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Gouvernance

Engagement

 

Le développement durable ne tombe pas du ciel. Il se construit tous les jours grâce à l’engagement des citoyens et de nombreux professionnels.

Les voies du progrès sont parfois déroutantes, comme l’a montré, par exemple, l’action des voleurs de cuivre sur l’éclairage des autoroutes urbaines.

Rappelez-vous, c’est à la suite du vandalisme sur l’autoroute A15 que l’on a observé pendant trois ans une baisse des accidents sur les tronçons non éclairés. L’administration en a conclut qu’il était possible de faire des économies tout en améliorant la sécurité des usagers, et a décidé en mai 2010 de couper progressivement le courant sur 130 km de routes en Ile de France. Il faut donc rester attentifs aux évènements fortuits, pour en saisir les enseignements, mais il y a aussi quelques principes qu’il est bon de connaître pour faire la promotion du développement durable. Surtout si on est pressé.
Parmi ces principes, figure celui de l’entraînement des acteurs. Il faut obtenir leur engagement. Rien de durable ne se construit sur les bases d’obligations mal ressenties. Rien non plus avec des pressions morales ou culpabilisantes, vite rejetées et souvent à l’origine de crispations inutiles. L’exemple de l’agriculture biologique illustre la difficulté de faire boire un âne qui n’a pas soif. Voilà un concept formulé en 1920, un mouvement constitué en France dans les années 1960, et une reconnaissance législative en 1980. L’agriculture biologique bénéficie d’une grande sympathie dans l’opinion, à juste titre compte-tenu de la qualité des produits. Et pourtant, en 2005, il représentait moins de 2% de l’activité agricole en France. Les scandales du type « vache folle » ou poulet à l’huile de vidange ont, semble-t-il, plus influencé la demande, plus attentive et plus exigeante, que l’offre, arcboutée sur son approche productiviste. L’évolution récente de l’opinion a permis d’accélérer le mouvement depuis quelques années, avec l’aide du Grenelle de l’Environnement. Mais les réticences de la profession restent dominantes, malgré ce contexte. L’agriculture biologique a été perçue comme « contre » les formes traditionnelles d’agriculture, suscitant de la part des forces économiques du secteur une hostilité redoutable. A contre courant de l’effort de productivité d’après guerre, elle est devenue une position militante, vite assimilée à une arrière garde sans avenir, et marginalisée. A l’exception d’une petite minorité, la profession ne s’est pas engagée sur cette voie. Espérons que les progrès récents marquent la fin de cette situation qui nous oblige à importer en France une bonne partie des produits bio que nous consommons. Un comble pour une « grande puissance agricole ».
Autre temps, autre contexte, autre profession : le bâtiment. A l’origine, une profession bien éloignée des problèmes d’environnement, si ce n’est pour se débarrasser des déchets dans des conditions qu’il vaut mieux ne pas approfondir. De nombreux acteurs, une chaine professionnelle, des industriels, des promoteurs, des concepteurs et maîtres d’œuvre. Comment mettre en mouvement tout ce petit monde, contrasté, aux intérêts souvent divergents ? Comment amener ces acteurs essentiels à s’engager sur la voie du développement durable ?
Il y a eu des mouvements spécialisés, notamment autour des questions d’énergie ou de matériaux. Les amoureux du bois, de la terre ou de la pierre, le mouvement bioclimatique, les énergies renouvelables en réponse aux chocs pétroliers. Mouvements qui sont restés marginaux en volume, mais qui n’ont pas été considérés comme contraires au progrès, comme des ennemis du courant dominant. Leur succès a été fortement terni par les contre chocs pétroliers, mais ils n’ont pas pour autant été rejetés. Ils ont du s’adapter, parfois au prix fort.
C’est dans les années 1990, dans le prolongement notamment de la conférence de Rio, que les démarches de qualité environnementales se sont développées dans les pays industrialisés. Un mouvement international, où le Canada et le Royaume Uni s ont joué un rôle moteur. La chance a été de parvenir à se faire reconnaître comme une démarche de progrès. Tout le monde n’était pas prêt pour autant à s’engager, loin de là, mais les nombreux sceptiques observaient de loin l’évolution sans s’y opposer. Une démarche volontaire, présentée comme une nouvelle approche technique et managériale, et non comme un îlot de résistance. La progression du concept de qualité environnementale ne s’est pas faite contre les approches classiques, mais à côté, avec l’engagement de quelques professionnels et d’organismes collectifs qui ne pouvaient rester à l’écart de cette démarche.
Un contexte favorable a permis le changement d’échelle. Quelle que soit la forme retenue, transversale avec la HQE ou spécialisée sur l’énergie, la question de l’effet de serre et l’augmentation du prix du pétrole ont été des accélérateurs du processus d’engagement des professionnels. La recherche de performances en matière environnementale ou énergétique est devenue une des composantes des métiers du bâtiment, un axe de progrès pour les entreprises, les industriels, et les métiers de la conception. L’engagement n’est pas toujours sincère, il y a un peu de tricherie ici et là, il reste encore de nombreux réticents, mais ils sont emportés par la dynamique. Le renforcement de la réglementation n’est plus une menace, mais une étape normale que beaucoup cherchent à anticiper grâce à des labels ou autres formes de reconnaissance.
Il n’y a plus besoin de « concilier » l’environnement avec l’économie, comme on a souvent dit. L’environnement est devenu un moteur de progrès, dans lequel les acteurs s’engagent spontanément. Nous sommes bien au cœur du développement durable.

 

Article publlié en septembre 2011

 

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