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Argent, Economie et PIB

Social

Un mot en vogue, associé à sécurité, à logement, à assistante, partenaire, à conflit, et bien d’autres domaines. Parlons aujourd’hui des coûts. Le coût social du bruit, par exemple, est évalué à plus de 150 milliards d’euros chaque année, celui de la pollution atmosphérique (sans compter les méfaits de la pollution de l’air intérieur) à 100 milliards, etc. Le calcul est fait périodiquement pour des grands problèmes, tels que l’alcool et le tabac (120 milliards chacun), les accidents de la route (25 milliards), l’obésité (20 milliards), les discriminations (10 milliards), etc. Les sommes annoncées sont considérables, souvent plusieurs dizaines de milliards par an pour chacun de ces fléaux (1).


Une addition qui fait mal, à mettre en regard des budgets de nos grands ministères, 60 milliards pour l’éducation nationale, 44 pour la Défense, 20 pour l’Intérieur, 10 pour la justice, etc. Le cumul de tous ces coûts sociaux pourrait bien dépasser le budget de l’Etat, 350 milliards, et même de la sécurité sociale, 470 milliards. Des prélèvements diffus, payés par tout le monde. Ajoutons que souvent la facture est aggravée pour les plus modestes, victimes privilégiées de la pollution, du bruit, de l’alcoolisme, de l’obésité et des discriminations.
Le prix est payé de plusieurs manières. En argent sonnant et trébuchant, notamment pour l’Etat et la sécurité sociale. Des dépenses de santé, des aides sociales, et un déficit de rentrées d’impôts. Les entreprises payent leur part, avec la désorganisation liée à l’absentéisme, et la perte de productivité au travail de leur personnel touché par le bruit, la pollution, etc. L’exemple du bruit est significatif : logement bruyant, donc mauvais sommeil, puis RER et métro aussi bruyants, phénomènes indépendants de l’employeur, auquel s’ajoute les ambiances au travail où le bruit peut encore se manifester. Une nuisance dont l’organisme accumule les effets tout au long de la journée, et qui provoque, outre la fatigue, une perte de capacités de concentration, de réactivité, d’initiative. Et les personnels payent aussi leur part de la baisse de productivité, selon leurs modes de rémunération, et de promotion. Tout le monde paye, immédiatement ou plus tard. L’exemple des retards scolaires illustre ce triste partage. Mauvais renouvellement d’air dans la classe, mauvaise acoustique, trop chaud ou trop froid, les enfants sont fragilisés, en mauvaises conditions pour apprendre. Résultat : des retards scolaires, surtout pour les enfants que les parents ne peuvent pas aider le soir. Ça coute cher à l’Etat, 2 milliards d’euros chaque année pour l’ensemble des redoublements. Les familles payent également l’allongement de la scolarité, et les enfants aussi, bien sûr, les premiers concernés.
Et puis, il y a le prix humain. Celui payé dans notre chair et nos têtes. Un prix plus lourd que le prix en argent mentionné ci-dessus, mais difficile à évaluer. La référence en France pour le prix d’une vie humaine est de 3 M€, mais quel est le prix de la souffrance, de la dégradation de ses relations sociales, de la perte du goût, de la considération que chacun a pour soi-même ? C’est un coût complexe, somme de multiples dommages dont certains ne se manifesteront que bien plus tard et qui détruisent une vie sournoisement, sans entrer dans un système d’indicateurs reconnus par les assurances.
La répartition des coûts monétaires entre de nombreux acteurs représente une difficulté certaine pour déterminer clairement des responsabilités. Probablement une bonne raison pour ne pas engager de politique volontariste pour atténuer ces coûts sociaux. Quant aux coûts humains, ils suscitent bien de la compassion, mais peu de réactions, sauf quand l’opinion se révolte. Un car scolaire en feu, une discrimination grossière, le crime odieux d’un ivrogne, et le monde politique s’agite sous le coup de l’émotion, mais celle-ci est vite remplacée par une autre et l’oubli fait son œuvre. Quoi qu’il en soit, les coûts sociaux perdurent, et ne provoquent guère de réaction soutenue, sauf exception comme les accidents de la route, en nette régression du fait d’une politique établie dans la durée.
La réduction des coûts sociaux serait pourtant un bel objectif politique au sens large. Elle permettrait d’améliorer la qualité de la vie tout en faisant des économies. Une autre forme de croissance. Remplacer le « toujours plus » par « moins de moins », car nous avons tous appris à l’école que moins par moins = plus. Ces coûts étant par ailleurs supportés par les familles le plus modestes, une telle orientation répondrait à l’impératif de lutte contre les inégalités. La seule victime serait le PIB, indicateur de croissance inamovible bien que tout le monde en reconnaisse les limites. Croissance du bien être et diminution des coûts n’entre pas dans la logique du PIB, qui assimile le bonheur à l’activité marchande. Il va falloir s’habituer à penser autrement, et trouver de nouveaux outils de pilotage de l’économie. La lutte contre les coûts sociaux et les drames humains qu’ils traduisent nous y invite.

1 - Les chiffres avancés proviennent de statistiques étalées sur une dizaine d’années. Prenons-les pour des ordres de grandeur.

Photo : Alliance contre le tabac

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