Négociation
Pas d'échange sans négociation. Celle-ci fait partie intégrante de la vie, et son bon fonctionnement est à la base du contrat social, de la confiance nécessaire au développement durable.
Nous sommes toujours en négociation. Il s'agit d'un virage ou d'un Achat. C'est le piéton sur les passages protégés qui négocie du regard avec l'automobiliste, pour savoir qui passera le premier ; c’est l'enfant qui tente d'obtenir une faveur de ses parents, ou l'élève qui négocie avec le professeur pour améliorer sa note ou atténuer une sanction, etc.
Le terme même de négociation signifie bien que la Vérité n'est pas Absolue, que l'équilibre n'est pas définitif, et que la décision s'inscrit dans le cadre d'une relation. L'existence de cette relation, et sa Qualité constituent des atouts incontournables pour le bon fonctionnement des sociétés, leur absence ou leur médiocrité de véritables handicaps. Deux écueils sont à éviter : la rigidification du Système relationnel, qui enferme les acteurs dans des rôles convenus, et qui bloque toute initiative, empêche la recherche de solutions originales, et en définitive conduit à une « société bloquée » ; à l'inverse, un système relationnel amorphe ouvrirait la voie à la Loi du plus Fort, et fermerait ainsi toute possibilité d'une véritable négociation.
Une vraie négociation, productive, suppose en effet un équilibre entre les protagonistes, une Ecoute et un respect mutuel, et surtout la Volonté commune de trouver une issue favorable à toutes les parties. Un bon contrat est un contrat où tout le monde est Gagnant. La bonne gouvernance consiste notamment à créer des conditions favorables pour cette négociation. Deux volets complémentaires pour cela : des échanges fructueux entre les acteurs, au cas par cas, mais aussi la définition et la reconnaissance d'orientations communes, d'un Système de Valeur, au sein de la communauté concernée. Le « contrat social » est la traduction classique de ce deuxième volet. Il est lui-même en négociation constante : le monde change, les autres communautés (autre pays, autre profession, etc.) aussi, et les évènements qui se produisent ne sont pas tous prévisibles. La raréfaction d'une ressource, l'arrivée massive de populations de Cultures et de modes de vie différents, la diffusion du téléphone portable, sont autant d'évènements qui viennent bouleverser les Habitudes, et demandent en permanence des ajustements du « contrat social ».
Il y a une multitude de contrats sociaux, selon les Echelles et la nature des communautés. Entre les pays et les groupes de pays, le Nord et le Sud par exemple, et entre des groupes sociaux d'un même pays, au sein d’une entreprise, d’une collectivité. Un programme électoral est une sorte de contrat social, et ceux qui se moquent des promesses, ou en produisent inconsidérément, dégradent le concept même d’un engagement réciproque.
Les coups de canif aux contrats prennent des formes multiples : traités inégaux, déséquilibres persistants dans les échanges commerciaux ou culturels, mauvaise répartition criante de bénéfices, abus de confiance, exploitation sans vergogne de situations dominantes, etc. Au début, tout cela n’est pas bien grave, ça fait partie des choses de la vie, on passe l’éponge. Mais au bout d’un certain Temps, c’est le contrat social qui est rompu, et on change de régime. Chacun se replie sur ses positions, et le rapport de forces devient la règle. La Créativité, fille de la coopération entre acteurs, en est bien affectée. Elle ne s’effondre pas d’un coup, mais elle est mal nourrie, elle s’étiole, et finit par n’être que l’ombre d’elle-même.
Chacun dans son camp va chercher à se rassurer, à se raccrocher à ses valeurs qui vont alors devenir un refuge. Quand le négocié s’effrite, c’est le sacré qui monte en puissance, des valeurs absolues qui ne se discutent pas. La fin du contrat social, c’est la porte ouverte aux intégrismes de toutes natures, dangereux aussi bien pour leurs adeptes que pour la vie sociale. Les communautés se replient sur elles-mêmes, la Tolérance devient un idéal hors de portée. L’intégrisme peut être religieux, il peut aussi prendre d’autres formes, l’intégrisme de l’ingénieur, du commercial, du philosophe, du juriste, de l’économiste, le tout combiné avec des chapelles qui s’affrontent dans la plus grande stérilité. Chaque intégrisme a ses dogmes, ses vérités révélées, ses prêtres et ses deniers du culte. C’est la victoire du repli et de l’absolu, dans un monde où l’ouverture et le relatif devraient être rois.
La montée des extrémismes religieux, des intégrismes inspirés des grandes religions, s’inscrit sans Doute dans ce contexte. De grands déséquilibres mondiaux perdurent depuis des décennies et sont, grâce à la télévision et Internet, de plus en plus criants. Ils ont conduit les déçus, ceux qui avaient espéré de voir leur sort s’améliorer alors qu’il se dégrade (parfois réellement, parfois en comparaison avec d’autres catégories de population), vers des comportements d’abandon ou de révolte qui se nourrissent de références absolues, notamment religieuses dans les formes les plus intégristes.
Dans les pays industrialisés, la hausse systématique de la cote boursière des entreprises qui annoncent des plans sociaux traduit un divorce entre les intérêts des actionnaires et des salariés : leur « contrat » est bien mal en point, la confiance, nécessaire pour progresser et créer des Richesses nouvelles, est durement touchée. Les nécessaires changements, l’évolution de l’entreprise, avec une Productivité qui se renforce, peuvent bien sûr conduire à des baisses d’effectifs, et c’est normal dans une société vivante, dont les besoins se transforment rapidement. Le contrat social implique que chacun bénéficie de ce succès, et que les changements soient gérés au Profit de tous. C’est souvent ce qui se passe, mais on n’en parle guère et l’impression domine qu’il y a des gagnants et des perdants, avec en fond de décor un monde de gentils et de méchants. Les « patrons voyous », mais il y a aussi des salariés voyous, et des complicités entre voyous, coûtent Cher en termes de développement durable, avec leur Politique de terre brûlée, et d’assèchement des gisements de créativité comme de Ressources naturelles.
Le développement durable n’est pas révélé. Il ne peut être décrit dans l’absolu, et offrir ainsi une référence sacrée, intangible. C’est un défi qui nous est lancé, qui doit susciter de l’enthousiasme et un engagement collectif. La « bonne gouvernance » est nécessaire pour transformer cette énergie en créativité, et en réalisations dont chacun tire profit, tant pour sa dignité que pour son bien-être. Le dialogue et la négociation sont au cœur du développement durable.
Chronique mise en ligne le 18 septembre 2006, revue le 17 janvier 2011.
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