Pourcentage
Comme chacun sait, on peut faire dire beaucoup de choses aux chiffres, et aux pourcentages peut-être encore plus qu’aux valeurs absolues. Et pourtant les ratios sont bien utiles, si on les calcule bien, et s’ils prennent en compte les vrais enjeux, les facteurs limitants, qui doivent être utilisés avec le maximum d’efficacité.
Ce sont des rendements qui sont ainsi calculés, par rapport à un paramètre tel que l’heure travaillée, la surface utilisée, l’énergie ou l’eau consommée pour obtenir un service particulier. Ce n’est pas toujours facile de trouver la bonne unité pour caractériser le service rendu, le dénominateur dans la fraction. La tentation est forte de se contenter de données physiques, ce qui donne par exemple des prix au m² pour construire un hôpital, alors que le bon indice serait le prix à payer pour guérir, introduisant la qualité des soins rendus possibles par la qualité du bâtiment, la durée du séjour, la maîtrise des maladies nosocomiales, etc.
Le pourcentage est souvent utilisé pour calculer la rémunération, commissions ou honoraires, de certaines professions. La rémunération est ainsi mise en relation avec l’importance de l’affaire, supposée traduite par son prix. Il s’agit de métiers de conception d’un produit, rémunérée par un pourcentage du prix final du produit, ou d’intermédiaire dans une transaction, dont le montant est le signe d’un certain niveau de responsabilité ou de risque encourus. Ce n’est en général qu’un indice grossier de la quantité de travail que la prestation demande. On doit y ajouter des coefficients pour nuancer un premier calcul, en fonction de la difficulté particulière du problème à traiter. Là où ça se corse, c’est quand le travail rémunéré au pourcentage devrait avoir pour effet de faire faire des économies sur le prix final. Plus on travaille bien, plus on fait gagner de l’argent à son client, moins on est payé. Un curieux paradoxe qui ne pousse pas à la vertu.
Le caractère systématique du pourcentage est parfois une qualité. Il permet de répartir des coûts entre des opérations de même genre mais d’importance différente. Vendre un bonbon à 10 centimes d’euro ou un gâteau à 30 euros ne demande pas beaucoup plus de travail, mais s’il fallait faire payer le travail du bonbon au prix réel, il y a tout lieu de croire que le bonbon serait prohibitif. Il faudrait le conditionner en paquets, et pousser à la consommation… A l’inverse, la règle du pourcentage conduit, pour le même service rendu par un commerçant, à augmenter sa marge en valeur absolue sur une ampoule basse consommation par rapport à celle réalisée sur une ampoule à filament, ce qui renchérit sans raison la solution vertueuse. Pour le commerce équitable, je suis d’accord pour donner un peu plus d’argent au producteur, dans sa coopérative, mais par pour que cet ajout amplifie les marges réalisées tout au long de la chaine entre le producteur et moi. Le marchand du paquet de café équitable doit-il gagner plus d’argent que le marchand de café ordinaire, au nom de la solidarité ? Oui, s’il vend plus de café parce que solidaire, non s’il ne fait que profiter d’une rente de situation. Et il est permis de s’interroger sur le montant de la TVA. L’Etat doit-il prélever plus d’argent sur ce paquet de café au motif qu’il est solidaire ? L’application brutale d’un pourcentage présente manifestement quelques défauts.
L’actualité nous conduit à nous intéresser au prix du pétrole et des matières premières, métaux, produits agricoles, etc. Il s’envole, et avec lui les bénéfices des sociétés pétrolières et la TVA payée. Quand la demande dépasse l’offre de quelques pourcents, les prix s’envolent bien au-delà de ce qu’un modeste déficit devrait provoquer, et symétriquement, quand l’offre est trop généreuse, les cours tombent brutalement. Les opérateurs économiques amplifient terriblement les pourcentages d’écart entre offre et demande, et conduisent les pouvoirs publics à mettre en place des régulations. Il est frappant que certaine professions protestent contre le prix du pétrole, alors que d’autres sont plutôt en guerre contre les fluctuations de ce prix, élevé ou non.
Le développement durable conduira de plus en plus à des solutions sur mesure, adaptées à chaque cas d’espèce, introduisant de la complexité dans les calculs, une complexité qui reflète celle de la vie, avec ses multiples composantes. Le pourcentage apparaîtra de plus en plus comme insatisfaisant, trop brutal et trop frustre pour rendre compte de phénomènes de plus en plus fins, précis. Il lui reste une qualité formidable, celle qui a fait son succès, la simplicité. C’est lui qui permet, par exemple de faire bénéficier des ONG d’une partie du prix de vos achats électronique quand ils transitent par Soliland. Gardons le quand même, dans ces conditions, car il peut rendre encore de grands services. Mais sachons le transgresser, le compléter, le remettre en question au profit de calculs plus fins fondés sur le service rendu réellement. Ne soyons pas esclave du pourcentage.
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