Cuisine
L'alimentation est un enjeu majeur de développement durable, pour soi-même et sa santé, comme pour l'humanité, toujours menacée de famine ici et là. La cuisine offre à ce titre un cadre idéal pour parler de développement durable, à partir des choses de la vie les plus courantes.
Un mot fort pour le développement durable. Un mot double, qui renvoie à la fois à la nourriture et à la pièce dans laquelle elle est confectionnée.
Partons du Local, de la cuisine, pièce majeure de toute habitation, bien que longtemps négligée, reléguée au rang de pièce de service. Et pourtant, nous y passons de longues heures, et c’est à la cuisine que les français prennent l’essentiel de leurs repas. C’est même pour une grande majorité d’entre eux le lieu où sont pris tous les repas. Un retour, en somme, à la pièce commune, à la campagne, où une seule grande salle servait à la fois à faire la cuisine, à manger, à de petits travaux domestiques, à recevoir les amis et les gens de passage, et même parfois à dormir. Une salle qui bénéficiait de la chaleur du foyer, cheminée, poêle ou cuisinière, qui faisaient d’une pierre deux coups : chauffer et cuisiner. Mais aujourd'hui, ces cuisines sont petites, le mètre carré coûte cher, et il est plus prestigieux d’avoir une grande pièce « à vivre », qui est finalement bien moins occupée que la cuisine. On préfère les aménager et les équiper : ça fait bien, mais ça coûte cher. Les équipements peuvent être durables, en facilitant la vie et en économisant de l’eau et de l’énergie. Une vaisselle à la main, sous l'eau chaude qui s’écoule en continu, ce n’est pas fameux. La machine classée A est bien plus efficace, et les étiquettes permettent de vérifier aussi qu’elle ne consomme pas trop d’eau et ne fait pas trop de bruit.
Ne croyez pas que la situation ancienne soit idyllique. Outre le peu d’intimité qu’elles offraient, les grandes salles étaient le plus souvent sombres et polluées. La combustion dans un local fermé produit des émanations, que le tirage de la cheminée ou de tout autre appareil doit éliminer. On sait que ça ne marchait souvent pas très bien, et qu’il restait des émanations. Encore aujourd’hui, par grand froid, la tentation de se calfeutrer exagérément entraîne des morts, quelques centaines par an en France. Dans les cuisines, le simple fait de faire chauffer des ingrédients, avec des matières grasses notamment, provoque des émanations. On est sensible aux odeurs, qui parfois ouvrent l’appétit, mais elles ne sont que la partie émergée de l’iceberg : nous respirons bien d’autres choses, dont certaines ne sont pas très bonnes pour la Santé. Et puis, quand on ne cuisine pas à l’électricité, il y a les feux, qui brûlent de l’oxygène, et produisent du Gaz carbonique et de l’humidité. C’est souvent dans la cuisine que l’on installe les chaudières individuelles et les chauffe-eau. Une seule solution : la ventilation ! La qualité de l’air est un point très sensible dans les cuisines, et la santé n’est pas que dans l’assiette.
Le régime alimentaire est un grand sujet d’actualité : l’obésité se répand dans nos sociétés, du fait des modes de vie et de l’alimentation. Il y a aussi les maladies cardiovasculaires, le diabète, et bien d’autres maux qui sont directement liés à l’alimentation. Une littérature abondante circule sur ces aspects. Sans minimiser leur importance, donnons un coup de projecteur sur le poids écologique de notre alimentation. Il faut produire les denrées de base, céréales, légumes, viandes, etc., les transformer, par exemple en farine et en pain, les acheminer vers les lieux d’Achat, après les avoir conditionnés. Une fois chez vous, vous « faites la cuisine », et vous rejeter des épluchures, des emballages, des restes, qui repartent dans les déchets ménagers et les eaux usées, qui doivent être traités. Toute cette filière représente une pression sur l’environnement, consommation de ressources, rejets de toutes natures dans des processus de transformation, et les transports. C’est une contribution à notre « empreinte écologique ».
Mesurée en hectares, l’empreinte écologique d’un français est de 5,3 en moyenne, sur lesquels le volet alimentaire représente en 1,6, soit 30%. Un enjeu considérable, quand on sait que la planète nous autorise durablement à une empreinte écologique par être humain de 1,9 hectare. C’est ce qui fait dire qu’il faudrait trois planètes pour faire face à nos consommations, si tous les humains vivaient comme des français. Il faut gagner en efficacité et en performance, de manière à ce que notre empreinte diminue, tout en vivant aussi bien sinon mieux. L’alimentation est assurément un secteur où des Progrès sont possibles, en jouant la carte de la qualité et de la proximité. C’est toute la chaîne qu’il faut améliorer, en resserrant notamment le lien entre producteur et consommateur, en réduisant la quantité de transport nécessaire, en favorisant le Commerce de proximité, en réduisant les emballages, et tout simplement en respectant le rythme des Saisons : les haricots verts en hiver pèsent lourd sur l’empreinte écologique, même s’ils sont légers sur l’estomac.
La cuisine est donc une magnifique ouverture pour parler de développement durable, un véritable boulevard. Pour conclure cette chronique, parlons de plaisir. N’est-ce pas un plaisir de faire de la bonne cuisine, de sélectionner ses produits, de les mijoter, et d’en faire jouir sa famille ou ses amis ? Voilà un domaine où l’on doit pouvoir combiner devoir et plaisir. Il faut juste du temps, mais c’est un plaisir communicatif. La bonne cuisine, c’est aussi une valeur sociale.
Chronique publiée le 12 octobre 2006, revue le 9 avril 2010
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