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Gouvernance

49-3

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Que vient faire cet article constitutionnel dans une réflexion sur le développement durable ? Et bien nous sommes au cœur d’une question de fond, celle de la gouvernance, et de la prise de décision. Le 49-3 mérite bien un éclairage « DD ».

La bonne « gouvernance » est une des clés du développement durable, si l’on en croit les bons auteurs. Une gouvernance qui permet aux décideurs de poser les bonnes questions, et de faire en sorte que la société apporte les bonnes réponses. Celles-ci ne peuvent venir que des acteurs ordinaires de la vie économique et sociale, pour être réellement comprises et mises en pratique. Le rôle des décideurs et des responsables politiques n’est pas d’imposer une règle, mais de la faire émerger en sollicitant les bons interlocuteurs. Tout un art.
Le risque est de ne pas parvenir à ce qu’une règle commune s’impose de soi-même, que les acteurs, aux intérêts divergents, se neutralisent et qu’il n’en sorte rien d’opérationnel. L’écueil de la paralysie, face à celui, opposé, de la gouvernance autoritaire, voire du pouvoir solitaire. Comment échapper à ces deux pièges, la paralysie et l’autoritarisme ?
En ces temps pré électoraux, les propositions se multiplient. Pour certains, tout doit être dit avant les échéances, pour que le débat soit clair et qu’il n’y ait plus ensuite qu’à mettre en œuvre un programme. C’est aussi la fameuse théorie des cent jours, selon laquelle toutes les choses importantes doivent être réalisées en 100 jours, au cours de l’état de grâce des élus. Drôle de conception du rôle des députés. L’essentiel leur échapperait, et ils seraient confinés dans une fonction de chambre d’enregistrement.  Les « députés godillots », puisque l’élection d’un président vaut approbation de toutes ses propositions. Effectivement, dans cette perspective, la diminution du nombre de parlementaires s’impose. Ça ne fera que des « godillots » en moins.
La réduction de nombre de députés est une proposition en vogue, indépendamment de la théorie des 100 jours. Alors qu’il semble nécessaire de rapprocher la population des décideurs politiques, cette proposition semble paradoxale. Certes, donner aux parlementaires les moyens d’exercer leur fonction dans de bonnes conditions est une bonne idée, mais faut-il pour autant réduire le nombre de ces relais entre la vie quotidienne et le pouvoir central ? Nous sommes dans le même esprit que la fusion de communes et des régions. « Plus grand » serait mieux, ce qui signifie l’éloignement du pouvoir, dans des chef lieux plus puissants, au détriment des écarts et de la périphérie, qui se sentent abandonnés. Ce n’est pas le nombre de députés qui en jeu, mais leur manière de travailler, leur lien avec les électeurs, leur capacité d’écoute et de transmission de leur message aux pouvoirs exécutifs. Le fonctionnement des partis politiques est sous-jacent dans leur positionnement, avec la manière de d’accorder des investitures, leur proximité vis-à-vis des différents types de population, leur fonctionnement interne et leur manière de faire remonter les souhaits des uns et des autres. Les partis politiques sont en crise, dit-on, et c’est bien là qu’il faut porter la réflexion.
L’organisation de notre vie politique tourne autour de l’affrontement. Le débat consiste à opposer deux projets, au lieu de rechercher un projet commun, partagé du plus grand nombre. Cette dérive, présentée sous couvert de clarification, conduit à ce qui a été appelé la politique spectacle, avec une « classe politique » éloignée de la vie réelle. Toute idée de consensus est repoussée comme source de compromission. Le simple fait de nommer « opposition » les élus qui n’appartiennent pas à la majorité donne le ton. Une opposition est faite pour s’opposer, et non pour construire, comme si collaborer pour le bien commun était une trahison. Nous vivons sur l’illusion que 51% des électeurs peuvent imposer leur loi à toute la population. Bien sûr, il y a mille moyens de s’opposer, et l’absence de consensus provoque le blocage, ce qui conduit à l’affirmation que la France est allergique à toute réforme. Quand le conflit est érigé en système de gouvernement, ce n’est pas étonnant. Et ce n’est pas la multiplication des referendums qui arrangera les choses : les mesures imposées ne font que créer un malaise, un ressentiment qui se manifeste ensuite, sur les réformes à venir. A l’opposé de cette méthode de gouvernement, le forum, l’agora, la palabre, quelle que soit la référence, nous montrent les vertus du dialogue. Il faut malgré tout envisager le cas où l’accord ne parvient pas à se faire, du moins dans des délais raisonnables. Il faut alors sortir de l’impasse.
Nous voilà donc arrivés au 49-3. Une manière de siffler la fin de la récréation. Plus le dialogue est ouvert, plus la créativité des acteurs est sollicitée, plus il faut de procédure de sortie de crise. Pour nos députés, élus au scrutin majoritaire, au lendemain de l’élection présidentielle, et avec une forte influence des investitures des partis, la règle de fait est l’allégeance au président. Tout est fait pour cela, encore que non écrit. Notre régime reste parlementaire, et non présidentiel. Dans ces conditions, le 49-3 est un instrument destiné à dompter une « majorité » récalcitrante. C’est une sorte de gardien de cette présidentialisation de fait. Paradoxalement, le 49-3 serait bien plus légitime si l’Assemblée représentait la diversité des opinions et des composantes de la société française. Le foisonnement qui en résulterait pourrait conduire à la richesse des initiatives et de la vie politique, qui serait bienvenue, mais aussi au risque de paralysie. C’est dans cette circonstance que le 49-3 serait utile, et sans doute nécessaire. Dans le système verrouillé que nous connaissons, c’est juste une manifestation complémentaire de concentration des pouvoirs. Le malaise provient du fait que le 49-3 s’ajoute à un ensemble de dispositions tendant à donner tout pouvoir à l’exécutif.
Concluons cette note avec une comparaison éclairante : Le frein des voitures est d’autant plus nécessaire qu’elles sont puissantes, pour éviter les sorties de route. Le principe de précaution l’est aussi dans une période d’innovations intenses, pour tenter de maitriser les risques « graves et irréversibles ». Et le 49-3 le serait pour réguler un système parlementaire multicolore, pour bénéficier de la créativité sans souffrir de la paralysie.

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