PIB
À la veille des élections présidentielles, la presse professionnelle s'interroge sur l'avenir des activités dans le prochain quinquennat. L'analyse prend appui sur leur part du secteur dans le PIB. Une vue étroite des choses...
Selon le journal « le Moniteur », en 2010, la construction française a réalisé 192 Milliards d'euros de chiffre d'affaires. Cela représente 8,3 % du PIB Français(1).
Voilà une vision bien restrictive de l'importance de ce secteur dans notre économie. Bien sûr, il y a les entreprises spécifiques à ce secteur, avec leurs Intérêts légitimes. Il faut aller au-delà.
Restons en premier lieu dans l'approche retenue, celle de la production. Faut-il se cantonner aux seules entreprises qui construisent des bâtiments et les infrastructures ? Un bâtiment commence à vivre véritablement le Jour où les premiers occupants s'y installent. Il a dès ce moment-là de nombreux besoins à satisfaire : il consomme de l'eau et de l'énergie, il rejette des déchets et des eaux usées, il faut le nettoyer, souvent le gardienner, veiller à sa sécurité, etc. La construction et les travaux d'entretien et d'amélioration ne constituent qu'une partie des activités économiques nécessaires pour mettre à disposition des usagers un bâtiment performant, qui offre une bonne qualité de service au meilleur prix.
Si le chiffre d'affaires du bâtiment se partage grosso modo en deux parts égales, la construction neuve et les travaux sur le parc existant(2), il faudrait ajouter un budget considérable pour les activités complémentaires à la construction proprement dite : celles qui précèdent ou accompagnent les travaux, maîtrise d'ouvrage et maîtrise d'œuvre notamment, et celles qui les suivent, gestion, exploitation, services et fourniture de tous les fluides dont une maison a besoin pour fonctionner. Il faudrait y ajouter le secteur industriel qui fournit les produits, les banques et les assurances, les notaires, les administrations concernées par la construction. On voit bien alors que le secteur du bâtiment représente dans l'économie française bien plus que le simple chiffre d'affaires des entreprises de gros œuvre ou de second œuvre. Rappelez-vous du vieil adage, « quand le bâtiment va, tout va ». Une approche du secteur en « coût global » se révèle ainsi beaucoup plus riche que la simple présentation des comptes d'une catégorie d'acteurs. L'enjeu est plus large, et il convient d'en prendre toute la mesure.
Ce changement dans la manière de compter s'impose si l'on veut intégrer la qualité. À défaut, tout se passe comme si l'activité complémentaire aux travaux ne pouvait être améliorée. Une réduction significative des coûts de fonctionnement, du fait que d'une conception judicieuse et de la qualité de la réalisation, ne trouve pas sa place dans une approche économique qui n'observe que les travaux. On dit parfois que la qualité à un coût. Nous pouvons faire, à l'inverse, le pari qu'avec le même budget, il est possible d'offrir à un ménage un logement de haute qualité, à la fois pour son usage et pour l'environnement. Ce sera toutefois avec une autre structure de dépenses, ce qui nécessite au passage des instruments financiers adaptés. Mais comment aller dans cette direction si le pilotage du secteur s'effectue avec des lunettes munies d’œillères ?
Au-delà de l'approche par la production, il y a celle par le service rendu. Quelle est la valeur véritable des services rendus par les bâtiments de toutes natures, et les infrastructures ? Pour une part, le marché peut apporter une réponse. La valeur est celle que les consommateurs acceptent d'y accorder dans les transactions. Mais quand il s'agit de logement, chacun sait que le marché ne traduit qu’une partie de la demande. Quand il s'agit d'infrastructures, les retombées économiques et les coûts environnementaux n'entrent pas non plus dans une logique de marché. Comment évaluer le coût du mal logement, coût social mais également économique car nous savons bien que la productivité au travail dépend des conditions de vie. Comment évaluer le coût environnemental de réseaux d’assainissement défectueux ? Quant aux retombées économiques du désenclavement d'une région, elle dépend essentiellement du dynamisme propre à ladite région, comme de nombreux exemples en attestent.
La référence au PIB apporte des indications utiles, chacun en conviendra. Mais elles sont partielles et il serait très dangereux de s'y arrêter. Elles ne constituent qu'un volet d’un dossier beaucoup plus épais, intégrant l'ensemble des acteurs concernés et la durée d'une part, et la qualité du service rendu, la satisfaction des besoins et les effets de cette satisfaction d'autre part.
Le développement durable demande la conception et la mise en œuvre d'instruments de pilotage plus riches que ceux hérités de l'époque où la croissance ne se mesurait qu’à partir de volumes de travaux. Il s'agit d'explorer des voies originales, de marier des intérêts complémentaires, et les approches mono thématiques ou mono sectorielles se révèlent souvent être des Freins au changement. Le PIB fait l'objet de nombreuses critiques, bien connues. Il fournit une vision macro-économique tronquée, mais il entraîne aussi dans ses errements les analyses plus fines. On ne résout pas les problèmes avec l'état d'esprit qui les a créés nous disait Einstein. Paraphrasant cette phrase, disons qu’on ne résoudra pas la crise économique avec les instruments de pilotage qui nous y ont conduits.
1 Le Moniteur du 6 avril 2012
2 Avec un léger plus aux travaux sur le parc existant
Chronique mise en ligne le 8 avril 2012
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