Abeille
L'abeille est une vedette du développement durable : un insecte qui fait le travail pour nous, et qui ne demande qu'une chose, qu'on le laisse faire. Et pourtant, elle semble bien mal menée...
« Si les abeilles venaient à disparaître, l'humanité n'aurait plus que quatre années devant elle », aurait dit Albert Einstein. Nous avons donc du souci à se faire.
Les chiffres sont alarmants, et surtout ils viennent de toutes les régions de la planète, Europe, mais aussi Amérique et Asie. L’abeille est en danger, et avec elle toute la production des arbres et des plantes qui ont besoin de pollinisation. Et pourtant, elles sont nombreuses et diverses. 20 000 espèces d’abeilles dans le monde, 850 en France, qui contribuent à la survie et à l’évolution de plus de 80 % des espèces végétales. La mortalité des colonies d’abeilles domestiques, celles dont nous tirons notre miel, n’est qu’un aspect d’un phénomène plus large, dont on a retenu 4 familles de causes identifiées, les prédateurs et autres parasites, les excès de la chimie, l’uniformisation des territoires liées aux pratiques agricoles intensives, de mauvaises pratiques des apiculteurs, qui s’ajoutent bien sûr à la grande famille des causes inconnues(1).Comment faire, dans ces conditions, pour endiguer ce fléau ? Il y a l’amélioration des pratiques des agriculteurs et des apiculteurs, et vous vous souvenez sans doute des polémiques sur le gaucho, insecticide suspecté des pires effets sur les abeilles. Mais il y a beaucoup d’espaces interstitiels, qui permettent d’introduire de la diversité dans le paysage et d'enrichir le « bol alimentaire » des insectes. Les jardins publics, par exemple, et nous avons vu dans la chronique miel que la ville devenait un refuge pour les abeilles. Il y a aussi le bord des routes, les bas-côtés, les fossés. Et quand on crée une route, il arrive que l’on doive acheter bien plus que la surface strictement nécessaire. Ce sont des « délaissés verts », des terrains qui accompagnent la route, et qui sont plutôt une charge, car il faut les entretenir. A titre d’illustration, le département des Côtes d’Armor dispose de 7000 ha de ces délaissés verts, ce qui représente 1% de la surface totale du département. Que ne ferait-on pas avec 1% de marge de manœuvre, sur des espaces non affectés ! Et on pourrait y ajouter les délaissés des voies nationales et communales, ça va finir par faire un bon paquet.
Au total, les accotements routiers représentent des surfaces considérables, des linéaires qui se faufilent dans le territoire et créent du lien. C’est la vocation des routes, de faciliter la mobilité, et c’est celle des bas-côtés de permettre à une nature sauvage de trouver le gîte, le couvert, et les cheminements qui permettent de se régénérer. On a mis du temps à s’en rendre compte. Pendant longtemps, on fauchait ras les bas-côtés, sans se soucier des plantes ou des animaux qui les peuplaient. Des couvées étaient dispersées, des ensemencements spontanés étaient compromis. Depuis quelques années, les choses ont évolué. On évite de faucher à certaines saisons, on essaye de ne pas nuire à la vie sauvage qui se niche dans ces espaces secondaires, qui accompagnent les routes. Les sociétés d’autoroutes ont fait leur publicité en mettant l’accent sur le rôle de « corridor biologique » que jouent les talus qui longent leurs ouvrages.
Une nouvelle étape sera franchie en 2010, année de la biodiversité. Les routes nationales vont donner l’exemple. 12000 km au total, ça fait un bon paquet, et si les collectivités suivent, les départements et les communes, ça peut fairee beaucoup. Au total, notre réseau routier approche du million de kilomètres, ça en fait des accotements à utiliser pour la nature !
Mais soyons patients, commençons par voir ce que ça donne sur un échantillon. L’expérience sera lancée sur 250 km, en 2010. Au printemps, des végétaux mellifères seront semés le long de ces routes, pour offrir aux abeilles de nouvelles ressources alimentaires. Le retour de la diversité des fleurs, mise à mal par la monoculture et les herbicides. Le communiqué de lancement précise que « cette expérimentation, qui associe services de l’Etat et spécialistes de l’apiculture au travers de l’association « réseau biodiversité pour les abeilles », sera évaluée pendant trois ans ».
Saluons l’initiative en espérant qu’elle suffira à faire revivre les abeilles et qu'elle ne s'arrêtera pas à l'expérimentation. Un bon exemple de la recherche de l’intensité, plus de services rendus par un même équipement, sans prélèvement supplémentaire et même avec un enrichissement du milieu. Cherchons un peu, je suis convaincu qu’il y a dans nos territoires, de quantités d’interstices à valoriser, au plus grand profit des hommes et de la nature.
1 - Mortalités, effondrements et affaiblissements des colonies d’abeilles AFSSA, agence française de sécurité sanitaire des aliments, Novembre 2008 – Actualisé avril 2009 -
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