Clameur
J'ai entendu ce mot il y a quelques jours à la radio. Il s'agissait du prix d'Amérique, et la clameur accueillait les concurrents. Belle image, pleine de sonorités, mais quel rapport avec le développement durable ?
Les courses de chevaux sont elles durables ?
Il ne s'agit pas que des courses de chevaux, mais de spectacles, sportifs notamment.
Les clameurs des JO et les médailles françaises m'incitent à vous proposer ce mot aujourd'hui : clameur, produite par une manifestation. Que cherchons nous en allant aux courses, ou voir une descente olympique de ski, un match de football, ou encore en allant au musée, au cinéma, au théâtre, à l'opéra ? Ce sont des émotions. Elles ne sont pas toujours au rendez-vous, et alors on est déçu. Ca ne s'improvise pas. Mais les émotions constituent l'essence même de la vie, et les consommations matérielles ne sont qu'une tentative classique pour les obtenir. Une voiture pour aller plus vite, un vol en avion pour un week-end, des jouets de plus en plus nombreux et sophistiqués pour les enfants, avec des piles, bien sûr, autant de consommations qui pèsent lourd sur les ressources de la planète, qui font du bruit, produisent des déchets, parfois toxiques, émettent des gaz à effet de serre, et compromettent les chances de développement des pays les plus pauvres. C'est le fameux « toujours plus » qui permet de se différencier de son voisin, ou alors c'est un besoin d'imitation pour montrer que l'on est conforme aux canons d'une société, que l'on est comme Les autres. Quand on manque des biens les plus élémentaires, cette recherche de plus de consommations est bien normale. C'est plus embêtant quand on parvient à un certain niveau. On n'arrive pas toujours à modifier cet objectif, à lui substituer d'autres ambitions, et on continue à chercher à accroître la quantité de biens à consommer. Le développement indéfinis de biens matériels n'est pas durable. Il faut détourner cette boulimie, héritée de la peur de manquer, vers des consommations moins prédatrices en ressources, moins pénalisantes pour l'environnement, plus acceptables socialement. Ce sont les consommations immatérielles.
Il y a plusieurs manières de dématérialiser la consommation. Il y a la manière technique, qui consiste à trouver des procédés de fabrication moins gourmands en énergie et en matières premières. C'est un design d'un nouveau genre, celui des choses légères, pour reprendre le titre d'un ouvrage de Thierry Kazazian(1). C'est aussi en remplaçant de la matière première par du travail ou du savoir faire, de l'efficacité : pour prendre un exemple simple, on a pu observer qu'une personne dédiée à la lutte contre les Fuites d'eau, sur un grand patrimoine immobilier, faisait faire une économie de quatre fois son salaire sur la facture d'eau. On a remplacé une ressource naturelle dépensée en pure perte par du travail humain, et avec une bonne rentabilité financière. Voilà qui « dématérialise » l'économie ! Et puis, il y a les consommations purement immatérielles, ou si peu matérielles, comme les spectacles de toutes nature. Ou presque : il faut méfier de certains, qui donnent une image très flatteuse de comportements très néfastes. Les courses automobiles ne donnent-elles pas envie d'aller toujours plus vite, ne sont-elles pas une incitation à la puissance, à bousculer tout le monde pour obtenir la pôle position ? Des spectacles peuvent aussi promouvoir des modes de vie, créer des modes dont la planète se passerait volontiers. Mais les créations culturelles sont le plus souvent de parfaits moyens de consommer plus, de créer des masses monétaires considérables, sans pour autant prélever plus de ressources et émettre plus de gaz carbonique. Et la culture n'est pas élitiste, si on y inclut le jeu de dames, au Jardin des Plantes, ou la chanson. Le spectre est large, il y en a pour tous les goûts et toutes les bourses. Pareil pour le sport, à condition que les stades ne soient pas trop loin des villes, et que les matchs ne soient pas l'occasion d'excès et de troubles de nature sociale, tout aussi à éviter que des prélèvements intempestifs sur les milieux.
Nous voilà donc revenus au développement durable, à partir de la clameur qui exalte les athlètes. L'émotion est souvent gratuite en ressources naturelles, et chaque société, chaque citoyen, peut la rechercher dans son Jardin. Partagée, elle crée des complicité, des réseaux d'amitié, des solidarités. Une chance pour le développement durable.
Chronique publiée le 12 février 2006, revue le 14 février 2010
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