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Culture, valeurs

Après

Vivons pleinement le moment présent, bien sûr. Profitons de la vie, mais « sans compromettre les chances des générations futures » d’en profiter aussi. Comment prendre en compte l’après ?

La « tragédie de l’horizon », est une image proposée par le gouverneur de la banque centrale d’Angleterre, Mark Corney. Il s’agit de l’écart entre les horizons temporels, celui de la décision d’un côté, et des conséquences desdites décisions. Que se passe-t-il, après ?

La révolution industrielle nous a apporté d’incontestables bienfaits, mais elle nous a aussi laissé quelques problèmes non résolus. Les générations suivantes, les nôtres, se trouvent aconfrontées à des problèmes à résoudre que leurs parents ont créés, et qui se révèlent incontournables. L’exemple des sols pollués est un classique du genre, mais il faut aussi penser aux conséquences sur les mentalités, avec une idée du « progrès », associée à une croissance continue de consommation de biens matériels, dont on a du mal à se départir aujourd’hui. Les 30 glorieuses, qui ont repris cette vision au lendemain de la deuxième guerre mondiale, n’ont pas préparé nos esprits à la « finitude » du monde, pourtant énoncée brillamment par Paul Valéry dès 1931.

Revenons à l’héritage matériel, qui a toujours existé. Les déserts sont pour beaucoup le fruit de pratiques développées sans souci du lendemain, ou sans connaissance des conséquences possibles. Le défrichement des forêts de cèdres pour la construction des flottes phéniciennes, dans l’antiquité, et la salinisation des sols par de mauvaises pratiques d’irrigation, sont des illustrations de ce type de phénomène. Jarred Diamond, dans son livre Effondrement, présente de nombreux exemples de ce type de phénomène.

Aujourd’hui, les sols pollués sont souvent évoqués, mais ils ne sont que la partie visible de l'iceberg. Les héritages de l’exploitation minière sont encore bien présents, par exemple. Les affaissements dus à l’exploitation de galeries souterraines se manifestent des années après la fin de l’exploitation, et il faut une organisation (au sein du BRGM aujourd’hui) pour gérer des dégâts décalés, et maintenir une surveillance de ces sites. Certains aspects peuvent se révéler positifs, comme la récupération du grisou, essentiellement du méthane, qui s’échappe des anciens puits de mine. Mais cette récupération est encore très réduite, et le grisou non valorisé accentue l’effet de serre…
Le débat sur le stockage des déchets nucléaires prolonge cette question. Que faut-il faire de ces matériaux radio actifs, et qui le resteront pendant des milliers d’années ?

Notre bien-être d’aujourd’hui provoque des coûts financiers ou humains qui se feront sentir pendant des siècles. Il faut que l’héritage contienne de puissants éléments favorables pour justifier une telle charge. Les autres énergies ne sont pas à exempter pour autant. Après la, grande période du charbon, qui n’est pas terminée d’ailleurs, nous observons les dégâts provoqués par les gisements « non conventionnels ». L’exploitation des schistes et sables bitumineux, au Canada, provoque de véritables désastres écologiques, dont les conséquences vont durer des années. La fissuration hydraulique, développée pour extraire le gaz et les huiles de schistes, déstabilise des sols sur d’immenses surfaces, avec des problèmes pour la ressource en eau, sans parler des tremblements de terre. Après est loin, et vous connaissez l’expression « après moi de déluge ». La tragédie de l’horizon de déroule inexorablement.

L’effet de serre est une sorte d’héritage, reçu de nos prédécesseurs mais largement amplifié par les générations actuelles, et qui se manifestera progressivement, et de plus en plus violemment, au détriment des toutes prochaines générations. Nous en prenons conscience, mais l’inertie est grande, et il faudra du temps entre les bonnes intentions, la définition d’objectifs précis, d’une part, et de l’autre leur mise en œuvre et l’obtention de résultats.

Le poids du passé et des puits abandonnés, de pétrole ou de gaz, se manifeste aujourd’hui. Les émanations de méthane, gaz très impactant du point de vue du dérèglement climatique, augmentent régulièrement au cours des dernières années, et semble s’envoler, si l’on peut dire. La concentration de méthane dans l’atmosphère augmente deux fois plus vite depuis 2013. Les gaz s’échappent des puits abandonnés, ils sont des millions à la surface du globe, pendant des dizaines d’années après la fin de leur exploitation. Ces gaz ne sont pas comptabilisés dans les bilans du GIEC. Pour les puits de Pennsylvanie, où l’étude a été menée, les émissions non répertoriées sont évaluées de 5 à 8% des émissions connues. Un après qui va peser lourd et compliquer encore le maintien du réchauffement à 2°.

Le temps de l’après semblait loin, mais il se rapproche, et devient plus pressant. Le meilleur moyen de mobiliser les énergies contre le dérèglement climatique est encore de lancer la réflexion sur l'adaptation à ce phénomène, qui se révèle alors redoutable. Une manière de conjuguer Après au présent...

 

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