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Culture, valeurs

Zen

Il en faut, de la sérénité, du détachement par rapport aux valeurs dominantes de ce monde pour imaginer un monde différent, qui nous apprte autant de satisfactions sans prélever autant de ressources. Une attitude Zen.

Rester zen, voilà la clé du succès. La sérénité avant toute chose. Moins d’envie, c’est la richesse !

Pourquoi pas, il faut être prêt à affronter de grands retournements, car faire une valeur sociale de la pauvreté ne s’improvise pas, surtout en période de fêtes, où les tentations sont multiples, et où les commerçants tentent de finir l’année en beauté, de compenser les pertes qu’ils ont subies du fait de la crise.

Encore faut-il que cette attitude soit valorisée, si l’on veut qu’elle soit adoptée par le plus grand nombre. Si le développement durable est réservé aux ascètes et aux moines, quelle que soit leur obédience, la planète est mal partie. Il faut rendre la vertu attractive, et adopter pour cela les codes de communication de ceux auxquels on s’adresse. Comme d’habitude, il faut entrer dans leur univers.

Ce n’est pas chose simple, et la campagne de sécurité routière en cours fin 2008 à Paris illustre bien la difficulté de l’exercice. Il s’agit d’alerter l’opinion sur l’importance des accidents à Paris, piétons, deux roues, voitures. Une campagne précédente montrait du doigt les méfaits de la vitesse excessive, notamment pour les deux roues. Nous restons dans le même registre, l’alerte, l’appel à la responsabilité, avec des images montrant l’accident et les victimes. Tout ça est plein de bonne volonté, mais si les commanditaires de ces campagnes croient toucher leur cible, ils ont du souci à se faire. A moins que leurs cibles soient les personnes mures, en principe assagies par les épreuves et le poids des années. Car c’est bien à ces gens là que la campagne s’adresse dans les faits, pas du tout aux jeunes, premiers concernés par les accidents, et parfaitement insensibles à ce type de message. Tout se passe comme si les commanditaires de ces campagnes s’adressaient à leurs pairs, pour ne pas dire à eux-mêmes, avec leur système de référence. Pour faire changer de comportement, il faut bien sûr montrer les enjeux, et justifier ainsi les sanctions et la répression. Celle-ci contribue à la prévention. Mais il faut surtout faire adhérer la cible à un autre système de valeur que la vitesse et le vroum vroum, ce qui est bien difficile dans un monde qui porte aux nues la puissance et l’esprit de compétition. Comment épater le copain, comment attirer l’attention des filles, tel est le principal sujet de préoccupation des jeunes gens sur leurs mobs ou autre scooter. La peur de l’accident ne fonctionne pas, et tous les experts le savent bien. Les campagnes rabat-joie ne changent pas la perception profonde des phénomènes et ne conduisent pas au changement qui irait avec, elles ne permettent que de justifier la répression, ce qui est nécessaire mais fragile et bien insuffisant.

Entrer dans l’univers de ceux à qui l’on parle demande un effort, mais qui a de fortes chances d’être récompensé. Ça vaut le coup de se demander quel comportement proposer aux jeunes, qui soit à la fois valorisant, propre à leur attirer des succès en tous genre, notamment amoureux, et qui ne soit pas dangereux, qui préserve leurs chances d’intégrité physique. La compagnie pétrolière Shell qui avait fait sa publicité sur le thème des nouveaux conducteurs, du temps déjà ancien des nouveaux philosophes, avait juste suivi cette logique pour fidéliser ses clients. Faire adhérer à un modèle valorisant marche mieux que de faire peur avec des images fortes mais immédiatement rejetées. Et nos amis publicitaires, dont on dit parfois du mal quand ils poussent à la consommation, savent parfaitement aborder ce genre de challenge.

Il y a des héros connus pour leur nonchalance, ou le fait qu’ils ne se pressent jamais, comme Zorro, le grand Zorro, qui arrive sans se presser comme chacun sait. Ce n’est pas le premier arrivé qui emballe les filles, lui qui transpire, se montre nerveux, mais le dernier, tranquille, zen, qui domine la situation mine de rien. C’est le jamais pressé qui finit par gagner, qu’on se le dise dans les collèges et les lycées. Une Force tranquille, en quelques sorte. Ces quelques idées ne sont bien sûr que des pistes de réflexion, il ne faut pas être naïf et ignorer les discours tenus sur la performance, la prise de risque, présentées le plus souvent comme des valeurs absolues, alors qu’elles n’ont de sens que mises en perspective, par rapport à des enjeux et des objectifs. Ces pistes, comme toutes celles qui pourraient être formulées dans le même esprit, doivent être mises en scène, tout cela ne s’improvise pas, il faut du professionnalisme.

En matière de développement durable, les messages sont, là encore, formulés pour les proches de ceux qui les formulent, les militants parlent aux militants, ou du moins aux personnes sensibles à l’intérêt collectif, alors que ce sont Les autres qu’il faut retourner. Il est hélas facile d’inquiéter, la planète ne se porte pas bien, mais est-ce là l’objectif, d’autant plus que dans ce domaine la répression ne s’exerce pas comme sur la route ? Il faut faire adhérer à la sobriété, au sens de l’économie que nos sociétés ont abandonné il y a à peine une génération. Sacré défi, qui demande un véritable effort de communication, car ce ne sont pas les experts ni les militants qui rendront durable le développement, ou du moins pas eux tout seuls. La prise de conscience progresse, mais tarde à se transformer en actes, à grande échelle. Elle est facilement remise en cause quand la crise conduit à un repli sur les valeurs "sures", celles d’hier qui vont à l’opposé du développement durable.

Il faut donc travailler pour vendre le Zen, l’attitude de détachement et de force intérieure au lieu du toujours plus. Nous n’y parviendrons pas sans une solide stratégie, et une remise en cause des discours bien pensant traditionnels. Il nous faut rendre attractif le fait d’aller vers un monde différent de celui de nos parents, de découvrir de nouveaux plaisirs qui remplaceront agréablement ceux que nous ne pouvons plus nous offrir. Joyeux Noël !

Chronique mise en ligne le 25 décembre 2008, dans vos souliers !

 

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