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Culture, valeurs

Bruit

bruitLe bruit est un phénomène extarodinairement complexe. A la fois physique, physiologique, social. Cette complexité en fait un merveilleux sujet pour aborder le développement durable.

J’hésite sur le singulier ou le pluriel. C’est que bruit et bruits, ce n’est pas la même chose. Au singulier, le bruit est une nuisance, un phénomène désagréable dont il convient de se protéger.

Au pluriel, le mot évoque une richesse, une diversité. Au pluriel, chaque bruit a un sens. Le bruit du vent et de la rivière, celui de la rue, de l’usine, de l’avion, de la cour de récréation. Les bruits de la vie sont multiples, et, même si certains sont déplaisants, ils représentent une activité ou un élément naturel. Le bruit au singulier est à la fois anonyme et insupportable. Il n’est caractérisé que par son volume, il n’est pas question de qualité.
Les bruits ont chacun leur personnalité, tout comme les odeurs, ou les tissus que l’on touche. Les cinq sens constituent un capital inappréciable, dont chacun dispose à des degrés divers. Il est possible de le faire fructifier, pour en obtenir un maximum de Plaisir et d’émotions. Le pavillon de la France, à l’exposition universelle de Shanghai qui s'est terminée le 31 octobre 2010, est consacré à la « ville sensuelle ». Un beau titre, qui pointe un atout de notre pays, un atout qui doit être cultivé et valorisé. Un apprentissage très précoce, avant même le lire et écrire, donne une chance pour la vie personnelle et pour la vie sociale. En particulier l’apprentissage de l’écoute, l’éducation de l’oreille, l’éveil de l’ouïe.
Il y a des bruits désagréables, comme il y a des odeurs ou des couleurs que vous n’aimez pas. Leur composition constitue des paysages sonores, de qualité variable comme les paysages visuels. Vous les appréciez différemment, vous aimez les uns et détester les autres, selon vos propres références. Tel paysage sonore agréable à Paul sera insupportable à Jean, et réciproquement. Tel adore les bruits de la campagne, le coq, la cloche de l’église ou celles des vaches, l’aboiement du chien et la mobylette qui pétarade au loin. Tel autre trouvera ce paysage particulièrement triste et ennuyeux, et préférera l’animation de la rue marchande, avec sa musique de foire et ses camelots. 
Le problème est qu’on ne choisit pas toujours. Nous sommes exposés à des bruits, dans notre lieu de travail, dans les transports, dans nos loisirs, notre habitat. Il est possible de lutter contre des bruits excessifs, comme la législation du travail le fait par exemple. On peut fixer des niveaux maximum, on peut imposer des protections sur l’oreille ou sur la source du bruit. Mais il en reste toujours, en particulier dans nos logements, lieux de repos et de vie sociale, où l’on aimerait bien se ressourcer, se reconstruire, et se parler sans avoir à élever la voix. Les enquêtes confirment l’importance du calme et de la tranquillité dans l’appréciation d’un logement. C’est le premier poste de satisfaction chez ceux qui sont contents de leur domicile, et aussi le premier poste de récrimination chez ceux qui n’en sont pas contents (1). Une Valeur déterminante pour la qualité de vie, et qui ne se porte pas très bien. Deux tiers des Français se disent personnellement gênés par le bruit à leur domicile (difficultés d’endormissement, de concentration, fatigue …) et près d’un Français sur six a déjà été gêné au point de penser à déménager (2). Au niveau européen, malgré un léger mieux, on constate que dans la plupart des villes, plus de la moitié des répondants estimaient que le bruit posait un grave problème (cette proportion allait de 51 % à Rotterdam et Strasbourg à 95 % à Athènes) (3).
La question du bruit reste donc fortement posée. En France, la rénovation thermique peut être une occasion unique d’améliorer la situation. Il faut encore le vouloir, l’isolation thermique n’entraînant pas ipso facto d’isolation acoustique, elle peut même dégrader la situation. Et puis les bonnes solutions ne résident toutes dans l’amélioration du bâti. La réduction du bruit à la source est parfois bien plus efficace. 
Il y a la composante comportementale. Elle joue dans les deux sens. D’un côté l’insouciance de fauteurs de bruit, peu respectueux du sommeil de leurs voisins. De l’autre une intolérance au moindre bruit, comme en attestent les plaintes sur le bruit des cours d’école par exemple. Les savoir faire et les règlements ont bien progressé en 30 ans, mais la satisfaction du public n’a pas suivi cette amélioration, si l’on en croit les sondages(4). 
Faut-il aller toujours plus loin, plus de science, plus de Lois ? Sans doute peut-on encore gagner de ces deux côtés, ajuster, compléter les dispositifs qu’ils soient matériels ou juridiques, mais cela ne suffit pas. Une dimension supplémentaire doit trouver sa place, celle de l’écoute. Ajouter à la lutte contre le bruit la recherche d’une qualité d’écoute.
L’écoute physiologique tout d’abord. Le respect de nos organes commence par en faire un bon Usage , en tirer du plaisir, de la connaissance, de la qualité relationnelle. La faculté d’écoute procure bien des satisfactions, il s’agit de l’exercer en permanence, et il y a mille manières de le faire.
L’écoute sociale, ou sociétale, ensuite. Celle des autres, pour en tirer aussi du plaisir, celui de la relation, des échanges, de la confrontation et puis aussi de l’assurance et de la considération.
La lutte contre le bruit commence par une éducation de l’écoute. L’écoute des multiples bruits de la vie. Pour passer du bruit, phénomène redoutable, aux bruits et à leurs nombreuses significations.

1 - Source : L’Observatoire Loiselet & Daigremont du bien-être dans les immeubles, version 2010
2 - Selon une étude réalisée par l’institut TNS SOFRES en mai 2010 à la demande du Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la Mer
3 - Flash Eurobaromètre, Enquête d'opinion sur la qualité de la vie dans les villes européennes. Enquête réalisée en Novembre 2009 à la demande de la DG POLITIQUE RÉGIONALE de la COMMISSION EUROPÉENNE, et publiée en mars 2010.
4 - Les 6e assises nationales de la qualité de l'environnement sonore tireront un bilan de 30 ans de politique du bruit. Les 14, 15 et 16 décembre 2010 à Paris, Palais d'Iéna, Conseil économique, social et environnemental. www.bruit.fr

 

 

Chronique mise en ligne le 20 novembre 2010, revue le 25 septembre 2011

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