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Gouvernance

Bidon


Terme souvent galvaudé, et mis à toutes les sauces, le développement durable perd parfois sa crédibilité. De là à trouver le concept "Bidon", il n'y a qqu'un pas vite franchi par certains...


Nous ne prendrons pas ce mot au sens littéral, celui d’un bidon de lait par exemple, mais au sens familier, où l’on considère une déclaration ou une décision comme « bidon », autrement dit « du pipo ! »

Car le développement durable, rapporté à la prose de Monsieur Jourdain, est parfois présenté comme un simple discours, sans intérêt sur le fond.

Il est vrai, que pour beaucoup, le développement durable est devenu un thème à la mode, auquel il est bon de faire référence, mais qui ne change rien dans la pratique. Pour certains défenseurs de l’environnement, de son aspect biologique notamment, le développement durable tend à intégrer leur préoccupation principale dans un ensemble plus vaste, avec un tas de dimensions à faire cohabiter, ce qui autoriserait, selon eux, à faire n’importe quoi. Et il est vrai que un des maîtres mot du développement durable est « intégration », et que l’intégration peut facilement se transformer en dilution, en compromis dont des valeurs essentielles seraient les victimes. Le voisinage du pot de fer et du pot de terre, on sait ce que ça donne.

Et pourtant, si l’écueil existe bien, il ne faut pas en avoir peur. Le monde est complexe, et il est impossible d’isoler une dimension, sans la mettre en péril à plus ou moins long terme. De même qu’il est impossible de négliger une dimension importante sans qu’elle ne se manifeste à un moment ou à un autre. Ce devoir ou nécessité d’intégration est parfaitement défini dans le principe 4 de la déclaration d Rio (1992) : « Pour parvenir à un développement durable, la protection de l'environnement doit faire partie intégrante du processus de développement et ne peut être considérée isolément. »

Le discours tiendrait donc, parfois, lieu d’actions, et le développement durable en serait une bonne illustration. Et bien chiche ! Le développement durable ne se décrète pas, comme beaucoup d’autres choses, mais il se construit progressivement, et collectivement. Et il n’y a pas de construction collective sans un beau discours mobilisateur. Tant pis s’il est opportuniste, il engage une dynamique.

On rapporte qu’une grande entreprise nationale avait lancé une politique environnementale pour répondre à une demande sociale, traduite dans les urnes par des scores écologistes favorables. La décision est partie d’en haut, de la direction générale, et a parfois été mal comprise de la base. Mais il a bien fallu s’exécuter, et adopter une nouvelle attitude vis à vis de l’environnement. Au premier fléchissement des scores écologistes, la direction a voulu revenir en arrière, et abandonner ces nouvelles pratiques, mais c’est alors la base qui a réagi : la dynamique était lancée, et ce qui n’était que de concessions de pure forme est devenu le point de départ d’une politique adoptée de fait par le gros des troupes. Le discours est bien souvent le début d’un mouvement, si celui-ci correspond à une attente, même exprimée avec beaucoup de maladresses. Il en est ainsi du développement durable, qui fait l’objet de nombreux abus, qui est parfois instrumentalisé, mais qui résiste malgré tout.

La présence de grands groupes industriels au sommet de Johannesburg, septembre 2002, a été parfois été prise pour une provocation, compte-tenu du rôle tenu par ces grands groupes dans la situation de la planète et des pays du Sud. Etait-ce du bidon ? Il y a à l’évidence une attitude de récupération, qui ne surprendra que les naïfs, mais aussi une prise de conscience de nouveaux enjeux pour ces sociétés. Quand on sait la relation forte qui existe, au sein d’une entreprise, entre les communications externes et internes, on ne peut douter que cette présence ne puisse déplacer certains équilibres. Il faudra du temps, il y a encore bien des résistances aux changements, et la question est plutôt celle du rythme des transformations face à la vitesse des dégradations de la planète.

Le discours, c’est aussi un engagement public. Les promesses n’engagent, dit-on, que ceux qui y croient, mais sortons du champ de la morale, et adoptons le parti de l’efficacité. Le discours est la base des démarches « qualité », l’engagement de la direction, première étape incontournable pour que les efforts des collaborateurs prennent un sens. Et ensuite on traduit ces engagements en actions que l’on décrit, ou plutôt que l’on écrit. « On écrit ce que l’on fait, et on fait ce que l’on a écrit », est la présentation synthétique des démarches qualité. Le défaut de cette présentation est que ça tourne facilement en rond si la qualité n’est pas orientée par un objectif d’ordre général, qui mobilise les troupes et donne son sens à l’action du groupe. Le développement durable est une sorte de démarche qualité, et le discours, même bidon au départ, n’est pas à négliger, car « faites semblant de croire, et bientôt vous croirez » !

 

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