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fondamentaux du DD

Espoir

Aux ambitions du développement durable, certains opposent volontiers son coût. Bien sûr si on croit qu'il suffit de corriger, de réparer, de rajouter une couche. Pas du tout si l'on fait du développement durable, source d'espoir, l'instrument même du changement.

L’importance des émotions en géopolitique a été parfaitement décrite par Dominique MOÏSI (1), et elle se décline aussi en politique nationale.

L’étude du CREDOC (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie) que LeMoniteur.fr a présentée du 23 février dernier nous en donne une illustration frappante. Trois émotions constituent l’essentiel du paysage décrit par D. MOÏSI, l’espoir, l’humiliation, et la peur. Ce sont trois fils que l’on peut tirer, et auxquels sont attachés la plupart des sentiments collectifs, comme la confiance d’une population en elle-même. La confiance, un capital social déterminant. C’est lui qui communique sa dynamique à une société, lui donne des perspectives et contribue puissamment à la cohésion sociale tant recherchée. Comment participer à une construction collective, et forcément à des confrontations, si l’on n’a pas confiance en soi ? Nous avons tous besoin de figurer dignement dans notre milieu, notre micro société, face à nos voisins, nos collègues, nos partenaires, tous ceux que nous côtoyons régulièrement ou occasionnellement. Nous en avons besoin pour nous sentir crédibles, légitimes dans nos échanges, chacun avec son origine, sa culture, son expérience. A l’heure à la fois de la mondialisation, avec les brassages de populations qu’elle provoque, et du développement durable, avec l’innovation en tous genres qu’il exige, la confiance en soi est indispensable pour donner de l’espoir. Elle dépend de nombreux facteurs, et le CREDOC nous apprend l’importance du logement : l’habitation ne répond pas seulement à la fonction de se loger, c’est un marqueur social qui étaye les représentations que l’on a de sa position sociale. On pense aux « Quartiers », sensibles ou dégradés selon la manière dont on les nomme, et aux difficultés qu’ont leurs ressortissants pour assumer leur adresse lors d’un entretien d’embauche par exemple. Les « représentations » fonctionnent assurément dans les deux sens, dans la tête du candidat comme dans celle du recruteur. Le logement lui-même contribue aussi à la confiance en soi : vivre dans un logement dégradé nuit à l’image que l’on a de soi-même. Aux mauvaises conditions physiques, surpopulation, vétusté, manque d’entretien, confort et hygiène précaires, s’ajoute donc un volet psychologique sur fond d’humiliation. Une double peine, et surtout une double montagne à escalader pour « s’en sortir ».

Difficile de nourrir un espoir quand on ne bénéficie pas d’un logement décent. Le fameux adage « quand le bâtiment va, tout va » trouve une nouvelle signification, si on opère le glissement du bâtiment au logement.  Ce n’est pas qu’une affaire d’activité économique, c’est aussi un moteur de dynamique sociale ou même sociétale comme on dit aujourd’hui. C’est le moral des troupes, bien au-delà du bâtiment, qui est en jeu. La France connait une crise du logement, avec des retards dans la construction de logements neufs, et une faiblesse bien connue de politique de rénovation et de modernisation du parc existant. C’est un problème en soi, c’est aussi un frein pour les évolutions nécessaires de la société française, qui sont bien plus faciles à conduire quand chacun se trouve « bien dans sa peau ». Le développement durable exige une mobilisation de tous le corps social, compte-tenu des Défis à relever au cours des prochaines années. Il lui faudrait donc une population bien logée, et on est loin du compte. Bien pire, les prix se durcissent, toujours d’après le CREDOC. En 50 ans, le prix des loyers a été multiplié par 18, celui des charges par 26 et celui de l’immobilier par 55, pour un coefficient 10 sur les prix à la consommation. A ce rythme-là, nous ne sommes pas près de voir la crise du logement résolue, aussi bien en quantité qu’en qualité.

C’est dans ce contexte que tombe le Grenelle de l’Environnement. Le logement y trouve une place de choix, pour causes non pas sociales mais énergétiques. Les logements neufs devront être très vite hyper performants, les anciens seront rénovés thermiquement. Comment conjuguer ces ambitions, comment trouver les moyens à la fois humains, financiers et techniques de proposer au plus vite des logements de qualité, bien situés, bons pour le moral de leurs occupants, économes en énergie et accessibles à toutes les bourses ?

Le développement durable se révèle ainsi à la fois un objectif et le moyen d’y parvenir. Si l’on attend que nos concitoyens soient tous bien logés et aient ainsi retrouvé espoir et confiance en eux, le développement durable est bien mal parti. Il faut donc trouver dans le développement durable lui-même les ressources pour créer la dynamique et donner l’espoir. Le Grenelle s’inscrit à l’évidence dans cette logique, où le processus et le projet, le résultat attendu, sont intimement mêlés. Un découpage traditionnel, cartésien, avec diagramme PERT ou toutes autres méthodes normatives, risque de ne pas intégrer l’effet « surmultiplicateur » de l’espoir retrouvé. Il convient aujourd’hui, et le secteur de la construction pourrait apporter une contribution essentielle, de faire confiance aux acteurs, ce qui est une des manières de leur redonner confiance en eux. Une confiance exigeante, bien sûr, mais ouverte aux innovations, à la recherche de nouvelles formes d’habitat et de modes de vie.

Puisque l'amélioration des conditions de logement est un préalable à la mobilisation de tous les membres du corps social et qu’il y a peu de chances que l'on y parvienne rapidement, retournons la proposition : faisons de l'amélioration du logement un levier pour le développement durable.

(1) Dominique MOÏSI, La géopolitique de l’émotion, Flammarion, 2008. 

Chronique publiée sur Le Moniteur.fr le 1er mars 2010

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