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Commerce et distribution

Importation

Nous sommes, à juste titre, sensibles à la balance commerciale de notre pays, de manière à équilibrer nos importations et nos exportations. Mais il y a bien d’autres formes d’importations, plus discrètes, notamment celle de gaz à effet de serre.

50 milliards d’euros, bon an mal an, de déficit commercial, mais une vingtaine d’excédent de la balance des services. En termes physiques, combien importons-nous en matières, solides ou gazeuses comme le CO2 ? La somme des matières premières mobilisées pour satisfaire notre consommation constitue l’« empreinte matières », avec des productions locales, et des importations et exportations. Là encore, un bilan déficitaire, nous importons environ deux fois plus que nous exportons, avec évidemment plusieurs manières de calculer. Nous pourrions aussi évoquer la matière grise, avec la fuite des cerveaux d’un côté et de l’autre l’apport de nombreux étrangers, etc.


Pour le CO2, nos émissions sont souvent présentées sur une base territoriale. Les émissions de la France sont-elles celles produites sur son territoire, ou celles provoquées par nos consommations ? Les émissions de la Chine sont-elles celles produites sur son territoire, y compris celles causées par la fabrication de produits exportés ? Dans la pratique, la délocalisation de l’industrie a permis de mettre sur le compte de la Chine ou d’autres « usines du monde » des émissions dont nous sommes responsables in fine. Une manière de se montrer vertueux alors que nous ne le sommes guère. De 1995 à 2019, nos émissions ont baissé d’un quart, mais nos importations se sont fortement accrues, de 70%. Dans un rapport du 6 octobre 2020, le Haut Conseil pour le Climat s’est inquiété de l'augmentation des "émissions importées" de la France ces dernières années : 53 % de l'empreinte carbone totale de l'Hexagone. Au total, l’empreinte carbone de la France a augmenté de 7% depuis 1995.
Le cas de l’agriculture est particulièrement intéressant du point de vue des différentes formes d’importation. Balance commerciale excédentaire, exportation nette de surface agricole, importation nette de CO2, et importation nette de surface forestière. « Sur la période étudiée 2010-2016, la France était exportatrice nette de 2,7 millions d’hectares (hors produits du bois), représentant 9% de notre surface agricole utile (SAU). Mais tout comme le solde net commercial, ce solde positif « cache » l’équivalent de 12,7 millions d’ha exportés et 10 millions d’ha importés. Les surfaces exportées correspondent à 44% de notre SAU et celles importées à 34%. Concernant les produits du bois, les échanges sont aussi importants et se traduisent par un déficit de 0,6 million d’ha. On importe en produits du bois l’équivalent en production de 24% de notre surface forestière » (1). Précisons que pour le CO2, une part importante provient des transports internationaux.
La France dispose d’une surface agricole par habitant de 4420 m² par habitant, alors que son « empreinte alimentaire », la surface nécessaire pour son alimentation, n’est que 3760 m². Une situation favorable, quand on compare à nos voisins. La surface agricole par habitant en Allemagne n’est que de 2000 m², par exemple, la moyenne européenne se situant à 3500 m². L’évolution des marchés agricoles nous conduit à une spécialisation des productions, ce qui augmente les flux import-export et rend chaque pays plus dépendant des autres et fragilise ceux dont l’économie repose sur un produit particulier, plus vulnérables face aux crises. Parmi tous les produits que nous importons, nombreux sont ceux que nous pourrions produire nous-mêmes. Ce n’est pas le principe même de l’importation et des échanges internationaux qui est en cause, mais les impacts environnementaux de certaines productions. Premier poste d’importation : le soja, avec 1,4 millions d’ha, suivi par le cacao (1,2millions d’ha). L’impact sur la déforestation de ces cultures est bien connu, auquel il faut ajouter les déséquilibres induits dans l’économie agricoles des pays d’exportation, au détriment des cultures vivrières destinées aux besoins des populations locales. Celles-ci voient leurs modes de vie et leurs cultures bouleversées, tout comme la biodiversité. L’exemple des orangs-outans, victimes des extensions de plantations de palmiers à huile est une bonne illustration du problème.
Dans certains cas, la réduction des importations est la bonne orientation en produisant chez soi, ce qui conduit souvent à changer de modes de production. C’est le cas notamment de l’élevage bovin et des tourteaux de soja. Dans d’autres, ce sera l’amélioration des techniques locales, comme le développement de l’agroforesterie, qui permet d’associer productions locales et d’exportation.
Les échanges internationaux sont souhaitables dans beaucoup de domaines, ils sont réputés facteurs de paix. Mais la dépendance qui en découle est source de vulnérabilité (la COVID nous l’a rappelé récemment), et peut conduire à des relations de domination d’un pays sur d’autres. Mais nous avons été alertés depuis toujours sur les conditions de travail dans les pays exportateurs, et du respect de règles environnementales. Une bonne connaissance des impacts des importations est la condition du succès de ces échanges.

1 - La face cachée de nos consommations Quelles surfaces agricoles et forestières importées ? Solagro, Mars 2022

https://solagro.org/travaux-et-productions/publications/la-face-cachee-de-nos-consommations

 

Photo : Andi Li / Unsplash

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