Fromage
Le développement durable est un fromage potentiel, avec la recherche constante du double dividende. Gagner sur plusieurs tableaux à la fois, beurre et argent du beurre, et au bout du compte un véritable fromage pour la collectivité comme pour chaque acteur impliqué.
Au propre aussi, il s’agit de gagner dans la production du fromage. Les résidus de la fabrication du camembert et autre fromage de vache trouvent aisément à se rendre utiles, contrairement au lactosérum issu du fromage de chèvre, trop acide, tout juste bon pour les cochons. Et encore, il y a le transport, et les éleveurs de porcs laissent tomber leurs collègues caprins. C’est la déconvenue vécue par un fabricant de Rocamadour AOC, dans le département du lot. Les problèmes font souvent naître des solutions originales. A une valorisation très médiocre, a ainsi succédé une réponse moderne, parfaite illustration du double dividende. Le petit-lait vaut mieux que d’être donné aux cochons, il peut produire de l’énergie. Il est envoyé dans un méthaniseur, et le gaz est brulé sur place pour produire la chaleur nécessaire à la laiterie. 90 tonnes de propane économisées par an, qui s’ajoutent aux économies sur le carburant dépensé auparavant pour transporter le lactosérum de la fromagerie à la porcherie. Un gain substantiel d’émissions de gaz à effet de serre. En prime, fini les mauvaises odeurs, et un épandage réduit. Un investissement remboursé en 8 à 9 ans, réduits à 6 ans et demi grâce à des subventions de l’ADEME et de la région Aquitaine. Une bonne affaire pour la planète, et pour les fabricants de fromage de chèvres.
Profiter d’un problème pour en résoudre plusieurs, voilà une bonne manière de faire du développement durable. La méthanisation apparaît une bonne illustration de ce principe. Nous l’avions déjà vu pour la production de panneaux isolants à base d’herbe. La formule se développe en agriculture pour valoriser les effluents d’élevage. Déjà classique dans certains pays de l’Europe du Nord, elle prend corps en France, malgré quelques difficultés. La valorisation sur place, sous forme de chaleur comme dans l’exemple précédent est rare. La réponse la plus courante est la fabrication d’électricité avec une turbine ou une installation de cogénération. Le prix de rachat de l’électricité est une des clés succès de cette filière, comme pour les autres énergies renouvelables, solaires photovoltaïque et éoliennes notamment, et il n’est pas très élevé pour celle issue de la biomasse agricole. La réponse est sans doute dans le groupement des producteurs d’effluents, comme ils ont l’habitude de faire pour leurs achats ou la commercialisation de leurs produits. Le mouvement coopératif est bien vivant en agriculture, et il faut un troupeau assez important pour justifier d’installations de méthanisation.
A proximité des villes, il serait possible d’injecter le biogaz dans le réseau de gaz naturel. Sa composition le permettrait, après épuration et compression. Là encore, il faut faire masse pour justifier de tels investissements, et la question du prix de rachat du gaz n’est pas définitivement réglée.
Bref, faire une richesse d’un déchet comme les lisiers, ne s’improvise pas. La recherche est sollicitée. Et pourquoi ne viser qu’un seul objectif ? Il n’y a pas que la question du méthane, il y a aussi l’azote, par exemple, qui pollue les sols et les eaux, et contribue, quand il est sous forme d’oxydes, à l’effet de serre. C’est ce qui a amené des organismes de recherche et des industriels à traiter à la fois le carbone et l’azote. Produire de l’énergie tout en réduisant les pollutions, faire du bien à la fois à l’atmosphère et à la terre, devient aujourd’hui possible.
La recherche du double dividende n’est pas nouvelle, en agriculture comme dans les autres secteurs d’activité. La spécialisation des marchés et la faible valeur des produits secondaires par rapport aux efforts qu’ils demandaient ont souvent conduit à se polariser sur un seul produit. Les sous-produits sont devenus des déchets. Ceux-ci étaient parfois valorisés, mais ne bénéficiaient pas d’une véritable recherche, jusqu’à être abandonnés comme on l’a vu pour le lactosérum des fromages de chèvre.
Le coût de l’élimination des déchets tout comme le potentiel qu’ils représentent pour peu que l’on investisse sur eux, relancent la stratégie du double dividende. Il faudra encore du temps pour qu’elle se répande, tellement la politique de la production unique est dominante. Les obstacles sont financiers, techniques et administratifs. Mais ce serait bien dommage de passer à côté des fromages que représentent cette fabrication simultanée de plusieurs produits.
Chronique publiée le 20 avril 2009
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