Coopération
Oxymore pour certains, le développement durable est un défi à relever pour les autres. Pour y parvenir, l'aventure personnelle est insuffisante. Il faut jouer en équipe. La coopération est une des voies du développement durable.
Les défis se relèvent de plusieurs façons selon leur nature. Pour certains, c’est l’émulation, voire la compétition, qui donne l’énergie nécessaire, et pour d’autres, c’est au contraire la solidarité et la coopération entre acteurs qui le fait.
Les images de la course et de la cordée en montagne illustrent ces deux manières opposées de faire face, avec entre les deux des combinaisons que vous imaginerez vous-mêmes.
La prise de conscience de la « finitude » du monde et la croissance continue des besoins de l’humanité nous conduit à changer de modèle. Jusqu’à présent, nous faisions plus en consommant plus de ressources, et bien maintenant, il va falloir faire toujours plus, mais en réduisant les prélèvements de ressources. Une orientation résumée par le terme « facteur 4 », au sens d’un rapport du club de Rome du même titre : deux fois plus de bien-être, en consommant deux fois moins de ressources. Il va falloir faire preuve d’ingéniosité. Dans ce domaine, un peu de compétition ne fait pas de mal, mais l’expérience montre qu’il faut souvent arrêter de « jouer perso » pour favoriser le jeu en équipe. Personne ne détient les solutions à soi tout seul, il faut coopérer.
Coopérer ne signifie pas se fondre dans un groupe et perdre son identité, bien au contraire. Chacun doit garder sa spécificité, et il n’est pas besoin d’être d’accord sur tout pour coopérer. Vive la différence, là aussi.
Le défi du développement durable, faire vivre dignement 9 milliards d’humains d’ici 2050, relève de cette logique. De la concurrence pour imaginer des procédés nouveaux de valorisation des ressources, pour « faire plus avec moins », mais aussi la mise en commun de moyens pour rechercher de nouvelles voies de progrès, de nouvelles organisations, de nouvelles technologies. La recherche comporte cette double dimension, à la fois de compétition car il s’agit de se positionner, mais aussi de coopération pour parvenir à la masse critique au-dessous de laquelle les chances de succès deviennent trop faible, ou les progrès trop lents. La coopération permet aussi à des organismes ou des personnes de diverses origines de travailler ensemble, des rapprochements souvent créatifs.
Cette coopération est parfois organisée, institutionnelle, mais elle peut aussi être spontanée, grâce notamment au web et aux « systèmes ouverts » qu’il permet de constituer à grande échelle. L’informatique en a été un premier terrain d’expérience, puis l’information avec les réseaux sociaux et les dispositifs tels que Wikipédia, lequel a fait des petits tels que wikispeed ou wikihome qui touchent aujourd’hui à la production industrielle. La photocopie en 3D devrait accélérer et amplifier ce phénomène, avec de nouveaux modèles économiques et juridiques à imaginer.
L’initiative publique peut rendre de grands services pour les domaines collectifs comme le développement urbain. La « ville intelligente » reprend de nombreux instruments créés et gérés par des opérateurs privés, mais il faut les mettre en cohérence. La ville traditionnelle s’est construite dans la durée, avec des corrections en continu, une sédimentation, des formes imposées par le relief, l’eau et le climat, et une histoire qui exprime son lien avec le territoire. La montée rapide de la population et les transformations rapides des modes de vie conduit aujourd’hui à créer des villes en quelques dizaines d’années. Le temps d’une génération. Il faut faire vite, tout en combinant deux familles d’objectifs : le bien-être des habitants, et la performance environnementale, deux objectifs qui n’auraient aucun sens s’ils n’étaient conjugués.
La mise en résonnance des acteurs de la ville durable est donc un impératif, si l’on veut éviter les échecs, comme ceux que nous avons connus avec les grands ensembles notamment. Le ministère Français du Commerce extérieur a pris l’initiative, sous le nom de Vivapolis, et avec la complicité de nombreux organismes publics et professionnels, d’offrir un cadre pour favoriser la coopération des savoir-faire français dans le domaine. Un groupement d’entreprises a été notamment constitué pour présenter cet ensemble à une ville en croissance très rapide, Astana, capitale du Kazakhstan depuis 1997. L’opération « Astanaible » est ainsi née, emmenée par des grandes entreprises, Eiffage, GDF-Suez et Egis, mais à laquelle collabore de nombreuses PME et TPE, notamment mobilisées par les pôles de compétitivité. Elle étend son activité de la connaissance du contexte (social, économique, géographique, écologique, etc. du terrain) à la proposition de solutions opérationnelles, et leur programmation dans la durée. Une coopération à grande échelle. Un point fort est d’avoir permis à chaque intervenant de participer dès le tout début du projet. Nous retrouvons là l’esprit de la HQE, que ce soit du bâtiment ou de l’aménagement, la mise autour de la même table de l’ensemble des acteurs, et cela le plus tôt possible. La coopération doit être précoce pour bien fonctionner.
La lutte contre le réchauffement climatique pourrait évoluer dans cette direction. A la simple distribution d’objectifs « contraignants » s‘ajoute (ou se substitue ?) aujourd’hui le concept d’agenda des solutions. Comment toutes les nations peuvent-elles coopérer pour trouver des réponses opérationnelles, des organisations, des techniques, des modèles économiques qui réduisent la dépendance au carbone de l’humanité. La coopération pour aller de l’avant sur des objectifs partagés est acceptable pour tous, elle peut même être enthousiasmante et provoquer des vocations. A la différence de la contrainte, la coopération se conjugue avec l’ambition.
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