Intermittent
L’intermittence nous gêne, elle ressemble à l’irrégularité, que nous avons du mal à accepter dans nos sociétés sophistiquées. Ses défauts peuvent toutefois être corrigés, et il lui arrive d’être fort utile
Nous ne parlerons pas ici de spectacle, mais d’énergies. D’énergies renouvelables, éoliennes ou solaires notamment, produites en fonction du vent et soleil. On leur reproche souvent leur caractère intermittent, leur dépendance à la luminosité, à la force des vents.
Notons tout d’abord qu’il y a d’autres sources d’énergie renouvelables non intermittentes, et pilotables selon les besoins, l’hydraulique, la biomasse, la géothermie, ou dont le cycle de production est connu comme les marées et les courants marins. La question de l’intermittence a été l’objet de recherches depuis longtemps, et une étude allemande (Kombikraftwerk I) a montré dès 2007 qu’il était possible d’assurer une production d’électricité 100% renouvelable pour chaque heure de l’année, malgré l’intermittence. Le secret ? Combiner des sources d’énergie complémentaires. L’idée est alors née de créer des centrales virtuelles, qui recueillent l’électricité de nombreux producteurs, éolien ou photovoltaïque, étendu par la suite au biogaz et la petite hydraulique, pour l’injecter sur le réseau comme le ferait une centrale traditionnelle. Par la suite, une étude européenne dénommée REstable (Allemagne, France et Portugal) sur la base de tests en temps réel a montré que la centrale virtuelle ainsi imaginée offrait une qualité de service (tension et fréquence) comparable aux autres centrales. On peut y ajouter des capacités de stockage et de restitution, pour mieux ajuster l’offre et la demande d’électricité, tenir compte des prix instantanés de l’électricité et optimiser la vente de la production. Une centrale virtuelle peut ainsi regrouper quelques dizaines à quelques milliers d’installations, et jouer un rôle d’agrégateur sur le marché de l’électricité.
La centrale peut même être amenée à piloter elle-même les installations pour répondre à la demande, et notamment éviter de produire quand le réseau est saturé et que le prix du kWh sur le marché est négatif. La technique utilisée relève plus du pilotage à distance, à base d’électronique, pour maintenir l’équilibre du réseau, sachant que les temps de réponse doivent être très courts pour éviter toute coupure ou surchauffe. Un mariage, donc, des technologies du numérique et de celles de l’énergie, ou plutôt des énergies.
Une autre approche aurait été de s’adapter à l’intermittence. Nous le faisons avec les jours et les nuits, même si la mondialisation nous conduit à des dispositifs 24/24, à l’écoute permanente du monde. Nous le faisons avec les saisons, même si nous essayons de nous en affranchir en mangeant des fraises en hiver. Les pêcheurs en mer le font depuis toujours avec les marées. Être tributaire des évènements naturels est-il si insupportable qu’il faille les maîtriser à tout prix ? Il y a sans doute d’autres types de réponse à rechercher dans l’organisation de nos modes de vie et de production, en acceptant les fluctuations des dons de la nature plutôt qu’en les normalisant. Le modèle agricole traditionnel nous donne quelques pistes, comme la diversification des productions ou l’adaptation des horaires, une organisation sur des cycles naturels, des assurances pour les situations les plus difficiles, etc. La modulation des tarifs de l’électricité est une autre illustration de cet effort d’adaptation, tout comme les délestages quand la demande est trop forte, ou les interruptions d’activité en cas de pollution atmosphérique par exemple.
La gestion du temps est d’actualité avec l’âge de départ à la retraite. Le temps sur la vie entière, sur l’année, sur la journée. La régularité et l’uniformité semblent être des principes de référence, et ils ne sont guère discutés. Construire un monde nouveau devrait nous conduire à ouvrir le débat. Gérer les intermittences pour les effacer est une option, mais serait-il possible, aussi, de chercher à en tirer profit ? Revenons aux marées. Une force avec laquelle il a bien fallu composer, et qui a été valorisée ici et là, avec des pêcheries ou des moulins et bien d’autres choses. Les marées régulent l’accès aux ports, et les protège aussi d’agressions. Eugène Freyssinet, l’inventeur du béton précontraint, les a utilisées pour construire le pont à l’embouchure de l’Elorn dans le Finistère. L’immense coffrage nécessaire pour construire les arches a été enlevé et déplacé avec l’aide des marées. Un exploit technique à l’époque (1928).
D’une manière générale, les forces de la nature sont considérables, mais irrégulières. Nous avons choisi de les réguler, quitte à en perdre la puissance. Une autre option serait de s’organiser pour en profiter à plein, avec le cas échéant des capacités de stockage ou en jouant sur l’inertie des phénomènes. Faire avec l’intermittence ou la combattre. La réponse est sans doute variable selon les domaines et les techniques disponibles. L’intelligence artificielle, nouvelle venue dans nos panoplies, peut amener à changer de position. Domestiquer la nature ou en cueillir les fruits spontanés, vieille question qui mérite d’être déclinée pour la ressource « temps ».
Nous ne parlerons pas ici de spectacle, mais d’énergies. D’énergies renouvelables, éoliennes ou solaires notamment, produites en fonction du vent et soleil. On leur reproche souvent leur caractère intermittent, leur dépendance à la luminosité, à la force des vents.
Notons tout d’abord qu’il y a d’autres sources d’énergie renouvelables non intermittentes, et pilotables selon les besoins, l’hydraulique, la biomasse, la géothermie, ou dont le cycle de production est connu comme les marées et les courants marins. La question de l’intermittence a été l’objet de recherches depuis longtemps, et une étude allemande (Kombikraftwerk I) a montré dès 2007 qu’il était possible d’assurer une production d’électricité 100% renouvelable pour chaque heure de l’année, malgré l’intermittence. Le secret ? Combiner des sources d’énergie complémentaires. L’idée est alors née de créer des centrales virtuelles, qui recueillent l’électricité de nombreux producteurs, éolien ou photovoltaïque, étendu par la suite au biogaz et la petite hydraulique, pour l’injecter sur le réseau comme le ferait une centrale traditionnelle. Par la suite, une étude européenne dénommée REstable (Allemagne, France et Portugal) sur la base de tests en temps réel a montré que la centrale virtuelle ainsi imaginée offrait une qualité de service (tension et fréquence) comparable aux autres centrales. On peut y ajouter des capacités de stockage et de restitution, pour mieux ajuster l’offre et la demande d’électricité, tenir compte des prix instantanés de l’électricité et optimiser la vente de la production. Une centrale virtuelle peut ainsi regrouper quelques dizaines à quelques milliers d’installations, et jouer un rôle d’agrégateur sur le marché de l’électricité.
La centrale peut même être amenée à piloter elle-même les installations pour répondre à la demande, et notamment éviter de produire quand le réseau est saturé et que le prix du kWh sur le marché est négatif. La technique utilisée relève plus du pilotage à distance, à base d’électronique, pour maintenir l’équilibre du réseau, sachant que les temps de réponse doivent être très courts pour éviter toute coupure ou surchauffe. Un mariage, donc, des technologies du numérique et de celles de l’énergie, ou plutôt des énergies.
Une autre approche aurait été de s’adapter à l’intermittence. Nous le faisons avec les jours et les nuits, même si la mondialisation nous conduit à des dispositifs 24/24, à l’écoute permanente du monde. Nous le faisons avec les saisons, même si nous essayons de nous en affranchir en mangeant des fraises en hiver. Les pêcheurs en mer le font depuis toujours avec les marées. Être tributaire des évènements naturels est-il si insupportable qu’il faille les maîtriser à tout prix ? Il y a sans doute d’autres types de réponse à rechercher dans l’organisation de nos modes de vie et de production, en acceptant les fluctuations des dons de la nature plutôt qu’en les normalisant. Le modèle agricole traditionnel nous donne quelques pistes, comme la diversification des productions ou l’adaptation des horaires, une organisation sur des cycles naturels, des assurances pour les situations les plus difficiles, etc. La modulation des tarifs de l’électricité est une autre illustration de cet effort d’adaptation, tout comme les délestages quand la demande est trop forte, ou les interruptions d’activité en cas de pollution atmosphérique par exemple.
La gestion du temps est d’actualité avec l’âge de départ à la retraite. Le temps sur la vie entière, sur l’année, sur la journée. La régularité et l’uniformité semblent être des principes de référence, et ils ne sont guère discutés. Construire un monde nouveau devrait nous conduire à ouvrir le débat. Gérer les intermittences pour les effacer est une option, mais serait-il possible, aussi, de chercher à en tirer profit ? Revenons aux marées. Une force avec laquelle il a bien fallu composer, et qui a été valorisée ici et là, avec des pêcheries ou des moulins et bien d’autres choses. Les marées régulent l’accès aux ports, et les protège aussi d’agressions. Eugène Freyssinet, l’inventeur du béton précontraint, les a utilisées pour construire le pont à l’embouchure de l’Elorn dans le Finistère. L’immense coffrage nécessaire pour construire les arches a été enlevé et déplacé avec l’aide des marées. Un exploit technique à l’époque (1928).
D’une manière générale, les forces de la nature sont considérables, mais irrégulières. Nous avons choisi de les réguler, quitte à en perdre la puissance. Une autre option serait de s’organiser pour en profiter à plein, avec le cas échéant des capacités de stockage ou en jouant sur l’inertie des phénomènes. Faire avec l’intermittence ou la combattre. La réponse est sans doute variable selon les domaines et les techniques disponibles. L’intelligence artificielle, nouvelle venue dans nos panoplies, peut amener à changer de position. Domestiquer la nature ou en cueillir les fruits spontanés, vieille question qui mérite d’être déclinée pour la ressource « temps ».
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