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fondamentaux du DD

Bisounours

Décrivez un monde idéal, et vous serez renvoyé aux bisounours par tous les gens sérieux, réalistes, ceux qui savent. Difficile dans ces conditions de proposer des perspectives originales, qui offrent des pistes de sortie de crise.

Les bisounours sont-ils devenus une ligne de défense ? Une ligne Maginot derrière laquelle s’abritent tous les esprits forts, les responsables, ceux qui nous ont, en définitive, entraîné vers les errements d’où nous essayons de sortir. Dès que vous suggérez que l’on pourrait faire converger l’intérêt collectif et celui des acteurs individuels, vous êtes renvoyé au monde des bisounours. Tu es bien gentil, mais c’est dans tes rêves ! Une réaction pas vraiment disruptive, pour être à la mode. Une bonne manière de dire « on ne peut pas faire autrement », mais avec l’assurance et l’autorité de quelqu’un qui a vécu, et non l’embarras d’un conservateur qui a peur du changement.
Et pourtant, il est établi par de grandes institutions ou des experts reconnus que l’intérêt économique et les valeurs dites éthiques ne sont pas incompatibles, loin de là. Cela fait plus de 10 ans, déjà, que nous savons que la lutte contre le changement climatique est une bonne affaire : elle coûte bien moins cher que les dégâts qu’il provoque chaque année, et qui seront de plus en plus lourds. C’est un ancien chef économiste de la banque mondiale, Nicholas Stern, qui nous le dit, dans un rapport commandé par le gouvernement du Royaume Uni et publié en 2006. Ajoutons que le coût de l’action pourrait s’avérer productif en soi, du fait des progrès qu’elle provoquerait et qui pourraient être valorisés en plus de son effet sur le climat. Du gagnant-gagnant en perspective, faut-il encore y croire et s’engager dans cette voie.
Restons dans les piliers du développement durable. Après l’environnement, le social. Et bien là encore, la croissance économique y trouve son compte. C’est l’OCDE qui nous l’affirme, dans ses travaux sur les inégalités : « toute progression de 1 % des inégalités induit une baisse de 0,6 à 1,1 % du PIB » (1). Malgré les appels de l’OCDE en faveur d’une croissance inclusive, où tous les acteurs sont gagnants et où il n’y a pas de laissés pour compte, les inégalités qui ne cessent de s’amplifier constituent un frein à la croissance. Sans doute encore une affaire de bisounours. Dans le même ordre d’idées, les discriminations. Hélas trop répandues et contraire à une éthique républicaine et humaniste, elles coûtent très cher, elles aussi. C’est France Stratégie qui l’affirme dans un rapport de septembre 2016 : « Entorse au principe républicain d’égalité des chances, les discriminations sont aussi un manque à gagner économique. Et la facture est lourde. Le coût des seules inégalités d’accès à l’emploi et aux postes qualifiés s’élèverait à 150 milliards d’euros ». Les bonnes intentions et le « politiquement correct » ne sont dons pas uniquement une lubie de bisounours, mais une orientation économique pleine de promesses.
Vous connaissez le dessin classique de représentation du développement durable, avec les trois cercles pour l’environnement, l’économique et le social. Le développement durable se cantonne à l’intersection des 3 cercles, parfois bien réduite par rapport à la surface de chaque cercle. Dans la pratique, rien ne dit que les cercles ne puissent pas se superposer largement. Les intérêts des trois dimensions sont souvent convergents. C’est sans doute une frilosité ou un manque de confiance en l’avenir qui laisse penser qu’elles sont en opposition, et que le recoupement est étroit. Les exemples cités ci-dessus montrent clairement que les trois types d’intérêt sont liés, et que ce sont des dysfonctionnements qui les font s’opposer. Le développement durable consisterait donc, dans un premier temps, à remettre un peu d’ordre dans nos institutions et nos régulations, de manière à ce que la nature reprenne ses droits et que la convergence économie-environnement-social puisse se faire et profiter à l’ensemble. Encore faut-il y croire, et accepter d’entrer dans le monde des bisounours.


1 - Croissance et inégalités : une relation étroite, Orsetta Causa, Alain de Serres et Nicolas Ruiz, Juin 2017.
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