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fondamentaux du DD

Caricature

Le développement durable doit être l'affaire de tous, et non celle de quelques sachants ou quelques gourous. La communication est à la base de cette gouvernance participative. Mais attention aux pièges qui conduisent à la faute. L'affaire des caricatures de Mahomet illustre ce danger.


Le prophète Mahomet a remis le mot caricature à la mode.

Le débat est vif pour savoir si les caricatures du prophète sont légitimes ou pas. Une bonne occasion d’appliquer une réflexion « développement durable » sur des sujets qui n’ont rien à voir avec l’environnement et la question des ressources. Profitons-en.

Le développement durable nous invite à aller au fond des choses, de s’intéresser à la finalité plutôt qu’aux épisodes ou aux évènements intermédiaires. Une piste pour sortir des contradictions « par le haut ». La contradiction est forte entre le souci de la liberté d’expression et le souci de pacifier les rapports entre communautés. Quel parti choisir ?

Quel est l’objectif poursuivi ? Lutter contre l’intégrisme et ses excès, semble-t-il. Développer l’esprit de laïcité et tenter de réduire ainsi la sphère du sacré à la vie personnelle ; pour la vie collective, favoriser l'émergence, par la négociation entre les citoyens, d'une sorte de « contrat social ». Si c’est bien cet objectif, on peut dire que c’est raté, puisque la publication et la reprise dans de nombreux pays de ces caricatures à exacerbé la sensibilité de nombreuses communautés, ce qui en général ne fait que renforcer leur désir de reconnaissance en tant que fidèles. Un accélérateur de l’intégrisme, pourrait-on craindre.

Ces caricatures pourraient paraître comparables à celles du Christ, nombreuses dans la presse occidentale, où les titres libres penseurs sont nombreux. Heurter la sensibilité des chrétiens dans un pays chrétien, avec les codes culturels bien connus de tous, est une chose. Toute autre est de brocarder une religion d’origine étrangère, celle d’une minorité dans le pays où ça se passe, avec le  risque d’une perception totalement décalée dans les pays où cette religion est dominante. La caricature apparaît alors comme une attaque d’un pays envers des communautés étrangères, chez soi et dans le monde.

Le principe de la liberté d’expression, de la liberté de la presse, est à la base de la démocratie, de la civilisation serait-on tenté de dire. Mais la civilisation n’impose-t-elle pas aussi le respect de l’autre ? Tout acte de communication implique deux acteurs, l’émetteur et le récepteur, et ce qui compte est plus le message perçu que le message envoyé. A qui s'adressent ces caricatures, aux proches de leurs auteurs, ou aux musulmans ? Qui fait-on rire avec ces caricatures ? Des musulmans se moquant de leur religion dans leur pays méritent incontestablement d’être soutenus. C’est leur combat, il est légitime. Mais ce qui s’est passé est d’une toute autre nature, car l’attaque est perçue comme la manifestation du mépris d’un groupe, les occidentaux, vis à vis d’autres populations. Leurs repères culturels sont trop différents pour que l’on puisse imaginer une seconde qu’ils comprennent l’humour et la dérision dont l’auteur du dessin et son éditeur ont voulu faire preuve. Le résultat d’une application brutale du principe de liberté de la presse, dans ce cas précis, va d’une part à l’encontre des objectifs visés – réduire l’influence de l’intégrisme -, et d’autre part creuse un fossé entre communautés. Beau résultat, « toujours en vertu des grands principes » pour citer la chanson de Guy Béard. L'évocation de la liberté de la presse confine ici à la liberté de se faire plaisir, pourquoi pas, si elle dans les faits ça ne se traduit pas par la liberté de marquer des buts contre son camp, contre la Tolérance.

Le recours aux grands principes est alors une fausse bonne idée. Dans son célèbre traité sur l’art de la guerre, Sun Tzu nous dit que chaque jour, chaque occasion, chaque circonstance demande une application particulière des grands principes. Leur application brutale et rigide mène à des impasses. Les grands principes appliqués aveuglément ne conduisent-ils pas eux aussi à une sorte d’intégrisme ? 

Chronique publiée le 3 février 2006, revue le 23 septembre 2010

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