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fondamentaux du DD

Kilomètres

Mesurer des quantités, comme un nombre de kilomètres parcourus, est facile. La mesure de la qualité, ou plutôt son évaluation, est plus complexe, mais c'est un impératif pour avancer vers le développement durable.

Une Publicité pour de l’essence nous affirme que l’on va parcourir plus de kilomètres avec un plein. Les essences ne se valent donc pas toutes, il y en a de plus efficaces que d’autres. Nous le savons bien, le problème des pétroliers est qu’ils vendent tous le même produit, et qu’ils ont le plus grand mal du monde à se différencier les uns des autres. La qualité du produit pourrait donc être une occasion de se distinguer, mais la qualité ne se mesure pas facilement. On remarquera que la publicité en question reste bien floue : on ne dit pas combien de kilomètres en plus, et il n’est donc pas possible de vérifier si l’opération est rentable : si je paye mon essence 3% de plus, il faut que je parcoure au moins 3% de kilomètres en plus avec la même quantité d’essence. La publicité reste discrète sur ce point, ce qui la rend bien peu crédible. Mais revenons à la question de la qualité, et de la difficulté à l’évaluer. C’est une question centrale pour le développement durable, car nous savons que la croissance quantitative conduit à l’impasse : la planète ne pourra satisfaire tous les besoins si ceux-ci se manifestent uniquement par une consommation accrue de matières premières, par des prélèvements supplémentaires sur les ressources, avec les rejets, des déchets, toujours en augmentation. La croissance peut-elle s’exprimer par la qualité ? par exemple, il est difficile, dans nos sociétés, de manger plus, mais peut-on manger mieux ? une nourriture plus équilibrée, plus saine, mieux cuisinée ? il n’y aurait pas plus de prélèvements, même plutôt moins avec une agriculture plus respectueuse de l’environnement, et on aurait une valeur ajoutée, une richesse créée, toujours en hausse du fait de la qualité des produits et du savoir faire du cuisinier.

La qualité a un grand défaut, elle ne se mesure pas avec un litre, ou une chaîne d’arpenteur. Elle s’apprécie en fonction des circonstances, de la culture des utilisateurs, de leur capacité à en tirer profit. L’usage est ainsi placé au cœur du débat, et c’est bien normal puisque, quel que soit le produit, c’est sur son utilité et sa capacité de répondre à une attente qu’il doit être jugé. Revenir à la qualité d’usage n’est pas spontané. Des raisonnements partiels viennent souvent troubler le jeu. Prenons l’exemple d’une construction. On parle souvent du « coût global », en associant le coût de la construction et celui du fonctionnement du bâtiment. Mais on oublie de parler de son utilité. On sait que la qualité des ambiances offertes aux employés d’un bureau peut faire varier leur productivité de plus de 10%, en intégrant les maladies du travail et l’absentéisme. Il y a là des sommes d’argent considérables, et bien plus importantes (au moins cinq fois) que le prix à payer pour un surplus de qualité. On change alors d’échelle. Au coût de l’équipement, on doit opposer sa valeur, marchande mais aussi d’usage. On sort alors d’une économie unijambiste, celle où l’on ne considère que les dépenses, pour retrouver l’équilibre sur deux jambes, avec d’un côté les dépenses, et de l’autre, en regard, les utilités, la valeur, les richesses créées. Une posture indispensable pour avancer sur la piste du développement durable.

Chronique mise en ligne le 23 mars 2006, revue le 18 février 2012

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