Capitalisation
S’agissant des retraites, capitalisation est un gros mot. Ce serait le contraire de la solidarité, le chacun pour soi. Pourtant d’un point de vue macroéconomique, nous sommes toujours dans la répartition. Les retraités et les actifs se répartissent la richesse produite une année donnée, pour leurs consommations courantes. La « capitalisation » ne concerne que la manière dont chacun acquière des droits de tirage dans cette répartition générale. Mais dans le système dit de « répartition » la clé de cette répartition se constitue en accumulant des droits liés aux cotisations versées. Les gros salaires cotisent plus, et bénéficient de retraites plus importantes, itou pour les retraites complémentaires. Ce n’est pas formellement de la capitalisation, mais ça ressemble quand même à un retour d’investissement. Les modalités sont différentes, avec un encadrement pour la « répartition », mais le principe est le même, et les retraites redistribuées passent toutes au filtre de la situation économique du moment où elles sont versées.
Voyons la capitalisation sous un autre angle. Peut-elle être collective, et concerner toute la société d’un pays, voire de l’humanité ? Peut-on capitaliser au sens d’augmenter durablement notre capacité à produire ? Il semblerait que nous soyons plutôt sur le chemin inverse, la capacité de production de la planète Terre est en régression. Le jour du dépassement, à partir duquel nous consommons plus que ce que la Terre produit en un an, ne cesse de se rapprocher. A l’échelle de la planète, c’est le 19 juillet pour l’année 2019, à mettre en regard du 30 septembre 20 ans avant, en 1998. Pour le France, la date fatidique était cette année le 14 mai. Certains disent qu’au-delà on vit à crédit, mais il est plus juste de dire que l’on consomme notre capital une fois que le revenu de l’année est dépensé. C’est une décapitalisation qui est en cours, alors que le nombre d’humains et leurs besoins ne cesse de s’accroître et qu’il faudrait, à l’inverse, augmenter notre capital pour faire face à cette évolution.
Est-il possible de courir deux lièvres à la fois, répondre aux exigences montantes de l’humanité et en même temps accroître notre capital productif ? Pour ce qui est de l’alimentation, il semble que oui, si l’on en croit les tenants de l’agroécologie. Une production intensive et une régénération de la biodiversité et des sols est possible. L’agroécologie peut nous sauver ! Ajoutons de nouveaux modes de consommation, plus de légumineuses et moins de viande pour faire court, et une lutte contre toutes les formes de perte de produits alimentaires, et des solutions sont à notre portée si nous nous en donnons les moyens. Beaucoup de formation, car ce sont de nouvelles méthodes de production, qui ne s’improvisent pas, et un accompagnement au changement d’habitudes. Notre consommation de légumes secs a été divisée par 10 en un siècle, elle pourrait remonter si des recettes alléchantes revenaient à la mode ! (1)
Autre manière de capitaliser, la formation. Accroître les capacités humaines, mobiliser le génie des nombreuses cultures à la surface de la planète. Former aux meilleures manières de « faire avec » la nature pour répondre aux besoins de l’humanité. La nature est une source inépuisable (c’est une expression qui pourrait bien, si l’on n’y prend garde, devenir obsolète) d’innovations. Le biomimétisme est plein de promesses à cet égard. Il faudrait pour cela arrêter d’orienter nos meilleurs cerveaux vers la recherche et l’exploitation de ressources fossiles productrices de gaz à effet de serre. L’ingénierie de demain concernera plus la manière de valoriser au maximum les ressources disponibles que la recherche de nouveaux gisements.
Capitalisation, à savoir accumulation de capital, n’est donc pas à rejeter, selon la manière dont on l’entend. Elle est même souhaitable pour le capital de l’humanité, une approche anthropocentrique parfaitement en phase avec les intérêts de la planète.
1 - Voir à ce sujet Savez-vous goûter les légumes secs ?
Photo Tim Evans, Unsplash
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