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Argent, Economie et PIB

Revenu

La question du revenu universel a été liée à tort à la raréfaction du travail. Elle prend un sens bien différent si elle est associée à des objectifs de nature du travail, et de qualité de vie au travail. La valeur travail comme motivation principale, au lieu de la recherche d’un pouvoir d’achat.

L’élection présidentielle a été l’occasion de lancer le débat sur le revenu universel. Revenons sur ce concept, libérés de la tension de l’évènement, en toute sérénité.
Le revenu universel a été évoqué en réponse à un phénomène précis, la raréfaction du travail. Encore une fois, c’est la manière de poser le problème qui est à la source de tous les malentendus, et empêche de progresser dans la réflexion.

Dans la recherche de futurs inédits, le développement durable commence justement par la question. Celle-ci est souvent trop marquée par des débats parasites, issus de conflits anciens, dans l’univers du passé. Elle provoque des réactions elles-mêmes archaïques, ressuscite de vieilles querelles, qui rendent impossible l’exploration du futur.
Comment poser la bonne question ? En se dégageant des a priori et des idéologies qui en ont à l’origine, et revenant aux données de base. En l’occurrence, nous savons que la quantité de travail, nécessaire à la production de biens et services a tendance à décroître. Aujourd’hui, nous ne passons que 12% de notre vie à travailler, contre 40% au début du siècle dernier. La productivité du travail humain s’est fortement améliorée. L’émergence de nouvelles demandes et la mise sur le marché de nouveaux produits a permis de maintenir des emplois, par redéploiement du travail dans de nouveaux secteurs, mais la tendance lourde de diminution est bien là. L’arrivée des robots et de l’intelligence artificielle va la prolonger, et de nouveaux besoins devraient éponger en partie diminution de la quantité de travail nécessaire. Une donnée nouvelle s’ajoute à cette équation traditionnelle : la raréfaction non pas du travail, mais des ressources naturelles. Les nouveaux besoins devront être immatériels, et les modalités de production de plus en plus performantes du point de vue desdites ressources.
Une autre donnée de base est la répartition du pouvoir d’achat. Pour que l’économie fonctionne bien, il faut des producteurs et des consommateurs. L’argent doit donc être réparti efficacement, plutôt qu’équitablement. L’argent n’est pas que la récompense du travail, il est aussi et surtout le fluide qui irrigue la société pour permettre son fonctionnement. Une mauvaise répartition est un frein à la croissance économique. En développant le concept de « croissance inclusive », l’OCDE signale clairement que les inégalités sont devenues un frein à la croissance. Une meilleure distribution du pouvoir d’achat est nécessaire, les mécanismes concernés doivent être revus avec cette orientation. Avec bien sûr cette donnée nouvelle, évoquée ci-dessus, le la raréfaction des ressources, qui implique une croissance immatérielle, qualitative (biens culturels, relationnels, etc.) et une productivité « matières » en forte progression.
Nous avons abandonné les termes d’équité et de proportionnalité entre travail et revenu, termes devenus bien obsolètes quand on observe l’évolution des revenus depuis quelques décennies. Sans abandonner le volet « moral » de la rémunération du travail, « tout travail mérite salaire », orientons-nous avec pragmatisme sur le bon fonctionnement d’une économie qui permette à chacun de vivre décemment.
Une troisième donnée semble bien absente du débat, alors qu’elle en donne la clé : la nature et la qualité de vie au travail. L’origine même du mot fait référence à une torture. Le travail est une fatalité, une malédiction consécutive à l’expulsion d’Adam et Eve du paradis terrestre. Dans ces conditions, la question de la qualité de vie au travail n’a pas de raison d’être. Nous sommes dans une approche rédemptrice. Abandonnons cette approche moralisatrice, comme beaucoup d’entreprises qui l’ont fait depuis longtemps. Faisons que le travail soit source de satisfaction et d’épanouissement personnel. L’expérience montre que cette approche n’est pas du tout contradictoire avec la productivité, bien au contraire. Le « bonheur au travail » est un facteur essentiel de productivité, et les entreprises qui savent l’offrir à leur personnel disposent d’un capital immatériel considérable. Il revient aux « partenaires sociaux » de créer les conditions de cette transformation, déjà engagée ici et là.
La question du revenu universel est indissociable de cette troisième donnée. Ce n’est plus le besoin de gagner de l’argent qui est le moteur, mais l’attractivité du travail pour lui-même. Le revenu universel n’a pas de sens en dehors de cette approche. La « valeur travail » y est exaltée. La nature du travail, le sentiment d’être utile à la société, les conditions d’exercice de l’activité, le statut social qui lui est attaché, le compagnonnage et la camaraderie, la fierté d’assumer des responsabilités, et bien d’autres sentiments liés à la vie au travail, voilà les raisons de se lever le matin. La simple recherche d’un pouvoir d’achat ravale le travail à un moyen, et non plus à un but en soi. Un moyen d’obtenir des biens de consommation, celle-ci devenant alors la véritable valeur de référence.
Le débat sur le revenu universel n’est pas nouveau, mais il a connu un temps fort au cours de la campagne présidentielle. Dommage qu’il n’ait pas été l’occasion d’échanges sur la qualité du travail, enjeu majeur de notre société, et axe de réflexion dans la perspective d’un développement durable.



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