Changement
Le temps du monde fini est commencé, il faut s’adapter à cette nouvelle donne. Comment provoquer le changement nécessaire à cette évolution, comment le favoriser et en faire un instrument de progrès ?
La recherche de futurs originaux porte à la fois sur des techniques et sur des comportements, des modes de vie. Ce sont les deux ensemble qui fonctionnent bien, les changements de comportements étant plus faciles à obtenir, plus « naturels » en quelque sorte, avec l’arrivée de nouveaux produits.
Le véhicule électrique, pour prendre un exemple, offre l’occasion de changer l’image de l’automobile, et de modifier les modes d’utilisation. Les véhicules de location rapide, tels Autolib, s’appuient sur cet espoir.
Il arrive souvent, malgré tout, qu’il faille faire évoluer les comportements sans qu’il n’y ait de nouveauté marquante dans la technique qui l’entraîne spontanément. Il y a alors deux grandes manières de faire, la réglementation et la peur du gendarme d’un côté, la persuasion et l’intériorisation progressive de nouvelles contraintes de l’autre. L’approche « réglementaire », et l’approche « culturelle ». Scrogneugneu, ou pédagogie. L’exemple de la sécurité routière offre une bonne illustration de ce choix.
Les deux options sont peu compatibles, du fait de la position du gendarme : au centre du dispositif dans un cas, ou à la marge, pour éviter que les brebis récalcitrantes ne s’éloignent d’un troupeau touché par la sagesse. L’approche pédagogique est plus longue à produire des résultats. Il faut trouver la bonne manière de formuler le message, les bons relais, et travailler dans la durée. Nous sommes tellement sollicités que, sans une bonne stratégie, et tenue dans la durée, la pédagogie restera inaudible, perdue dans un brouhaha général et de peu d’effets. Mais si elle est bien conçue, elle donne des résultats solides, qui s’inscrivent pour toujours dans les comportements. L’approche « gendarme » est plus rapide, plus expéditive. Elle n’est pas pour autant plus durable, en ce sens que ses résultats sont liés à un effort permanent qui doit être maintenu : baissez la garde et le fléau reprend instantanément de la vigueur. Dans un cas, la prudence est liée au sentiment du risque d’accident, dans l’autre à la peur du gendarme.
Il faut de la communication dans les deux cas, mais pas la même. La répression a besoin d’être légitimée. La communication portera alors sur le nombre de morts et la souffrance, elle adopte des atours de la morale, de la responsabilité. La « cible » est le grand public, l’opinion, et non pas la partie de la population des conducteurs à risque. Les radars et les amendes automatiques ont ainsi obtenus droit de cité. Une approche pédagogique s’adresse à des cibles précises, comme les jeunes conducteurs, ceux qui sont le plus exposés au risque par manque d’expérience, du fait du type de véhicule (plus vieux, moins bien entretenu, deux roues, etc.) et de leur comportement. Elle ne fait pas la morale, elle adopte des codes et des supports de communication appropriés : plus directs, plus valorisants, plus accrocheurs, inscrits dans l’univers de la « cible ».
Derrière ce choix stratégique, il y a un choix « philosophique ». Quelle confiance fait-on aux citoyens, à leur capacité à évoluer, à intégrer des contraintes nouvelles ?
Cette question se trouve dans bien d’autres domaines. La lutte contre l’effet de serre. Faut-il la rendre obligatoire artificiellement, par des règlements, des sanctions, des primes, la carotte et le bâton, ou favoriser une intégration d’ordre culturel aux comportements courants ? Par la valorisation d’une qualité globale des comportements et des équipements, voitures, logements, etc. Dans un cas, la puissance publique est condamnée à intervenir en continu et à y mettre les moyens. Dans l’autre, après une forte impulsion, le relai est pris par la société sous diverses formes, commerciales, porté par des entreprises, associatives, culturelles, etc. le réglementaire ne vient alors qu’en complément d’une évolution « sociétale », pour l’accompagner et la généraliser.
Les mauvaises langues diront que le choix de l’intervention lourde des pouvoirs publics, contraignante, découle du besoin de l’administration de tout contrôler. Favoriser une orientation sans l’encadrer trop précisément offre une latitude à la société civile. Elle s’adapte, choisit le cheminement qui lui semble le meilleur, combine plusieurs préoccupations, intègre le contexte. La réglementation a priori tente d’imposer une vision, celle des spécialistes, qui ont le défaut souvent de ne pas relativiser leurs exigences, de ne pas les fondre dans une vue plus large, plus proche du vécu.
On retrouve cette distinction à l’échelle des nations. La lutte contre le dérèglement climatique doit-elle faire l’objet d’accords contraignants, ou bien devenir une voie naturelle de progrès, une porte vers le troisième millénaire ? Le développement durable est un processus ouvert, ambitieux, de découverte et de construction du futur. Ambition et contrainte ne font pas bon ménage.
- Vues : 2699
Ajouter un Commentaire