Truffe
Le luxe et le terroir peuvent-ils se rencontrer ? La truffe en donne une illustration, avec en fond de décor la protection de la forêt.
Abandonnons tout de suite l’organe olfactif de nos amis les chiens, et intéressons nous aux choses sérieuses : le champignon, le diamant noir !
La truffe offre une illustration formidable et appétissante du développement durable. Jugez-en vous-même, à partir du reportage de Gilles Vilain pour Bois-forêt info(1).
Tout d’abord le phénomène naturel : la symbiose entre deux êtres complémentaires au plan biologique, le champignon apportant de la nourriture minérale à l’arbre, qui lui-même lui fournit des sucres issus de la photosynthèse. Une combinaison gagnante, où chaque partenaire trouve chez l’autre des facteurs de son développement, un peu comme les abeilles qui tirent du miel des fleurs tout en assurant leur fécondation. La complémentarité est une des voies du développement durable.
Cette complémentarité n’est pas que biologique. Elle est aussi économique, la truffe procurant des revenus qui permettent d’équilibrer les comptes de la forêt. La sylviculture truffière s’appuie sur des techniques forestières du XIXème siècle, en application dans la forêt méditerranéenne. Notons au passage une bonne exploitation de ressources patrimoniales et de savoir faire traditionnel, remis en valeur dans un contexte moderne. Il s’agit d’une gestion de la forêt propice au développement de la truffe, alors que le trufficulture ne s’occupe vraiment que de récolter le maximum de champignons. C’est le couple forêt – truffe qui est l’objet de l’exploitation, et non l’un ou l’autre de ces composants. La truffe apporte ainsi un revenu d’appoint à la forêt, laquelle est cultivée finement. Moins d’arbres à l’hectare, mais souvent le retour du Petit gibier et une bonne protection contre les incendies de forêt, comme Dividendes complémentaires de l’exploitation. Ajoutez à cela de l’accueil et du tourisme rural, bien sûr autour de la truffe, et vous avez un bon cocktail environnemental, économique et social.
Pas étonnant, donc, que de plus en plus de propriétaires du pourtour méditerranéen y viennent dans l’espoir que la production de truffes améliore la rentabilité forestière conclut Gilles Vilain. La pérennité et le bon entretien de cette forêt si sensible sont ainsi assurés, grâce aux plaisirs de la table.
Autre approche de la durabilité : une croissance qualitative. Le diamant noir est une source de richesse. Une richesse qui n’est pas fondée sur des prélèvements toujours plus massifs sur l’environnement, avec à l’autre bout de la chaîne des rejets toujours plus pénalisants. La ressource est ici renouvelable, et la sylviculture truffière est respectueuse des équilibres biologiques, qui en constituent le fondement. La truffe fournit des revenus appréciables pour ceux qui en bénéficient, et participe à ce titre au PIB dans d’excellentes conditions écologiques, sans émettre de gaz à effet de serre ni autre pollution. C’est une illustration de la dématérialisation de l’économie, c'est-à-dire d’une croissance de la masse monétaire qui n’entraîne pas de consommation de biens matériels, et ne provoque pas de pression sur l’environnement. Il y a en outre une économie rurale attachée à la truffe, avec sa transformation et la fabrication de produits à base de truffe. Une rencontre originale entre le terroir et le luxe, avec tous les aléas qu’une alliance de ce type contient.
D’autres produits de luxe n’ont pas le même impact environnemental, notamment ceux qui consomment de l’énergie, comme les voitures puissantes ou les week-ends en avion, à consommer avec modération. Le côté produit de luxe de la truffe pourrait faire penser qu’elle n’a rien à voir avec le développement durable. Ce serait se méprendre, car ce n’est pas la création d’un produit à forte valeur ajoutée qui est en soi contraire aux valeurs sociales du développement durable. C’est l’organisation économique des filières de production qui doit être examinée à ce filtre, c’est la répartition des bénéfices de cette manne et de ses nombreuses retombées, qui permettent de porter un jugement sur le caractère social ou non de la truffe. Celle-ci pourrait-elle être un instrument de redistribution des revenus ? Allons ! Une activité qui produit d’aussi bonnes choses et permet en outre de protéger la forêt ne doit pas être tout à fait mauvaise. Elle doit même pouvoir être durable.
1 - Article de Gilles Vilain dans Bois forêt info du 13 janvier 2006 : www.bois-foret.info
Chronique publiée le 21décembre 2006, revue le 28 février 2011
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