant de mode de vie.

Il y a donc encore bien des choses à changer, pour une mondialisation heureuse. La difficulté est de vaincre la peur d’une dégradation de la situation chez les plus riches. Ceux-ci s’opposent au changement, et ils en ont les moyens. Plus d’équité et de solidarité voudrait-il dire qu’ils seront moins heureux ? Il faudra bien rééquilibrer l’accès aux ressources et les capacités de rejet. Cette crainte latente des pays dominants, si bien exprimée par la fameuse phrase d’un président des Etats-Unis affirmant que le mode de vie des américains n’est pas négociable, est sans doute l’obstacle le plus difficile à franchir, car toutes les forces du passé se regroupent pour maintenir le statu quo. Beaucoup ont du mal à croire que l’on peut être plus heureux en consommant moins, surtout si le bonheur consiste à se comparer aux autres, et à se satisfaire d’une situation réputée préférable. La diversité a encore du mal à trouver sa place dans les esprits marqués au sceau du « toujours plus ».

La question de la mondialisation est aussi une affaire d’institutions, il ne faut pas le nier. Mais c’est avant tout dans les mentalités que ça se passe.

 

 

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