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Bouffe

Sucre

Une bonne alimentation est la garantie de notre bonne santé. Encore faut-il qu’elle soit équilibrée, et libérée des contraintes commerciales imposées par les industriels.

Dans une excellente intervention (1), Pierre Veltz (2) interroge les économistes. Ceux-ci semblent obnubilés par la question « comment produire », alors que la bonne question est « quoi produire ? » Il y répond à sa manière, et propose de passer d’une économie basée sur la consommation d’objets, « salon, garage, cuisine », à une économie centrée sur l’humain : Santé, bien-être, alimentation de qualité, éducation, divertissement, sécurité. Six domaines aux fortes interactions, ce qui pourrait faire converger des politiques aujourd’hui disjointes.

Prenons la santé et l’alimentation. Le lien est fort, et commence dès la grossesse de la mère, et dans les premières années, au moment où les corps de constituent mais aussi les esprits, les goûts et les envies. Notre espérance de vie à la naissance est largement conditionnée par notre alimentation, et sa qualité s’est nettement améliorée, notamment avec les exigences d’hygiène et les progrès dans la conservation des produits. Nous sommes sans doute parvenus à un optimum, et nous l’avons même dépassé. L’alimentation n’est plus ce qu’elle était, elle est devenue un problème de santé publique. Malgré les campagnes de sensibilisation, nous mangeons trop de sucre, trop de viande, et pas assez de légumes. Résultat : explosion de l’obésité, diabète, et bien d’autres fragilités auxquelles nous sommes exposés. Nous pourrions croire que l’offre devrait être construite pour satisfaire le besoin, eh bien c’est devenu l’inverse. Les producteurs font en sorte que les consommateurs prennent goût à leurs produits, sans égard à leurs effets. Ceux-ci ont été longtemps mal documentés, mais ce n’est plus le cas, nous connaissons les méfaits de tel ou tel produit sur notre santé. Le sucre est un ingrédient très fréquent, et nous en connaissons les conséquences. Mais il y a derrière le sucre toute une filière, avec des agriculteurs et leurs fournisseurs, et des transformateurs, les industries agroalimentaires. Autant de groupes de pression qui veillent au grain à chaque tentative de protéger les consommateurs, en menaçant ainsi leur marché. Voici un projet de taxe sur les « sucres transformés », ceux que vous trouvez dans les plats cuisinés et la pâtisserie industrielle. Tollé général de la profession et du ministre de l’Agriculture, pourtant aussi ministre de l’Alimentation, et cela en opposition avec la ministre de la Santé. La santé, c’est comme l’environnement, ce sera pour plus tard, et sans obligation.

Et pourtant, nous voudrions bien faire des économies sur le budget de la sécurité sociale. L’obésité lui coute plus de 10 milliards d’euro chaque année, montant qu’il faut multiplier par deux pour intégrer les autres couts supportés par les intéressés et leur entourage. Réduire la part du sucre serait une bonne opération pour les finances publiques et le pouvoir d’achat des consommateurs. Mais certains intérêts s’y opposent, comme ils se sont opposés à l’extension de l’indicateur santé des produits alimentaires, le nutri-score. Un indicateur forcément restrictif, il est impossible de réunir en un seul indice un grand nombre de paramètres, mais qui permet au consommateur de se repérer. Là encore, les producteurs ne souhaitent pas que leurs clients, qui devraient pourtant être rois, soient bien informés.

Et pendant ce temps-là, la publicité continue à promouvoir des consommations à problème, comme la viande de bœuf, c’est si bon ! Bien sûr, il n’est pas question d’interdire un bon beefsteak, mais nous savons aussi que nous mangeons globalement trop de viande, que la viande de bœuf a des empreintes « eau » et « climat » très lourdes, et qu’il vaut mieux éviter d’en faire la promotion. Soutenons la profession pour une évolution de leurs productions, tout en saisissant la moindre occasion pour faire de la pédagogie alimentaire.

Le Gouvernement Danois avait pris en 2009 l’initiative de demander à des grands chefs de cuisine d’élaborer des recettes bonnes pour le climat. Résultat : ils ont découvert de « nouvelles saveurs ». Plaisirs de la table, bonne santé et climat ne sont pas ennemis. Il reste à traduire cette convergence en termes d’intérêts des acteurs de toute la chaine, agriculteurs, industriels, distributeurs, consommateurs et sécurité sociale ! Sans oublier notre balance commerciale.

1 https://www.msn.com/fr-fr/finance/other/quoi-produire-les-secteurs-vedettes-dans-une-%C3%A9conomie-humano-centr%C3%A9e-pierre-veltz/vi-AA1sL93o?ocid=socialshare
2 Auteur notamment de l’économie désirable

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